Réalisé par Jean-Pierre Melville
Avec
Lino Ventura, Simone Signoret et Paul Meurisse
Édité par Studiocanal
20 octobre 1942. Un fourgon de police emmène Philippe Gerbier, ingénieur des Ponts et Chaussées, l’un des chefs de la Résistance, vers un camp d’internement : il a été dénoncé. Il réussit à s’évader et va prendre ses instructions au QG de la France Libre constitué à Londres par le général de…
L’Armée des ombres, le onzième des treize longs métrages écrits et réalisés par Jean-Pierre Melville et le dernier de ses trois films sur la Résistance, après Le Silence de la mer (1949) et Léon Morin, prêtre (1957), est une adaptation assez distante du roman éponyme publié à Alger en 1943 par Joseph Kessel.
« Mauvais souvenirs, soyez les bienvenus : vous êtes ma jeunesse ». Cette citation de Georges Courteline, en exergue du film, souligne la part de vécu mise dans le scénario par Jean-Pierre Grumbach qui, après avoir servi jusqu’à la défaite, est entré dans la Résistance sous le pseudonyme de Jean-Pierre Melville et se réengagera dans les Forces Françaises Combattantes pour participer au débarquement en Provence et à la bataille de Monte Cassino.
L’Armée des ombres, une fiction, affiche sa dimension réaliste, quasi-documentaire, avec des extérieurs tournés à Paris, Marseille et Lyon, là où ses activités de résistant conduisirent le réalisateur. On y voit même, dans son propre rôle, un personnage bien réel, André Dewavrin, dit « le colonel Passy », chef des services secrets de la France libre. Le général de Gaulle n’ayant pas répondu à l’invitation de figurer dans une scène du film, Jean-Pierre Melville a collé le tirage d’une photo sur le visage d’un inconnu d’une stature comparable.
Le succès commercial de ses deux films précédents, Le Deuxième souffle et Le Samouraï, ont permis de réunir une solide distribution, Lino Ventura, parfaitement dans la peau du personnage principal, Philippe Gerbier, secondé par Paul Meurisse, Jean-Pierre Cassel, Simone Signoret, Christian Barbier, Paul Crauchet…
L’Armée des ombres porte la marque du réalisateur, avec des décors épurés, des éclairages naturels, une attention accordée au cadrage de tous les plans, un montage au soutien de la tension dramatique, et, pour son deuxième film en couleurs, une palette délibérément désaturée aux tons froids où dominent le bleu et le gris, rappelant celle de Le Samouraï.
L’accompagnement musical a été confié à Éric Demarsan qui avait collaboré avec François de Roubaix à l’écriture de la partition de Le Samouraïet écrira celle de Le Cercle rouge. On entend quelques illustrations diégétiques de musique classique, notamment un extrait de la Symphonie pastorale de Beethoven et, pour nous replonger dans l’époque où se déroule l’histoire, Take the A Train de Duke Ellington.
Présentée au Festival de Cannes Classics en 2024, cette copie restaurée à l’initiative de Studiocanal par L’Image Retrouvée à partir d’un scan 4K des négatifs originaux 35 mm et son est la première édition UHD du film.
L’Armée des ombres (143 minutes) et un des suppléments (40 minutes) tiennent sur un Blu-ray 4K UHD BD-100, ainsi que sur un Blu-ray BD-50 supportant aussi le deuxième supplément (87 minutes). Les deux disques et un livret sont insérés dans un Digipack à trois volets, glissé dans un étui.
Le film est proposé au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.
Piste d’audiodescription DTS 2.0.
Sous-titres pour malentendants et sous-titres anglais.
