Mitraillette Kelly (1958) : le test complet du Blu-ray

Machine-Gun Kelly

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Roger Corman
Avec Charles Bronson, Susan Cabot et Morey Amsterdam

Édité par Sidonis Calysta

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Le 23/02/2023
Critique

Premier film noir policier de Corman ayant connu un succès critique en France et premier grand rôle de Charles Bronson.

Mitraillette Kelly

USA 1933 : le gangster George Kelly est surnommé Mitraillette Kelly à cause de son arme favorite, le pistolet-mitrailleur Thompson M1 avec lequel il attaque une banque. Une seconde attaque échoue à cause d’une curieuse névrose de Kelly : la vision d’un signe ou d’un symbole évoquant la mort, suffit à lui faire perdre ses moyens. Certains de ses complices le tiennent pour responsables de l’échec et constituent un gang ennemi. Flo, l’épouse de Kelly, l’aide à les localiser et à les massacrer. Kelly et Flo, à la tête d’un gang réorganisé, enlèvent la petite fille d’un riche industriel contre rançon, ce qui provoque une enquête de la police fédérale, à présent déterminée à les mettre hors d’état de nuire.

Mitraillette Kelly (Machine-Gun Kelly, USA 1958) de Roger Corman fut distribué en double-programme par American International Pictures avec le film noir policier The Bonnie Parker Story (USA 1958) de William Witney. Sa publicité reposait sur le slogan : « Vous ne pourrez jamais voir ces deux films à la télévision ». Il paraît que le F.B.I. et la censure de l’époque n’apprécièrent pas vraiment ce double-programme « spécial gangsters » : on accusait depuis longtemps le cinéma de favoriser la délinquance juvénile et un distributeur indépendant, tel que A.I.P., était plus souvent en butte à de telles attaques que les grandes sociétés dont les films du même genre étaient tout aussi violents.

Le scénario de R. Wright Campbell modifie considérablement certains aspects de l’histoire véritable de Kelly ; par exemple, son épouse ne se nommait pas Florence mais Kathryn et, le 22 juillet 1933, ce sont deux hommes qu’il enleva, pas du tout une petite fille et sa gouvernante. Un avertissement au générique américain d’ouverture prévient d’ailleurs que le personnage principal est réel mais que les autres sont fictifs. Reste que, en dépit de ces différences et de ces inventions, en dépit d’un budget assez serré mais bien exploité, Mitraillette Kelly restitue bien le contexte psychologique et sociologique des personnages. La critique américaine de l’époque fut d’ailleurs assez élogieuse, soulignant le souci historique du détail et le soin apporté à la reconstitution des décors. Le rythme du montage est sec, nerveux et les dialogues sonnent vrais. Charles Bronson, dans son premier rôle en vedette, compose un personnage ambivalent, à la fois enfantin et redoutable tandis que Susan Cabot joue remarquablement une garce fatale oscillant constamment entre sadisme et masochisme. Le reste du casting est solide et il faut au moins signaler la prestation de Barboura Morris dans un de ses meilleurs rôles avant qu’elle ne devienne, l’année suivante, la vedette féminine du Un Baquet de sang (USA 1959) de Roger Corman.

Mitraillette Kelly

L’esthétique de Mitraillette Kelly est occasionnellement audacieuse : faute de moyen et par souci d’économies, les 10 premières minutes sont muettes et cet hommage au cinéma muet manifeste une belle puissance expressive. Elle s’approche aussi parfois de celle du cinéma fantastique. Le directeur photo Floyd Crosby (qui photographiera les premiers grands titres de la série fantastique Edgar Poe produite par Corman à partir de 1960) compose des plans régulièrement oppressants notamment durant la dernière partie qui joue très bien de la profondeur de champ, transgressant le strict réalisme attendu en le détournant vers une sorte de baroque aux clairs-obscurs appuyés et heurtés. Le directeur artistique Daniel Haller, qui sera un pilier esthétique de la série Poe, soigne certains détails : une couronne mortuaire derrière une vitrine, une statuette chinoise, un cercueil, un puma enragé dans sa cage, un PM Thompson M1 démonté et remonté en temps presque réel. C’est à l’origine Dick Miller, acteur sous contrat avec A.I.P., qui devait avoir le rôle-titre mais le scénariste R. Wright Campbell intrigua afin de l’obtenir pour son propre frère. La veille du tournage, lassé par la situation, Corman décida d’embaucher le premier acteur qui serait libre sur une liste de trois noms qu’il avait dressée : Charles Bronson y figurait. Miller perçut un cachet de dédommagement mais regretta toute sa vie que le rôle lui ait échappé.

Mitraillette Kelly annonce, par son libre recours à l’histoire contemporaine du gangstérisme américain de la période de la Prohibition des années 1930, sa vigueur, son script aux personnages névrosés et sa cruauté graphique, les deux autres grands films noirs policiers de Corman que seront L’Affaire Al Capone (The St. Valentine’s Day Massacre, USA 1966) et Bloody Mama (USA 1970). Leur esthétique et leur budget diffèrent mais on peut aujourd’hui les considérer comme une trilogie thématique au sein de sa filmographie : les réunir en coffret serait justifié.

Mitraillette Kelly

Présentation - 2,5 / 5

1 Blu-ray BD-50 région B + 1 DVD-9, édité par Sidonis Calysta le 16 février 2023. Image N&B au format 2.0 compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 mono VOSTF et VF. Durée du film : 83 min. 06 sec. (sur Blu-ray), 79 min. 47 sec. (sur DVD). Suppléments : présentation par François Guérif (2022, durée 11 min. environ) + Le monde de Corman : les exploits d’un rebelle à Hollywood (VOSTF, USA 2011, durée 86 min. env.) + bande-annonce (1958 / 1962, durée 2 min. env., VF).

