Réalisé par Edgar Reitz
Avec
Marliese Assmann, Eva Maria Bayerwaltes et Henry Arnold
Édité par Potemkine Films
Heimat 1 - Une chronique allemande (Heimat - Eine Chronik in elf Teilen) : La vie quotidienne de la famille Simon et des habitants de Schabbach, un village du massif de Hunsrück, de la fin de la première guerre mondiale à 1982. Maria Simon, abandonnée par son mari en 1929, traverse avec ses fils Anton, Ernst puis Hermann, la montée du nazisme, la seconde guerre mondiale…
Heimat 2 - Chronique d’une jeunesse (Die zweite Heimat - Chronik einer Jugend in 13 Filmen) suit Hermann Simon, fils de Maria, pendant ses études de musicien, de 1960 à 1970 à Munich, quand plane la menace terroriste, jusqu’à son retour à Schabbach…
Heimat 3 - Chronique d’une époque (Heimat 3 - Chronik einer Zeitenwende). Après la chute du Mur de Berlin, en 1989, Hermann Simon et Clarissa retournent vivre dans le Hunsrück. Ils rêvent d’une nouvelle Allemagne…
Chronique d’un rêve & L’Exode (Die andere Heimat - Chronik einer Sehnsucht & Die Auswanderung). L’histoire de la famille Simon de 1842 à 1844, de Johann, le père forgeron, de Margret la mère, de Lena la fille ainée, de Gustav et Jakob les fils, de Jettchen et Florinchen, leurs futures épouses. Des dizaines de milliers d’Allemands, accablés par les famines, la pauvreté et l’arbitraire des gouvernants, émigrent en Amérique du Sud…
L’intégrale de Heimat, composée de 19 films, est l’oeuvre monumentale du cinéaste allemand Edgar Reitz, récompensée à Venise par le Prix FIPRESCI en 1984 et 1992 (Un autre volet, Heimat 4 - Fragmente: Die Frauen, réalisé en 2006, n’a été édité qu’en Allemagne, en 2014, sur un DVD aujourd’hui épuisé). Né à Morbach dans le Hunsrück en 1932, attaché à son indépendance, il fonde en 1957 sa société de production, Edgar Reitz Filmproduktion (ERF). Toujours actif, il vient de réaliser Filmstunde_23, un documentaire sur l’école de cinéma de Munich qu’il dirigea en 1968, et a entrepris, le 20 septembre 2024, le tournage de Leibniz, un biopic sur le philosophe et mathématicien Gottfried Wilhelm Leibniz, encore en postproduction au moment où nous écrivons ces lignes.
Heimat commence le vendredi 9 mai 1919 quand Paul Simon, revenu à pied de France où il a combattu sous l’uniforme allemand, retrouve Schabbach, son village natal. C’est le point de départ d’une histoire de près d’un siècle qu’Edgar Reitz va nous raconter. Celle de la famille Simon, défilant dans une succession d’événements qui ont fait l’histoire de l’Allemagne : la crise économique des années 20, la montée du nazisme, la seconde guerre mondiale, la reconstruction et l’essor de l’économie, les attentats terroristes de la Rote Armee Fraktion, la chute du mur de Berlin…
Une mise en scène épurée, le commentaire en voice over des photos de famille en ouverture des films, l’attention méticuleuse portée aux décors, aux costumes et aux accessoires soulignent le choix d’authenticité du regard d’Edgar Reitz sur les personnages et leur environnement donnent à l’ensemble de l’oeuvre une dimension documentaire. Le village de Woppenroth, montré en 1983, puis à nouveau en 1992, comme il était en 1919, forma le cadre du village fictif de Schabbach.
La mise en scène épurée et le visage des acteurs souvent pris en gros plans favorisent l’empathie avec les personnages. La maîtrise des mouvements de caméra, la beauté des cadres, l’efficacité des éclairages des séquences en noir et blanc, les touches de couleurs apparaissant çà et là assurent la cohérence esthétique de tout l’ensemble.
Edgar Reitz démontre sa maîtrise de la direction des nombreux acteurs qu’il a pu rassembler, certains non professionnels, et la réussite des prises avec une foule de figurants. Le visage de Marita Breuer, l’interprète de Maria, fait partie de ceux qu’on ne peut oublier. Le soin apporté aux dialogues, aux sons d’ambiance et la place accordée à la musique concourent au profond plaisir procuré par la saga.
L’intégrale de Heimat, pour la première fois disponible sur Blu-ray, est proposée par Potemkine Films à un peu plus de 8 euros par disque, un montant qui paraît raisonnable compte tenu de la qualité exemplaire de la restauration des trois premières parties et du conditionnement des 18 disques. Un objet de collection !
Heimat (3 323 minutes, soit 55h23) et ses suppléments (139 minutes) tiennent sur 18 Blu-ray BD-50 logés dans quatre Digipacks, glissés dans un solide cartonnage.