Dans un livret de 32 pages abondamment illustré, glissé dans la première de couverture, Samuel Blumenfeld voit dans L’Armée des ombres « le fil rouge de la carrière de cinéaste de Jean-Pierre Melville », sa réalisation d’un projet remontant à la lecture du roman de Joseph Kessel en 1943. Les personnages fictifs rappellent certaines figures de la Résistance. Le « récit étoilé », fait d’une suite de vignettes du roman est devenu « fluide et linéaire » dans le scénario écrit par Melville. L’option d’un « film couleur en noir et blanc » confirme le choix te teintes désaturées fait deux ans plus tôt pour Le Samouraï, premier film en couleurs d’un cinéaste nostalgique du noir et blanc. Melville, avec L’Armée des ombres, Marcel Ophüls avec Le Chagrin et la pitié, défiant un tabou, ont ouvert la « parenthèse Vichy du cinéma français » qu’enrichiront Louis Malle avec Lacombe Lucien, Michel Mitrani avec Les Guichets du Louvre, Costa-Gavras avec Section spéciale… Le livret se referme sur une reproduction du dossier de presse, un rappel succinct du générique du film et de sa restauration.
Sur les deux disques :
Jean-Pierre Grumbach, dit Cartier, dit Melville… résistant et cinéaste (2024, 40’), documentaire de Dominique Maillet avec les interventions de Philippe Labro et Samuel Blumenfeld. « La guerre a fait de Melville ce qu’il est devenu », selon Philippe Labro. La trilogie sur la guerre avait vocation à être une tétralogie s’il avait eu le temps de réaliser son projet d’un film sur Jean Moulin. Le vécu de la Résistance par Melville explique le mutisme des personnages de son cinéma. Les deux frères Luc et Jean-François Jardie sont une représentation de lui-même et de son frère aîné Jacques Grumbach, résistant disparu en novembre 1942. Melville disait qu’il avait fait le choix d’être « opomaniaque », de tout consacrer à son oeuvre. L’Armée des ombres a été sous-estimé à sa sortie, notamment par les critiques des Cahiers du cinéma qui, le rappelle Philippe Labro, « faisaient de Mao un dieu vivant » alors que Melville était gaulliste.
Sur le Blu-ray BD-50 :
L’Armée des ombres… le dessous des cartes (2013, 87’), un documentaire de Dominique Maillet, repris de l’édition Studiocanal de 2015. Olivier Bohler, réalisateur en 2008 du documentaire Sous le nom de Melville, le producteur Jacques Dorfmann, le réalisateur Bernard Stora qui fut l’assistant de Melville sur Le Cercle rouge, Pierre Lhomme, le directeur de la photographie, les acteurs Alain Mottet, Claude Mann et Alain Libolt évoquent ses trois films sur la résistance à l’occupation allemande dont le dernier volet, L’Armée des ombres, était « un projet ancien (…) un des films les plus chers du cinéma français », dont Le Deuxième souffle fut une sorte de répétition, avec Lino Ventura et Paul Meurisse dans les rôles principaux. Melville a été marqué par la disparition de son frère aîné, Jacques Grumbach, une importante figure de la résistance. Melville savait travailler avec peu de moyens, et combien allait coûter le tournage de chaque scène, fait en grande partie en studio. Melville, un homme étrange à l’humeur changeante avouait que le tournage était « une torture pour lui », rappelle Bernard Stora…
L’image, au ratio originel de 1.85:1, encodée au standard 2160p, 4K HEVC, HDR 10 - Dolby Vision (1080p AVC, sur le Blu-ray BD-50), plus propre encore que celle restaurée pour l’édition HD de 2015, offre un remarquable piqué et une palette de couleurs typiquement melvillienne, rappelant celle du film précédent, Le Samouraï. Le grain originel, fin et homogène, a été sauvegardé.
Le son mono d’origine, au standard DTS-HD Master Audio 2.0 mono, garantit la parfaite intelligibilité des dialogues et une bonne dynamique la présence de l’ambiance, à laquelle le réalisateur portait une attention particulière. Les passages musicaux sont délivrés avec finesse, sans saturations. Un souffle, suffisamment léger et régulier, se fait vite oublier.
Crédits images : © Studiocanal