Réalisé par Robin Davis
Avec
Claude Brasseur, Marlène Jobert et Claude Rich
Édité par ESC Editions
Paris 1979 : les commissaires Ballestrat et Fush, respectivement chef de la Brigade territoriale et de la Brigade antigang, traquent Sarlat, l’ennemi public numéro 1. Au lieu de conjuguer leurs efforts pour l’arrêter, les deux hommes entrent en concurrence, chacun cherchant à prouver la supériorité de son équipe et de ses méthodes. Une inspectrice se voulant libre et indépendante est témoin puis partie prenante dans cette dérive aux conséquences inexorablement meurtrières.
La Guerre des polices (Fr. 1979) de Robin Davis demeure l’un des bons films noirs policiers français de la décennie 1970-1980, produit par Véra Belmont qui avait déjà à son actif de productrice Un Condé (Fr.-Ital. 1970) d’Yves Boisset. Pas seulement en raison de son interprétation ni de son scénario au suspense tendu (et à la fin assez nietzschéenne) inspiré par un aspect de l’affaire Jacques Mesrines (celui de la rivalité des services administratifs) servi par une mise en scène relativement nerveuse au montage constamment précis, mais, aussi, parce qu’il en a les nécessaires qualités réalistes et documentaires. La description sociologique colle assez bien au climat de la fin des années 1970, début des années 1980.. Elle est réalisée et écrite par des cinéphiles amoureux des écrivains publiés par la Série noire des éditions Gallimard - le premier plan du film lui rend d’emblée hommage : on y filme la couverture du roman policier de Jean-Patrick Manchette, Que d’os ! édité en 1976 ; Manchette participa au scénario du film de Davis - et des films noirs policiers américains classiques de Raoul Walsh et Howard Hawks. Les dialogues oscillent entre populisme argotique convenu et extrême virulence occasionnelle à visée critique voire nihiliste : la trajectoire suicidaire du commissaire Fush joué par Claude Brasseur (bien opposé à celui joué par Claude Rich) entraîne d’une manière inattendue le film entier vers un audacieux point de non-retour.
On n’oublie pas non plus, une fois qu’on l’a visionnée, la vigoureuse séquence tournée à l’intérieur d’une des trois salles de l’Axis, un cinéma érotique et pornographique du quartier Pigalle, pendant la projection d’une séquence que les connaisseurs cinéphiles les plus pointus eurent du mal à identifier parmi les titres affichés à l’entrée, dans la mesure où les deux acteurs reconnus au passage ne figuraient pas à leurs génériques respectifs. Il faut dire qu’on ne savait jamais à l’avance ce qu’on allait voir à l’écran, une fois franchie la caisse et en dépit des affiches minimalistes : il fallait parfois reconstituer les génériques faute d’en disposer, à cette époque qui amorçait déjà la fin de son âge d’or cinématographique argentique (1970-1980). Une coquetterie esthétique, la seule éloignée du réalisme imprégnant le restant de la direction de la photographie : l’image de la séquence projetée à l’écran est N&B tandis que l’intérieur de la salle est filmé en couleurs. Notez aussi, sur le plan sociologique, que la prostitution homosexuelle s’avère un élément non négligeable du scénario.
Autre aspect constituant un témoignage intéressant : l’armement léger de la police nationale et de la gendarmerie nationale comme celui des voyous (qui attaquent une armurerie parisienne). L’affiche cinéma de 1979 mettait en valeur les spectaculaires revolvers américains Colt Python mais c’était, sur le plan de l’histoire de l’exploitation (section indispensable de l’histoire du cinéma) afin de profiter sans doute un peu du succès commercial, quelques années plus tôt, du film Police Python 357 (Fr. 1976) d’Alain Corneau. Les affiches françaises du titre de 1976 comme de celui de 1979 privilégiaient des modèles à canons de 4 pouces par souci de réalisme car il faut se souvenir qu’on considérait alors qu’ils étaient d’un encombrement raisonnable, conciliant compacité et performances balistiques. Ce qui n’était le cas ni des petits canons de 2 pouces (au souffle et au recul trop élevés, à la précision limitée), ni des grands canons de 6 pouces (bien pus précis mais augmentant le poids et l’encombrement pour le port au quotidien). Ce réalisme est malheureusement parfois battu en brèche : scène invraisemblable où l’inspectrice tire pour intimider un indicateur réticent (joué par Kalfon) couché sur le lit de sa chambre de bonne, au risque que la balle traverse un voire même plusieurs murs et blesse les occupants d’un appartement voisin.
Le casting des seconds rôles est riche et varié (Jean-Pierre Kalfon, Feodor Atkine, Gérard Desarthe, Rufus et d’autres encore) et Marlène Jobert elle-même (dont Davis ne voulait initialement pas pour le rôle féminin vedette) s’avère finalement assez surprenante en inspectrice de police indépendante et violente, curieusement fatale et aux antipodes de celle qu’elle avait incarnée, dix ans plus tôt, dans le si remarquable Dernier domicile connu (Fr.-Ital. 1969) de José Giovanni.
Combo 1 Blu-ray BD50 région B + 1 DVD9, édité par ESC le 04 janvier 2023. Image Full HD 1080p couleurs au format original 1.66 compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 Mono VF. Durée du film 103 min. 10 sec. (à 24 images secondes sur Blu-ray) / 99 min. (à 25 images secondes sur DVD). Supplément : « En quête de vitesse » : documentaire sur le film avec Robin Davis, Patrick Laurent, José Pinheiro, Alain Maline, réalisé par Roland-Jean Charna (Inser & Cut Production, 2022, 64’26”).
« En quête de vitesse » : documentaire sur le film avec Robin Davis, Patrick Laurent, José Pinheiro, Alain Maline, réalisé par Roland-Jean Charna (Inser & Cut Production, 2022, 64’26”) : trop long mais on apprend néanmoins vraiment beaucoup de choses dites par des témoins de première main, respectivement le cinéaste réalisateur, le scénariste principal, le monteur et le premier assistant-réalisateur. Relations entre Davis et Georges Lautner, genèse du projet lancé par la productrice Véra Belmont, références esthétiques et littéraires du cinéaste, écriture et étapes du scénario, casting, tournage. Une petite déception : aucune information sur le tournage à l’Axis de Pigalle, passé sous silence par tout le monde. Nombreux extraits (mais vraiment trop nombreux : ils rallongent beaucoup trop la durée de l’ensemble) du film de référence : ne surtout pas visionner le documentaire avant le film, par conséquent.
Format 1.66 compatible 16/9, en Full HD 1080p AVC. Image argentique parfaitement nettoyée, transfert vidéo soigné rehaussant notamment la définition des scènes nocturnes et des intérieurs lorsque la profondeur de champ est convoquée. La direction photo est cependant assez neutre, son esthétique demeure sage et classique : pas de couleurs vives ni de dominantes stylisées mais des bleus glacés, des gris, des ocres et des verts attendus lorsque la scène se déplace à la campagne.
VF originale en DTS-HD Master Audio 2.0. : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Excellente restauration sur le plan sonore. Musique sans relief particulier, assez discrète.
Crédits images : Tony Frank © Les Productions Jacques Roitfeld, Stéphan Films