Sexe, mensonges et vidéo (1989) : le test complet du 4K UHD

Sex, Lies, and Videotape

Édition Collector - 4K Ultra HD + Blu-ray

Réalisé par Steven Soderbergh
Avec James Spader, Andie MacDowell et Peter Gallagher

Édité par L'Atelier d'Images

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Le 15/03/2022
Critique

Coup d’essai, coup de maître : le premier film de Steven Soderbergh décroche la Palme d’or ! Il nous revient dans une édition définitive.

Sexe, mensonges et vidéo

Graham Dalton a un étrange secret : il collectionne en cassettes vidéo des témoignages de femmes qui lui confient leur vie sexuelle. De retour dans sa ville natale après une longue absence, il retrouve un ancien ami qui a « réussi », marié à Ann. L’arrivée de Graham va perturber le couple et les événements vont prendre une tournure inattendue…

Sexe, mensonges et vidéo (Sex, Lies, and Videotape), sorti en 1989, le premier long métrage de Steven Soderbergh, âgé de 26 ans, fut nommé à l’Oscar du meilleur scénario, reçut le Prix du public à Sundance, remporta à Cannes la Palme d’or et le Prix FIPRESCI. Et, cerise sur le gâteau, le Prix d’interprétation masculine fut décerné à James Spader ! Une surprise pour le réalisateur dont l’ambition se limitait à ajouter un premier long métrage à son curriculum vitae.

Steven Soderbergh dit avoir dans Sexe, mensonges et vidéo, tourné à Bâton Rouge, en Louisiane, là où il a passé son adolescence et donc mis beaucoup d’émotions personnelles. La confusion souvent faite avec un film pornographique avait compliqué son financement qui fut assuré par RCA Columbia Home Video, producteur et distributeur de cassettes VHS.

Sexe, mensonges et vidéo, produit avec 1,5 millions de dollars, filmé en un mois, deviendra un des jalons du cinéma américain indépendant et rapportera 60 millions de dollars, quarante fois la mise ! Un tiers de siècle plus tard, il continue à diffuser un subtil parfum, fait d’émotion, de gravité et de sensualité.

Le film doit beaucoup à l’idée du scénario de donner à la caméra la mission de mettre les femmes à l’aise pour parler de leur sexualité, dans l’intimité, avec la double assurance qu’il ne leur sera rien imposé et que personne d’autre que Graham ne verra les cassettes. L’oeuvre tire un autre atout de la qualité des dialogues.

Sexe, mensonges et vidéo bénéficie également de sa distribution. Andie MacDowell, encore débutante, est délicieusement émouvante dans son incarnation d’Ann, une jeune femme dont la sexualité a été étouffée par l’image dégradante qu’a instillée en elle une éducation puritaine. Poussée à faire semblant, à mentir pour masquer sa répulsion, elle est irrésistiblement troublante quand elle rougit lorsque son psy lui demande si elle se masturbe. Sa performance mettra sa carrière de star sur orbite. Une autre débutante, Laura San Giacomo, campe avec spontanéité sa jeune soeur, très libérée. Peter Gallagher, venu du théâtre, est très juste dans sa composition d’un coureur de jupons sans scrupules, mais fragile derrière les apparences. Un peu plus connu, après Rose bonbon (Pretty in Pink, Howard Deutch, 1986), James Spader réussit à communiquer très subtilement l’ambiguïté de la vie sexuelle de Graham.

Ce film singulier, évitant tous les clichés, nous est, grâce à L’Atelier d’Images, proposé en exclusivité mondiale dans sa première édition 4K UHD, après la restauration opérée à partir d’un négatif original pour l’édition Criterion de 2018. Il est complété par une partie des bonus de 2018 auxquels s’ajoutent deux suppléments exclusifs éclairant l’inventivité de la réalisation.

Sexe, mensonges et vidéo

Présentation - 2,0 / 5

Sexe, mensonges et vidéo (100 minutes) tient sur un Blu-ray BD-66 4K UHD logé, avec un Blu-ray BD-50 supportant le film de ses suppléments (100 minutes, sans compter le commentaire audio du film), dans un boîtier non fourni pour le test, effectué sur check discs.