Bonus - 2,0 / 5

Présentation par François Guérif (2022, durée 11 min. environ) : certes honnête mais tout de même un peu légère. Sa source principale revendiquée est l’entretien de Corman avec Bertrand Tavernier paru dans la revue Positif de 1962 (le film est sorti avec 4 ans de retard chez nous, ce que Guérif ne précise pas). Guérif néglige les deux autres grands films noirs policiers de 1966 et 1970 de Corman avec lequel celui de 1958 forme pourtant, rétrospectivement, un évident triptyque thématique sinon plastique. Autre chose gênante : Guérif présente Corman en 1958 comme un artisan n’étant pas encore professionnel : il avait pourtant débuté comme lecteur de scénario à la Fox en 1948 (donc tout de même 10 ans plus tôt), était devenu producteur-réalisateur depuis plusieurs années pour l’AIP. Bonne remarque sur les 10 premières minutes qui rendent effectivement, nolens volens, hommage au cinéma muet. Une remarque filmographique intéressante sur Charles Bronson que Guérif a rencontré mais il semble tenir pour acquis que Corman voulait Bronson d’emblée, ce qui ne fut pas tout à fait le cas selon certaines sources américaines. Guérif dit que le film a été écrit par Corman : ce ne fut pas tout à fait le cas non plus. Corman s’intéressa évidemment à la biographie de Kelly (surtout à son arrestation) mais n’écrivit pas le scénario : il y contribua par de « petites pincées » ainsi qu’il le précise dans son autobiographie. Guérif ne mentionne pas les libertés du scénario concernant la vérité historique (j’en ai signalé au moins deux dans ma critique) ni même l’avertissement mentionné au générique d’ouverture de 1958. Un éloge justifié de l’actrice Susan Cabot et une analyse non moins justifiée du personnage qu’elle interprète, en revanche. Quelques paraphrases du scénario dont la fin est dévoilée, complètent l’ensemble : un avertissement de Sidonis nous prévient concernant cette ultime révélation. Deux illustrations intéressantes : la photo de plateau montrant Bronson et Susan Cabot (ici teintée en rouge et qui ouvre le supplément : l’originale est bien sûr N&B) ; la photo historique montrant Kelly en prison.

Mitraillette Kelly

Le Monde de Corman, les exploits d’un rebelle à Hollywood (« Corman’s World: Exploits of a Hollywood Rebel », 2011, 86’20”, VOSTF, 1.78 compatible 16/9) : ce documentaire d’Alex Stapleton avait été édité par Anchor Bay aux USA en Blu-ray en 2012 et Sidonis l’avait déjà exploité chez nous en novembre 2022 sur son récent coffret [PROGRAM(corman_coffret_8films_br,Roger Corman / Edgar Allan Poe en 8 films)]. C’est plutôt une sociologie mondaine bâclée de Corman qu’une approche cinéphile de ses films ou de sa carrière bien que son évolution y soit grossièrement retracée. Je renvoie à mon test déjà paru sur Dvdfr de ce coffret, section bonus.

Bande-annonce (1958, image 2.0 N&B compatible 16/9, VF d’époque, durée 2 min. 03 sec. environ) : sympathique BA en VF d’époque, à la définition moyenne mais la rareté du document et son format respecté méritent le détour. Slogans parfois savoureux.

Ensemble léger rapporté à ce premier grand film noir policier de Corman. Une galerie affiches et photos d’exploitation aurait pu avantageusement remplacer le très médiocre supplément américain de 2011. L’ancienne édition française DVD One Plus One de 2003 était un peu plus riche en informations et contenait une galerie affiche et photos.

Mitraillette Kelly

Image - 3,0 / 5

Full HD 1080p AVC sur Blu-ray, N&B au format large original Superama 2.0 compatible 16/9. Il aura fallu attendre 20 ans en France pour disposer enfin d’une vidéo numérique respectant le format large original 2.0 (l’ancien DVD One Plus One édité chez nous en 2003 ne disposait que d’une image recadrée 1.37 compatible 4/3) mais cette fois-ci, c’est la bonne, au moins concernant le format ! Dès le générique, on constate que le cadrage original est pleinement respecté et approprié : l’espace occupé par les lettrines est cohérent et déterminé par son ampleur. Copie argentique restaurée mais, hélas, certains éléments ont souffert et un avertissement de Sidonis en prévient. Deux ou trois séquences et quelques plans isolés sont légèrement anamorphosés (je n’ai pas minuté mais cela doit correspondre au moins à une minute de métrage endommagé) et leur définition est, du coup, inférieure au restant argentique heureusement impeccable argentiquement et très bien défini numériquement. Direction photo signée Floyd Crosby, le photographe des premiers grands titres 1960-1963 de la série Edgar Poe produite et réalisée par Corman.

Mitraillette Kelly

Son - 5,0 / 5

DTS-HD Master Audio 2.0 mono en VOSTF et VF d’époque : offre nécessaire mais suffisante pour le cinéphile francophone. L’ancien DVD français édité en 2003 par One Plus One ne comportait pas cette VF d’époque : lacune enfin comblée par cette édition Sidonis Calysta. Musique composée par Gerald Fried qui venait de signer quelques partitions pour Stanley Kubrick mais elle est fonctionnelle sans plus : c’est surtout le générique d’ouverture avec musique de variété des années 1930 qui retient l’attention.

Crédits images : © AIP, El Monte Productions

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 24 février 2023
Premier film noir policier de Corman ayant connu un succès critique en France et premier grand rôle de Charles Bronson.

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