Le Destin d'un homme (1959) : le test complet du Blu-ray

Andrei se souvient d’une enfance difficile, des dix-sept années d’un bonheur partagé avec Irina, brutalement interrompu par la guerre.

Andrei Sokolov, la quarantaine, accompagné de Vania, un garçonnet de six ans, rencontre un homme qu’il a connu jadis. Il lui raconte les temps douloureux de sa vie, la perte de toute sa famille morte de faim pendant la famine de 1920, la guerre pendant laquelle il fut fait prisonnier et échappa plusieurs fois à la mort. Et aussi la parenthèse heureuse des dix-sept années partagées avec Irina et les trois enfants qu’elle lui a donnés…

Le Destin d’un homme (Sudba cheloveka), le premier film de Sergey Bondarchuk (1920-1994), adapté d’une nouvelle publiée en 1957 par Mikhail Sholokhov (1905-1984), remporta en août 1959 le Grand prix du premier Festival international du film de Moscou avant d’attirer en France 1,3 millions de spectateurs.

Diplômé du VGIK, Sergey Bondarchuk commence en 1948 une carrière d’acteur qu’il poursuivra toute sa vie en tenant une cinquantaine de rôles, avant de pouvoir réaliser une dizaine de films dont Guerre et Paix (Voyna i mir), une grande fresque en quatre parties d’une durée totale de plus de 6h30, saluée en 1969 par de nombreux prix et dont l’Oscar du meilleur film étranger.

Le Destin d’un homme, comme les deux films de Grigori Tchoukhraï, Le Quarante et unième (Sorok pervyy, 1956) et La Ballade du soldat (Ballada o soldate, 1959) ou encore Quand passent les cigognes (Letyat zhuravli, Mikhaïl Kalatozov, 1957), propose une vision intimiste de la guerre, ressentie par des hommes jetés dans un enfer, différents des héros « galvanisés » du cinéma de la période stalinienne. Ce film est une des balises marquant un tournant qui favorisera l’exportation du cinéma soviétique vers l’Occident.

Le Destin d’un homme ajoute à l’humanisme de son scénario une tension entretenue par un montage efficace, une belle photographie, la fluidité des mouvements de caméra et la sobriété du jeu de Sergey Bondarchuk, présent dans tous les plans.

Restauré par Mosfilm en 2019, Le Destin d’un homme nous arrive pour la première fois en haute définition, en même temps qu’un autre film de guerre de Sergey Bondarchuk, Ils ont combattu pour la patrie (Oni srazhalis za rodinu), sélectionné en 1975 pour la Palme d’or. On attend avec impatience une belle réédition de Guerre et Paix, introuvable depuis l’épuisement du coffret de 4 DVD sorti par les Éditions Montparnasse en 2011.

Le Destin d’un homme (101 minutes) et son supplément (22 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé, pour cette édition combo, en compagnie d’un DVD-9 avec le même contenu, dans un digipack.

Le menu propose le film dans sa langue originale, le russe, avec sous-titres optionnels qui auraient pu être placés plus bas sur l’image, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Le Destin d’un réalisateur, interview de Joël Chapron, spécialiste du cinéma russe et soviétique (22’, La Plume, Rimini Éditions, 2022). Le discours de Khrouchtchev devant le 20ème congrès du parti communiste, le 25 février 1956, donne le signal d’un assouplissement de la censure, ce qui modifiera, notamment, la représentation de la guerre et permettra d’humaniser le héros, d’entrer dans son intimité. Les cinéastes comme Bondarchuk, Tchoukhrai et Kalatozov pourront ainsi « raconter leur guerre ». Le Destin d’un homme fut le cinquième film le plus vu en 1959 en URSS. Ce succès permettra au réalisateur d’obtenir en 1965 tous les moyens pour réaliser un ambitieux projet, l’adaptation en quatre parties de Guerre et paix qui n’avait, jusque-là, été adapté qu’aux USA par King Vidor en 1956. Le succès mondial du film valut à Bondarchuk d’être élu à la tête de l’Union des cinéastes jusqu’à son remplacement, à l’arrivée de Gorbatchev, par Elem Klimov. Il mourra à la fin du tournage de Le Don paisible (And Quiet Flows the Don), une coproduction internationale que son fils montera, douze ans plus tard, en 2006, sous la forme d’une minisérie.

L’image (1.37:1, 1080p, AVC), après la restauration opérée en 2019 par Mosfilm, assez soigneusement débarrassée des marques de dégradation de la pellicule, lumineuse, fermement contrastée avec des noirs denses, offre un remarquable piqué, partiellement dû à un affinement du grain qui, dans certains plans, dérape vers un lissage excessif. On relève aussi une instabilité occasionnelle, mais rien qui puisse altérer le plaisir du visionnage.

Le son DTS-HD Master Audio 2.0, propre lui aussi, restitue les dialogues avec clarté. Une bonne dynamique et une ouverture satisfaisante de la bande passante assurent la présence de l’ambiance et la musique est délivrée avec peu de saturations.

Ces observations s’appliquent au doublage en français, au même format, qui place un peu trop en avant des dialogues manquant parfois de naturel.

Crédits images : © Mosfilm