Le menu animé et musical propose, sur les deux disques, le film dans sa version originale, en anglais, avec sous-titres imposés empiétant trop sur l’image, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 5.1.

Bonus - 5,0 / 5

Deux bonus exclusifs :

Un vent de liberté, par Philippe Rouyer, critique à Positif et président du Syndicat Français de la Critique de Cinéma (24’, 2021, L’Atelier d’Images). Le film reçoit la Palme d’or alors que, deux jours avant l’ouverture du festival, il n’était toujours pas en compétition : il avait séduit Wim Wenders, nommé président du jury en remplacement de Francis Ford Coppola. Les droits de distribution en salles sont achetés à Sundance par Miramax, alors une petite structure, qui organise une distribution massive aux USA. Le film amassera une recette internationale de 60 millions de dollars ! Ce succès « va changer le cinéma américain », favoriser l’émergence du cinéma indépendant et la naissance du Nouvel Hollywood. Après des études dans une école de cinéma d’animation qui lui ouvre l’accès au matériel pour tourner quelques courts métrages, Steven Soderbergh rejoint Hollywood comme monteur. Il écrit le scénario quasi-autobiographique Sex, Lies, and Videotape « en huit jours, mais après un an de maturation ». La vidéo, alors « dans l’air du temps, (…) est utilisée par Graham pour mettre à distance les événements et les vivre après tout seul ». Philippe Rouyer souligne l’efficacité des séquences d’ouverture, « l’économie de narration pour présenter les personnages en dix minutes ». Après avoir soumis les acteurs à une semaine de répétitions, le tournage commence avec le chef-opérateur Walt Lloyd, le plus chevronné d’une très jeune équipe technique, composée essentiellement de débutants.

Analyse de séquences, par Philippe Rouyer (13’, L’Atelier d’Images, 2021). Une fine analyse de plusieurs séquences à partir du moment charnière où John découvre qu’Ann s’est faite filmer en vidéo par Graham, fait ressortir « une mécanique très sophistiquée ».

Les autres suppléments ont été repris de l’édition Criterion de 2018.

À propos du film, par Steven Soderbergh (6’, 2018). À la fin des années 80, on sentait l’appétit des spectateurs pour des « films faits main ». Sex, Lies, and Videotape montre quatre personnages « à un point d’inflexion dans leur vie ». Le film a une architecture dont il n’avait pas conscience en le tournant. Son approche de la réalisation a depuis changé : les acteurs arrivent maintenant sur le plateau sans répétitions et la caméra tourne jusqu’à ce que la scène soit finie, telle que souhaitée. Il est conscient que les cinq films suivants n’ont pas été vus et que deux d’entre eux ont été détestés. C’est avec Hors d’atteinte (Out of Sight) qu’il a réussi à fusionner ce qu’il avait envie de faire avec les attentes des studios.

Les coulisses du tournage (28’, 2018), avec Andie MacDowell, Peter Gallagher et Laura San Giacomo. Peter Gallagher, immédiatement convaincu par la perspicacité du scénario, voit dans son personnage l’incarnation d’un modèle des années Reagan, marquant le « début d’une déchéance ». Andie MacDowell a été attirée par la complexité d’Ann, toujours anxieuse de « jouer un rôle pour satisfaire la société ». Laura San Giacomo se souvient que les acteurs se sentaient proches de Soderbergh, « présents dans sa vie » et de l’impression faite par le film à Cannes et à Sundance. Les suggestions des acteurs étaient généralement bien accueillies par le réalisateur.

Sexe, mensonges et vidéo

Entretien entre l’ingénieur du son Larry Blake et le compositeur Cliff Martinez (19’, 2018). Alors débutants, ils se souviennent que Soderbergh avait initialement envisagé de tourner le film en 8 mm et noir et blanc, pour seulement 60 000 dollars. Il s’est beaucoup investi dans la musique qu’il a voulu cantonner dans quelques plans (« there’s no music in real life » disait-il). Les deux restent impressionnés par la rapidité avec laquelle il prenait les bonnes décisions.

