Ils ont combattu pour la patrie (1975) : le test complet du Blu-ray

Les souffrances de la guerre crûment exposées dans un film à grand spectacle commandé pour le 30ème anniversaire de l’armistice de 1945.

En juillet 1942, l’armée soviétique bat en retraite. Une poignée d’hommes épuisés, tout ce qu’il reste du régiment défendant les accès du fleuve Don, va tenter de bloquer la marche de la Wehrmacht vers Stalingrad.

Ils ont combattu pour la patrie (Oni srazhalis za rodinu), écrit et réalisé par Sergey Bondarchuk (1920-1994), adapté d’un roman de Mikhail Sholokhov, l’auteur de la nouvelle qui avait inspiré son premier film, Le Destin d’un homme (Sudba cheloveka, 1959, que vient de ressortir Rimini Éditions), fut sélectionné pour la Palme d’or en 1975.

Diplômé du VGIK, Sergey Bondarchuk commence en 1948 une carrière d’acteur qu’il poursuivra toute sa vie en tenant une cinquantaine de rôles, avant de pouvoir réaliser une dizaine de films dont Guerre et Paix (Voyna i mir), une grande fresque en quatre parties d’une durée totale de plus de 6h30, saluée en 1969 par de nombreux prix, dont l’Oscar du meilleur film étranger.

Bien qu’il fût tourné après le dégel, comme Le Destin d’un homme, ainsi que les deux films de Grigori Tchoukhraï, Le Quarante et unième (Sorok pervyy, 1956) et La Ballade du soldat (Ballada o soldate, 1959) ou encore Quand passent les cigognes (Letyat zhuravli, Mikhaïl Kalatozov, 1957), Ils ont combattu pour la patrie propose une vision intimiste de la guerre, menée par des hommes fragiles jetés dans la tourmente, loin de l’imagerie stéréotypée des héros « galvanisés », qu’avait imposée le stalinisme. Les soldats se plaignent ouvertement de la faim, d’un mauvais équipement, doivent endurer de grandes souffrances pendant des opérations chirurgicales sans anesthésie, ne cachent ni leur peur, ni leur envie de rentrer chez eux. Mais, pour répondre aux souhaits du Politburo depuis l’arrivée au pouvoir de Leonid Brejnev, l’action occupe une beaucoup plus grande place que celle qui lui était réservée par le cinéma du dégel khrouchtchévien.

Le film, tourné là où se sont déroulés les combats qu’il évoque, près de Volgograd, autrefois Stalingrad, aligne plusieurs scènes spectaculaires d’attaques de chars et d’avions réalisées grâce aux moyens en hommes et en matériel alloués par l’armée, avec débauche d’effets pyrotechniques bien mis en valeur.

Ils ont combattu pour la patrie a attiré des acteurs alors célèbres, dans le rôle principal Vasiliy Shukshin, mort pendant le tournage à 45 ans (que nous avions vu dans La Commissaire / Komissar, Aleksandr Askoldov, 1967), Yuriy Nikulin (20 jours sans guerre). Et l’on retrouve, dans des rôles secondaires, Sergey Bondarchuk et sa femme, Irina Skobtseva.

Restauré par Mosfilm, Ils ont combattu pour la patrie, introuvable depuis l’épuisement de l’édition DVD sortie en 2018, nous revient pour la première fois en haute définition, en même temps qu’un autre film de guerre de Sergey Bondarchuk, Le Destin d’un homme. On attend avec impatience une belle réédition de Guerre et Paix, introuvable depuis l’épuisement du coffret de 4 DVD sorti par les Éditions Montparnasse en 2011.

Ils ont combattu pour la patrie (157 minutes) et ses suppléments (25 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé, pour cette édition combo, en compagnie d’un DVD-9 avec le même contenu, dans un digipack.

Le menu propose le film dans sa langue originale, le russe, avec sous-titres optionnels qui auraient pu être placés plus bas sur l’image, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono. Certaines séquences non doublées sont présentées avec un sous-titrage automatique.

Le Destin d’un film par de Joël Chapron, spécialiste du cinéma russe et soviétique (12’, La Plume, Rimini Éditions, 2022). Le film, une commande du ministère de la défense pour le trentième anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, conformément aux directives de Brejnev pour résister à la concurrence du cinéma américain, doit comporter des scènes d’action. Deux mille figurants et du matériel sont fournis par l’armée. Le Politburo accueillit fraîchement la liberté prise par Bondarchuk d’avoir préféré un roman de Sholokhov situant l’action pendant la retraite de 1942, à celui du ministre de la défense Andreï Gretchko, La Bataille du Caucase, et, particulièrement, d’avoir inséré une scène où une paysanne reproche à l’armée son manque de combativité. Le film eut pourtant un très grand succès en URSS avec 40 millions d’entrées.

Le cinéma de Sergey Bondarchuk par Joël Chapron (13’). Comme dans Le Destin d’un homme, Bondarchuk a voulu donner sa propre vision de la guerre et souligner les souffrances physiques et psychologiques des soldats, « hors du carcan idéologique que l’Union soviétique voulait imposer », et permettre aux spectateurs de s’identifier aux personnages. Joël Chapron salue les efforts de Mosfilm pour restaurer des films du patrimoine soviétique.

L’image (1.37:1, 1080p, AVC), après une restauration par Mosfilm qui a effacé les marques les plus visibles de dégradation de la pellicule mais laissé subsister quelques petites taches (certaines sur l’objectif), apparaît lumineuse, agréablement contrastée. Elle offre un bon piqué, avec un affinement du grain respectueux de la texture du 35 mm. Les couleurs sont légèrement désaturées, dans une palette pastel rappelant le Sovcolor. On relève aussi une légère instabilité, mais rien qui puisse altérer le plaisir du visionnage.

Le son DTS-HD Master Audio 2.0, propre lui aussi, restitue les dialogues avec clarté. Une bonne dynamique et une ouverture satisfaisante de la bande passante assurent la présence assez spectaculaire de l’ambiance, notamment dans les scènes de bombardement. La musique est délivrée avec d’assez fortes saturations et stridences dans les passages forte.

Ces observations s’appliquent au doublage en français, au même format, avec des dialogues au timbre un peu mat, manquant parfois de naturel.

Crédits images : © Mosfilm