Invasion U.S.A. (1985) : le test complet du Blu-ray

Film d’aventures appartenant à l’âge d’or de la Cannon Group, réalisé par un solide artisan.

U.S.A.1985 : des émigrés cubains fuyant le régime communiste castriste sont massacrés en pleine mer par de faux gardes-côtes américains dirigés par l’agent soviétique Rostov. Le F.B.I. comprend trop tard qu’il s’agit de la première étape d’une attaque par voie navale : l’agent secret américain Matt Hunter n’en est pas surpris car il a déjà eu affaire à Rostov et se souvient de quoi il est capable. Alors qu’une armée de terroristes internationaux passent à l’attaque en divers points du territoire, Hunter obtient carte blanche pour lutter contre Rostov à armes égales.

Invasion U.S.A. (USA 1985) de Joseph Zito, sorti à Paris le 08 janvier 1986, demeure l’un des meilleurs films B produits par Cannon Group, tournés par Zito et interprétés en vedette par l’acteur Chuck Norris. Son budget, son niveau plastique de mise en scène, son montage, sa musique le placent à un niveau équivalent du Portés disparus (Missing In Action, USA 1984) de Zito avec Norris qui avait été, pour les jeunes spectateurs français d’alors, le film-symbole à la fois de la renaissance de la série B américaine et de la véritable naissance de Cannon Group comme producteur et distributeur indépendant. Le cauchemar de Rostov en 1985 renvoie d’ailleurs assez, par l’insertion de quelques plans d’ensemble assez proches (scène de l’ambassade viêtnamienne), à ce titre de 1984.

Invasion U.S.A. est certes, sur le plan de l’histoire du cinéma, un simple démarquage, au budget plus serré, de l’assez bon film de guerre et de politique-fiction qu’était L’Aube rouge (USA 1984) de John Milius. Il n’est donc pas question ici d’originalité concernant l’argument mais, en revanche, son action est autant urbaine que rurale alors que celle du titre de Milius était essentiellement celle d’un vigoureux survival en milieu rural. Autre différence non négligeable : alors que seule l’ouverture du Milius s’avérait réellement inattendue et virtuose (tandis que la suite était relativement prévisible et son rythme parfois un peu moins soutenu), la mise en scène de Zito maintient un rythme assez nerveux tout du long. Il ne faut pas attendre un réalisme quelconque (mis à part celui des armes employées : la garde nationale de Géorgie prêta son concours militaire) car c’est une bande-dessinée autant que l’était Les Soucoupes volantes attaquent (Earth vs. Flying Saucers, USA 1956) de Fred F. Sears dont Hunter visionne brièvement des extraits recadrés en 1.37 compatibles 4/3 sur la télévision de sa chambre l’hôtel. Selon le monteur Daniel Loewenthal, Cannon Group exigea les coupes de la plupart des scènes psychologiques qui étoffaient les caractères des seconds rôles, afin de ne conserver finalement presque que des scènes d’action.

Bande-dessinée pour adultes et adolescents, s’entend cependant, et pas pour enfants : elle est autant anticommuniste que l’était le film de Milius (certains dialogues entre Richard Lynch et Alexander Zale renverraient presque à la technique léniniste du coup d’état), dotée d’une ironie noire régulièrement assez surréaliste et, enfin et surtout, d’une violence graphique plastiquement parfois inspirée mais d’un niveau élevé, parfois très âpre. Tom Savini, bien connu par les exégètes du cinéaste George A. Romero, est crédité comme maquilleur au générique. Il faut, en outre, ne pas se lasser de répéter que Norris est bon acteur lorsqu’il est dirigé par de bons cinéastes (par exemple, durant son âge d’or de 1975-1985, par des cinéastes du calibre de Ted Post, Steve Carver, Michael Miller, Joseph Zito, sans oublier Menahem Golan). Les seconds rôles sont bien interprétés, à commencer par le Rostov joué par un Richard Lynch au mieux de sa forme. Lynch atteint parfois une dimension relevant du fantastique bien que ce titre n’appartienne pas à ce genre : il est, du fait de son physique, de la même veine dramaturgique qu’un Klaus Kinski et sa simple apparition suffit à tirer ses séquences vers ce genre. Pour prendre l’exacte mesure de son talent, il faudrait enfin éditer en vidéo numérique chez nous le méconnu mais remarquable film fantastique Panics (Bad Dreams, USA 1988) d’Andrew Fleming dont il sera la vedette trois années plus tard.

