Les Espions (1928) : le test complet du Blu-ray

Spione

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Fritz Lang
Avec Rudolf Klein-Rogge, Gerda Maurus et Lien Deyers

Édité par Potemkine Films

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Le 28/03/2023
Critique

Réédition attendue, la première en haute définition, d’un des derniers grands films de la période allemande de Fritz Lang.

Les Espions

Un réseau d’espions sévit impunément dans l’Allemagne de la fin des années 20 et les services secrets semblent dépassés. On confie alors à l’agent n°326 la lourde tâche de traquer le chef de cette organisation. Sa mission sera semée d’embûches et de rencontres, notamment celle avec la fatale Sonja qui fera tout basculer.

Les Espions (Spione), sorti un an après le futuriste et sublime mais dispendieux Metropolis dont l’échec commercial avait épuisé les finances de l’UFA, est un thriller contemporain que Fritz Lang, en dépit de sa durée de 2h30, voyait comme « Nur ein kleiner Film, aber mit viel Action » (Rien qu’un petit film, mais avec beaucoup d’action). C’est une adaptation du roman que venait de publier sa seconde épouse, Thea von Harbou dans le filon des sérials qu’il avait déjà brillamment creusé avec Dr. Mabuse, le joueur (Dr. Mabuse, der Spieler, 1922), sur les traces des chefs-d’oeuvre de Louis Feuillade, édités par Gaumont dans le remarquable coffret Coffret Louis Feuillade – les Sérials noirs (Fantomas & Les Vampires).

Les Espions, avec une intrigue assez complexe mais peu d’intertitres, confirme l’habileté de Fritz Lang à raconter une histoire avec les seules images, avant qu’il n’entreprenne son premier film parlant, M le maudit (M, 1931). On suit facilement l’histoire dont un habile montage soutient la tension dramatique jusqu’à la surprenante scène finale.

Les Espions, pour économiser les décors qui avaient largement pesé dans la production de Metropolis, déploie un grand nombre de gros plans, un choix pourtant sans compromission esthétique : les inoubliables plans des escaliers de l’atrium de la banque de Haghi sont là pour le rappeler. La scénographie de l’architecte Rudi Feld compense largement le caractère minimaliste des décors d’Otto Hunte et de Karl Vollbrecht, avec l’appui sur les plateaux d’Edgar G. Ulmer que Fritz Lang avait déjà employé en 1924 pour Les Nibelungen : La mort de Siegfried (Die Nibelungen: Siegfried) et Les Nibelungen : La vengeance de Kriemhilde (Die Nibelungen: Kriemhilds Rache), puis pour Metropolis. À bonne école, Ulmer allait en 1930 coréaliser son premier film, Les Hommes le dimanche (Menschen am Sonntag).

Le travail de mise en scène est valorisé par la photographie de Fritz Arno Wagner, un des grands chefs-opérateurs des années 20 et 30, notamment réputé pour Nosferatu, une symphonie de l’horreur (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens, F.W. Murnau, 1922) et deux chefs-d’oeuvre de Georg Wilhelm Pabst, Quatre de l’infanterie (Westfront 1918: Vier von der Infanterie, 1930), L’Opéra de quat’sous (Die 3 Groschen-Oper, 1931).

Présent dans de nombreux films de la période allemande de Fritz Lang, Rudolf Klein-Rogge, abonné aux rôles de méchants, incarne le maléfique Haghi, après avoir été le Docteur Mabuse. Willy Fritsch, familier des comédies, change de registre avec le personnage de l’agent 326, le héros du contre-espionnage épris de l’espionne russe Sonja Baranilkowa, interprétée par Gerda Maurus, une débutante au théâtre découverte de Fritz Lang qui aura une longue liaison avec elle.

Coéditée par Potemkine Films et MK2, cette ressortie en haute définition vient combler un vide : le film était introuvable depuis l’épuisement du DVD de 2008.

Les Espions

Présentation - 3,5 / 5

Les Espions (150 minutes) et ses suppléments (114 minutes) tiennent, dans cette édition combo, sur un Blu-ray BD-50 et sur un DVD-9, logés dans un digipack à trois volets.

Le menu propose le film avec un accompagnement musical composé et interprété au piano par Neil Brand en 2005, au format audio DTS-HD Mater Audio 2.0 stéréo, remplaçant la composition originale de Werner Richard Heymann.

La restauration du film, à l’initiative de la Fondation Murnau, a été opérée en 2004 par l’Immagine Ritrovata, essentiellement à partir du scan 2K d’un positif nitrate conservée aux Archives du Film de Prague, le négatif original ayant disparu. Le générique a été recréé à partir des documents de censure.

