Milliardaire pour un jour (1961) : le test complet du Blu-ray

Raconter le conte de Cendrillon en le transposant à New York au début des années 60, c’est le choix de Frank Capra pour son dernier film.

Apple Annie vivote en vendant des pommes à la sauvette sur les trottoirs de Broadway pour s’offrir le gin qu’elle consomme sans modération. Elle reçoit une lettre de sa fille Louise, vivant en Espagne depuis son enfance, lui annonçant qu’elle arrive à New York pour lui présenter son fiancé et son futur beau-père, le comte Alfonso Romero. Mais Annie lui a toujours fait croire qu’elle s’appelait Mrs. E. Worthington Manville, qu’elle appartenait à la haute société et louait une suite dans le luxueux hôtel Marberry ! Le bootlegger Dave the Dude, le meilleur client d’Annie, persuadé que ses pommes lui portent bonheur, vient à son secours…

Milliardaire pour un jour (Pocketful of Miracles), le dernier long métrage de Frank Capra, est le remake de Lady for a Day qu’il réalisa en 1933 et fut un de ses premiers succès, à la fois populaire et critique. Le scénario de Robert Riskin, scénariste de treize films de Frank Capra, développe une histoire imaginée par Damon Runyon, surtout connu comme coscénariste du fameux mix de polar et comédie musicale Blanches colombes et vilains messieurs (Guys and Dolls, Joseph L. Mankiewicz, 1955).

Attaché à défendre son indépendance, Frank Capra quitta Columbia après le tournage d’Arsenic et vieilles dentelles (Arsenic and Old Lace), tourné en 1941 mais sorti en 1945, et signa en 1941 avec Warner Bros. pour L’Homme de la rue (Meet John Doe). Il fondera, en avril 1945, avec William Wyler et George Stevens, l’éphémère société de production Liberty Films qui sera rachetée en 1947 par Paramount Pictures, après la production de La Vie est belle (It’s a Wonderful Life).

Après avoir farouchement résisté à la pression des studios, Frank Capra est confronté au star system. Une première fois, en 1959, à Frank Sinatra pour Un Trou dans la tête (A Hole in the Head), puis à Glenn Ford pour Milliardaire pour un jour.

Il faut des stars en tête d’affiche. Après le refus de Frank Sinatra, le rôle de Dave the Dude (curieusement rebaptisé Dave le Dandy dans le doublage en français) est tenu par Glenn Ford, également producteur associé du film. Et celui d’Apple Annie par Bette Davis, alors au creux de la vague, avant que Robert Aldrich ne relance sa carrière avec Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (What Ever Happened to Baby Jane?, 1962) et Chut, chut, chère Charlotte (Hush…Hush, Sweet Charlotte, 1964). Pour les seconds personnages, auxquels Frank Capra accordait grand soin, on retrouve des acteurs familiers de son oeuvre, comme Thomas Mitchell, une « gueule » de Hollywood, Jack Elam, et une tête qui devenait connue à la télévision, Peter Falk, qui sera, pour cette première apparition sur le grand écran, nommé à l’Oscar du meilleur second rôle. On voit aussi Hope Lange, révélée par Le Bal des maudits (The Young Lions, Edward Dmytryk, 1958), alors la maîtresse de Glenn Ford.

Milliardaire pour un jour, à défaut d’égaler les meilleurs films de Frank Capra, réalisés pendant les années 30 et 40, son âge d’or, en rappelle le charme et confirme, par cette réécriture du conte de Cendrillon, la délicatesse de son regard sur des personnages ordinaires, soudain confrontés à l’imprévisible.

Milliardaire pour un jour (137 minutes) et son supplément (25 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé, pour cette édition combo, avec un DVD-9, dans un boîtier bleu épais de 14 mm, glissé dans un étui.

Le menu propose le film dans sa langue originale, l’anglais, avec des sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Le dernier conte de fées de Frank Capra (25’) Un entretien avec Christian Viviani, coordinateur à Positif, professeur émérite de l’université de Caen-Normandie, mené par Jean-Pierre Vasseur. Après l’échec commercial de La Vie est belle en 1946, Frank Capra s’adapte mal à l’interventionnisme des studios et traverse une période difficile jusqu’au succès d’Un trou dans la tête. Il attendra pourtant quatre ans avant d’entreprendre Milliardaire pour un jour, son dernier film, un remake de Lady for a Day dont il avait racheté les droits à Columbia, probablement dans « une tentative de ressusciter le passé ». Le tournage du film fut perturbé par les relations difficiles entre Glenn Ford et Bette Davis que Frank Capra aurait aimé employer dans New York - Miami (It Happened One Night, 1934). Christian Viviani souligne « le véritable enchantement (…) des rôles secondaires qui sont tous éblouissants », tenus par « des acteurs du passé de Frank Capra ». La durée film (137 minutes contre les 96 de Lady for a Day) traduit un « ralentissement du rythme (…) d’un film mélancolique ». Sur « le mythe de Cendrillon, très présent chez Capra (…), un utopiste », le film porte la marque du scénariste Robert Riskin. S’il n’est pas un chef-d’oeuvre, Milliardaire pour un jour, reste le précieux témoin « d’une fin de parcours » d’un grand cinéaste et le côté démodé qu’il pouvait avoir en 1961 ajoute aujourd’hui à son charme.

L’image (1080p, AVC), au ratio original 2.39:1 (la jaquette indique 2.35:1), probablement restaurée à partir du négatif original, a été débarrassée de toute marque de dégradation de la pellicule. Avec une excellente résolution, une franche luminosité et des noirs denses, elle affiche des contrastes fermes et une palette de couleurs richement saturées.

Le son mono d’origine, réencodé en DTS-HD Master Audio 2.0 mono, débarrassé des bruits parasites par une restauration qui a laissé subsister un souffle d’une intensité variable, contenue à un niveau raisonnable, restitue très clairement les dialogues, dans un bon équilibre avec l’ambiance et la musique de Walter Scharf, un compositeur huit fois nommé aux Oscars.

Le doublage en français, propre, mais avec un timbre trop mat donné à des dialogues monotones, et une tendance à la saturation de l’accompagnement musical, n’a pas été pris en compte pour l’attribution de la note.

Crédits images : © United Artists