Les films sont proposés dans leur langue originale, l’allemand, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo pour Heimat 1, DTS-HD Master Audio 5.1 pour les films suivants.
La lecture des titres sur les disques n’est pas facilitée par une impression en jaune pâle sur fond blanc et en blanc sur un fond jaune pâle.
Sur le disque 5 du premier Digipack :
Entretien avec Margaret Ménégoz (La Bête Lumineuse, 2015, 10’). Margaret Ménégoz (disparue le 7 août 2024), gérante des Films du Losange, fut la productrice de Chronique d’un rêve et L’Exode, dernier volet et prologue de Heimat. Un terme intraduisible en français, évoquant la terre natale d’un individu et ses racines profondes. La diffusion par la télévision de la série en 1984 fut un événement en Allemagne de l’Ouest et de l’Est. Der Spiegel en dira qu’il a provoqué les premières fissures dans le mur de Berlin. Son succès se confirma avec sa sortie ultérieure en salles. Le prologue de 2013 évoque l’exode massif de paysans vers le Brésil, provoqué par la famine, une situation comparable à celle provoquée par la crise économique de l’après-guerre 1914-1918 qui fera « le terreau du national-socialisme ».
Sur disque 1 du dernier Digipack :
Histoires des villages du Hunsrück (Geschichten aus den Hunsrückdörfern,1982, 1.33:1, couleurs et noir et blanc, 114’). Ce documentaire, tourné en 1980, quatre ans avant la sortie de la première série des onze films composant Heimat 1 - Une chronique allemande, s’ouvre sur la lecture en voice over d’une lettre envoyée du Brésil à sa famille du Hunsrück en 1867 dans laquelle un Allemand dit son mal du pays. Puis le paysage défile dans un travelling avant sur une voie ferrée serpentant au travers d’une forêt. Suivent le rappel de souvenirs des temps passés, notamment de l’arrivée des Américains au printemps 1945. La caméra observe la vie quotidienne de gens du peuple, la place prise par les chants, l’artisanat local, avec deux longues séquences sur la taille des ardoises et le polissage de pierres gemmes…
Sur disque 2 du dernier Digipack :
Entretien avec Pierre Eisenreich (Potemkine Films, 2014, 15’) Chronique d’un rêve et L’Exode marquent l’achèvement d’un « projet assez fou, quasiment unique dans l’histoire du cinéma » qui connut un succès considérable, notamment en Allemagne et en France. Edgar Reitz appartient au Nouveau cinéma allemand, un courant qui, ne pouvant revendiquer la culture de la génération précédente, celle du nazisme, s’est référé à F.W. Murnau, G.W. Pabst, Fritz Lang. L’échec commercial d’une grosse production en costumes, Der Schneider von Ulm (Le Tailleur d’Ulm), a conduit Edgar Reitz à réorienter ses projets et à entreprendre l’histoire d’une famille de l’Hunsrück, là où il passa son enfance. Le prologue de 2013 est un retour aux origines du cinéma avec le choix du noir et blanc, avec des références au classicisme de John Ford, d’Akira Kurosawa, de Kenji Mizoguchi. Edgar Reitz voit la caméra comme « un outil froid d’enregistrement du monde », « une horloge aveugle ».
On peut s’étonner, et regretter, que l’entretien de 26 minutes avec Edgar Reitz, qui complétait l’édition Potemkine Films, sortie en 2014 de Heimat : Chronique d’un rêve - L’exode, n’ait pas été repris.
L’image, au ratio d’origine de 1.66:1 pour Heimat 1, 1.50:1 pour Heimat 2, 1.66:1 et 1.50:1 pour Heimat 3, réencodée au standard 1080i, AVC (1080p pour Heimat 3 et les films suivants), stable, d’une impeccable propreté, sans lissage du grain argentique, lumineuse, avec une bonne résolution, déploie un dégradé de gris et des couleurs naturelles soigneusement étalonnés. L’image numérique de Chronique d’un rêve & L’Exode, au ratio 2.39:1, prise en noir et blanc par des caméras Arri Alexa M et Arri Alexa Studio, répond à toutes les attentes.
Le son DTS-HD Master Audio, 2.0 stéréo pour Heimat 1, multicanal 5.1 pour Heimat 2 et avec le choix entre 5.1 et 2.0 stéréo pour les films suivants, a été débarrassé de tout bruit parasite et du souffle. Les dialogues sont clairement restitués et une bonne dynamique donne à l’ambiance une présence réaliste. La répartition du signal sur les cinq canaux crée un effet immersif discret, mais cohérent.
Crédits images : © Edgar Reitz Film, Les Films du Losange, ARD Degeto Film, Bayerischer Rundfunk, WDR, Arte Geie