Un texte d’Olivier Père, directeur général d’ARTE France Cinéma, occupe le verso de la couverture. Après avoir rappelé la marque laissée sur le genre de l’espionnage par Alfred Hitchcock et Fritz Lang, Olivier Père souligne, dans un film de transition annonçant sa période américaine, le soin apporté aux décors et à un traitement des scènes d’action rythmant l’affrontement entre « un personnage maléfique et immobile et un super espion en perpétuel mouvement ».

Bonus - 5,0 / 5

Sur le seul Blu-ray :

Les Espions : The Void Machine (11’, La Bête Lumineuse, Potemkine Films, 2022), un texte de Murielle Joudet, critique de cinéma, lu par Julien Wautier. Fritz Lang créa sa propre société de production, la F.P.S., pour compléter le financement du « film le plus sous-estimé de la période allemande (…) qui posa pourtant les codes du film d’espionnage (…) sans aucune trace d’expressionnisme (…) avec de la photo d’actualité et une atmosphère de vraisemblance. » Elle souligne « une succession de gros plans qui évitent la débauche de décors (…) et un souci d’efficacité sans temps mort (…) avec uniquement ce qui est essentiel à la poursuite de l’action et à la beauté du plan », dans une approche comparable à celle de Hitchcock. Une belle et fine analyse du film !

Sur le Blu-ray et le DVD :

Les Espions vu par Bernard Eisenschitz (36’, La Bête Lumineuse, Potemkine Films, 2022). Insatisfait de Metropolis et des mutilations du montage original opérées par l’UFA, Fritz Lang crée sa maison de production pour s’assurer une certaine indépendance. Il souhaite, avec le prochain film, « démontrer sa virtuosité de cinéaste » avec une histoire ancrée dans l’actualité se référant à la crise diplomatique entre l’Angleterre et l’URSS soulevée en 1927 par des soupçons d’espionnage, à la trahison du colonel Redl, chef du contre-espionnage de l’Empire Austro-hongrois et à l’assassinat en 1922 de Walther Rathenau, ministre allemand des affaires étrangères. Bernard Eisenschitz passe en revue des personnages et trois des acteurs principaux qu’on retrouvera dans La Femme sur la Lune, le « découpage subtil du film », la qualité du « récit cinématographique », le scénario et la biographie de Thea von Harbou, romancière et scénariste de plusieurs films, dont trois de F.W. Murnau. Le chroniqueur évoque enfin les films suivants, La Femme sur la Lune (1929) et M le maudit (M, 1931).

Un petit film, mais avec beaucoup d’action (69’, en allemand, sous-titré) Ein kleiner Film, aber mit viel Action, un documentaire réalisé par Guido Altendorf en 2006, repris de l’édition MK2 de 2007. Avec un budget contractuellement limité à 800 000 marks, le tournage commence en octobre 1927, avec les scènes d’action. Les autres seront prises dans les studios de Neubabelsberg. Le documentaire présente les acteurs principaux, les décors, éclairages et choix des caméras, les prises répétées, le montage, le tirage de copies tronquées pour les USA et l’Angleterre, la découverte de scènes disparues révélée par des archives photographiques… Suit le rappel détaillé de la restauration de 2004, des références à d’autres films de Lang, ce qui l’en distingue, de la genèse de l’histoire puisée dans l’actualité, du succès commercial du film. (Avec la participation de Thomas Fritsch, fils de Willy Fritsch et de Philine Maurus, fille de Gerda Maurus).

Ce documentaire, repris de l’édition MK2 de 2007, constitue une riche source d’information sur Les Espions.

Les Espions

Image - 3,5 / 5

L’image (1.33:1, 1080p, AVC), d’une résolution assez étonnante en l’absence du négatif original, fermement contrastée avec des blancs lumineux et des noirs denses, propose un fin dégradé de gris. Si certaines séquences sont d’une qualité irréprochable, la propreté et la stabilité varient d’un plan à l’autre. Malgré d’assez nombreuses taches ou griffures et l’instabilité lumineuse de certaines scènes, l’impression d’ensemble reste largement satisfaisante.

Son - 5,0 / 5

Le son DTS-HD 2.0 stéréo, très propre, avec une bonne dynamique, donne une belle ampleur à l’accompagnement musical au piano dont il restitue fidèlement le timbre et ses harmoniques.

Crédits images : © Murnau Foundation

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 29 mars 2023
Les Espions, un des derniers grands films de la période allemande de Fritz Lang, dans la lignée de la saga du Docteur Mabuse, avait disparu de nos catalogues. Il nous revient, restauré et en haute définition, avec les bonus qu’il mérite.

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