Commentaire audio du réalisateur et de Neil LaBute (Dolby Digital 2.0). Le scénariste et réalisateur Neil LaBute (En compagnie des hommes, 1997, Nurse Betty, 2000, respectivement nommés pour la Caméra d’or et la Palme d’or) pose au réalisateur des questions pertinentes pour approfondir l’analyse du film. Les réticences de Steven Soderbergh à l’encontre d’Andie MacDowell sont tombées dès la première audition. Bien que le budget de Sex, Lies, and Videotape fût serré, le réalisateur estime encore que ce fut le seul film pour lequel il n’a ressenti ni le manque d’argent, ni la contrainte du temps de tournage. Sont passés en revue les choix de mise en scène, la performance des acteurs, le montage, prévu dès l’écriture du scénario… Un des commentaires les plus intéressants, en partie peut-être parce qu’il a été fait avec trente ans de recul.

Les 20 ans du film au festival de Sundance (3’). Un programmeur annonce, en 2009, la projection de Sex, Lies and Videotape, « un film qui a changé le cinéma indépendant », mais que Steven Soderbergh juge « avoir un peu vieilli »… tout comme lui et les acteurs !

Scène coupée (3’), la scène 20 de l’arrivée d’Ann dans le bureau de son psychothérapeute.

Scène coupée, la même, commentée par Steven Soderbergh (3’, 1990 pour la première édition Criterion). Bien qu’il l’ait jugée essentielle au moment de l’écriture du scénario, le réalisateur l’a retirée du montage final car elle n’apportait aucune information nouvelle.

À propos du film, par Steven Soderbergh (9’, 1990). J’ai, en réalisant Sex, Lies, and Videotape, gardé en tête des films qui me parlaient vraiment, comme The Last Picrure Show, Five Easy Pieces et Carnal Knowledge » disait-il, des films au style sobre qui transmettent des émotions personnelles. Le film est centré sur ce qui conduit à l’acte sexuel et ce qui en découle, pas sur l’acte lui-même, ce qui aurait risqué de lui aliéner une partie de l’audience. Il a pu mesurer, après plusieurs visionnements, l’apport des acteurs au film.

Bandes-annonces du film : bande-annonce originale, bande-annonce Miramax. Steven Soderbergh rappelle qu’à la demande du distributeur, une seconde bande a été montée pour faire apparaître les quatre acteurs, la première ne montrant que le matériel d’enregistrement.

Espace découverte avec les bandes-annonces de Le Loup-garou de Londres (An American Werewolf in London, John Landis, 1981), Mort ou vif (The Quick and the Dead, Sam Raimi, 1995) et L’Anglais (The Limey, Steven Soderbergh, 1999), tous disponibles en 4K UHD et de The Boxer (Jim Sheridan, 1997) disponible sur Blu-ray BD-50.

Sexe, mensonges et vidéo

Image - 5,0 / 5

L’image (1.85:1, 2160p, HEVC HDR 10) 4K UHD propose des couleurs plus délicatement nuancées des tons de peau, rehausse la luminosité des blancs, affermit légèrement la densité des noirs et fluidifie le grain argentique, sans en altérer la texture. Un gain appréciable sur l’image du Blu-ray 1080p qui mérite aussi la note maximale dans sa catégorie.

Son - 4,5 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 5.1 de la version originale, débarrassé des bruits parasites, mais pas d’un léger souffle, assure la clarté des dialogues. Il est cantonné sur le plan frontal, en cohérence avec le format stéréo de la sortie en salles. La sollicitation discrète des canaux latéraux aère sensiblement l’accompagnement musical de Cliff Martinez.

Ces remarques valent, techniquement, pour le doublage en français, avec des dialogues légèrement trop en avant et manquant de naturel.

Crédits images : © Sony Pictures et Outlaw Productions. Tous droits réservés.

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 15 mars 2022
Steven Soderbergh fut le premier surpris en apprenant, à 26 ans, que son premier long métrage avait remporté la Palme d’or. Un tiers de siècle a passé, sans émousser la sensualité que diffuse le film, à découvrir ou revoir après une restauration exemplaire et accompagné de précieux compléments. Sa sortie en édition 4K UHD est une exclusivité mondiale !

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