Scènes-chocs mémorables d’Invasion U.S.A. : le pré-générique cubain (coupé lors de sa toute première télédiffusion française en début de soirée : pendant assez longtemps, seule la vidéo VHS permit en France d’y avoir accès) ; la rencontre de Rostov avec le trafiquant de drogue joué par Billy Drago ; le débarquement nocturne sur la plage ; la destruction d’un lotissement résidentiel dans la banlieue d’Atlanta, l’affrontement final au coeur de la ville au montage alterné ample et soutenu.

Combo 1 Blu-ray BD50 région B + 1 DVD9, édité par ESC le 04 janvier 2023. Image Full HD 1080p couleurs au format original 1.85 compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 Mono VOSTF + VF d’époque. Durée du film 107 min. 35 sec. (à 24 images secondes sur Blu-ray) / 103 min. 17 sec. (à 25 images secondes sur DVD). Suppléments : « Chuck Norris, une icône des années 80 » par Richard Tribouilloy (2002, 20’14”) + « Chuck contre la menace rouge » par Arthur Cauras (2022, 19’12”) + Making of (1985, 21’48”, VF) + Bande-annonce (1’32”, VO). Visuel du boîtier reprenant l’affiche américaine originale. Signalons qu’il existe en outre une édition limitée ESC VHS-BOX distribuée simultanément par la FNAC comportant 10 photos, 1 affiche, 1 livret de 32 pages sous boîtier au format VHS.

Chuck Norris, une icône des années 1980 par Richard Tribouilloy (2002, 20’14”) : brève présentation de la Cannon Group de Ménahem Golan et Yoram Globus puis de la filmographie de Norris. Le cinéphile connaissant déjà l’époque n’apprendra rien. Le contexte historique et politique est négligé : pas un mot sur la situation de l’Amérique centrale ni de l’Amérique du Sud en 1980-1985 dans lesquels les guerres terroristes communistes soutenus par l’URSS et la Chine maoïstes progressaient alors dangereusement, sans parler de la situation alors constamment brûlante de Cuba. Nombreuses affiches et photos d’illustration, pas mal d’extraits du film de référence.

 Chuck contre la menace rouge  par Arthur Cauras (2022, 19’12”) : encore brève mais un plus complète présentation de la Cannon Group (qui prend en compte sa production de films d’auteurs et ne la réduit pas à une firme produisant des films purement commerciaux) ; quelques remarques utiles sur les carrières de Norris et Lynch puis relative paraphrase du scénario. Nombreux documents d’illustration, pas mal d’extraits du film de référence aussi.

Making of (1985, 21’48”, 4/3, VF) : document américain d’époque de première main, à l’image certes médiocre mais qui détaille les divers grands trucages et effets spéciaux, cascades et scènes d’action, montrant Zito diriger Norris, comportant d’intéressantes indications techniques.

Bande-annonce (1’32”, VO) : bien restaurée, au format large respecté, donnant une bonne idée du film.

Au total, assez bonne édition spéciale comportant un document original (le documentaire sur le tournage) qui devenait rare.

Format 1.85 respecté compatible 16/9, en Full HD 1080p AVC. Direction photo signée par Joao Fernandes. Grande amélioration technique de ce nouveau master (estampillé MGM au début du générique d’ouverture, juste avant l’apparition du logo Cannon Group) par rapport aux anciens DVD MGM zone 1 NTSC (sorti aux USA en 2001) et surtout par rapport aux anciens DVD MGM zone 2 PAL (sorti en France en 2005 mais à l’image inférieure au zone 1) : la copie argentique est ici parfaitement nettoyée, sa définition et sa colorimétrie rehaussées. Il s’agit probablement, sur cette édition ESC de 2023, du master américain vidéo MGM édité aux USA par Shout Factory en 2016 : amélioration, tant sur le plan argentique que vidéo, dont le cinéphile francophone peut enfin bénéficier.

VOSTF et VF d’époque en DTS-HD Master Audio 2.0.  : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Préférez la VOSTF qui respecte bien mieux les effets sonores et restitue l’équilibre dynamique entre dialogues, musique et effets sonores. Techniquement, pour mémoire, la piste originale était une Dolby Digital par la suite remastérisée en Dolby Digital Surround pour les anciennes éditions DVD MGM zone 1 NTSC (en 2001) et zone 2 (en 2005). L’édition américaine Blu-ray Shout Factory (en 2016) proposa une piste DTS-HD Master Audio 5.1 qui n’a pas franchi l’océan Atlantique. Une des meilleures partitions musicales composées par Jay Chattaway qui travailla aussi bien (dans les années 1980-1985 constituant son âge d’or) pour le cinéaste William Lustig que pour Joseph Zito.

Crédits images : © Cannon Films, Golan-Globus