Réalisé par Antonio Margheriti
Avec
Barbara Steele, Georges Rivière et Margarete Robsahm
Édité par Artus Films
Angleterre, Londres puis château de Providence, 1839 : le 2 novembre, jour des morts. L’écrivain américain Edgar Allan Poe achève de raconter son histoire extraordinaire Bérénice à Lord Blackwood, en présence du journaliste Alan Foster qui admire son oeuvre littéraire mais affirme ne pas croire au surnaturel. Lord Blackwood lui propose un défi, en forme de pari rémunéré : passer seul cette nuit des morts dans son château hanté. Foster est mis en garde - personne n’a jamais réussi l’épreuve d’en sortir vivant à l’aube - mais il accepte le pari.
Danse macabre (Danza macabra, Ital.-Fr.. 1963) de Antonio, Margheriti, sorti en Italie en 1963, distribué au cinéma en France le 14 avril 1965 est non seulement le chef-d’oeuvre d’Antonio Margheriti mais c’est encore l’un des plus importants films fantastiques franco-italiens du vingtième siècle. Certes, Margheriti y fut impliqué par hasard et n’avait pas contribué au scénario - écrit par Bruno Corbucci, peut-être aussi par son frère Sergio Corbucci qui devait initialement le réaliser : il aurait tourné certains plans du meurtre d’Elisabeth mais ce n’est pas confirmé - scénario dont Margheriti n’aurait au demeurant pas changé un seul mot du dialogue. Ce titre, fiévreusement tourné en 15 jours, fut celui qu’il préféra par la suite, entre tous ceux qu’il avait signés, au point d’en tourner lui-même 7 ans plus tard une remarquable et plus luxueuse version en TechniScope-couleurs, Les Fantômes de Hurlevent (Edgar Poe chez les morts-vivants / Nella stretta morsa del ragno / Venite l’alba… ma tinta di rosso, Ital. 1971) dans lequel Michèle Mercier reprenait le rôle de Barbara Steele et Anthony Franciosa celui de George Rivière. Les deux films diffèrent donc esthétiquement mais aussi par des aspects de leur scénario : le début de l’original de 1963 est objectif tandis que celui de 1971 est subjectif, montrant un Klaus Kinski halluciné en Edgar Poe errant une torche à la main dans un souterrain où il recherche une indicible horreur. C’est un début qui faisait d’ailleurs immédiatement penser à celui du Justine ou les infortunes de la vertu (Marquis de Sade : Justine / Les Infortunes de la vertu, RFA-It.-GB, 1968) de Jesus Franco.
Que Danse macabre soit tout entier placé, d’emblée, sous le signe d’Edgar Poe lui confère d’un bout à l’autre sa poésie authentique. C’est une poésie fiévreuse, torturée, intellectuellement et plastiquement raffinée. La structure du scénario - en forme de poupées russes, celle d’un cauchemar se développant, d’un piège déployant le prestige de ses illusions mortelles puis se refermant sur le héros - la porte à son point d’incandescence. Il prend naturellement place non pas dans les adaptations cinématographiques de l’oeuvre de Poe (en dépit de son générique mensonger qui affirme qu’il est inspiré d’une histoire de Poe alors que c’est faux, introduction mise à part qui cite explicitement des fragments (adaptés) d’une histoire véritablement écrite par Poe et qui la nomme par son titre) mais dans la liste des films mettant en scène Poe lui-même comme personnage dramatique. L’ambition de la mise en scène de Margheriti est de faire dialoguer l’auteur mis en scène avec une histoire se revendiquant esthétiquement de lui mais dont le scénario va encore plus loin : c’est l’entretien dans la diligence, alors que les trois hommes se rendent au château, qui confirme qu’il se place sous l’égide esthétique explicitement revendiquée par Poe et dont les termes constituent, pour le coup, une assez exacte citation de Poe. Cette circularité entre esthétique poétique de Poe et l’histoire inventée par le scénario lui confère, rétrospectivement, une tension redoublée. J’y reviendrai un peu plus bas.
Le réel objectif, présenté en introduction, s’avère trompeur : l’un des éléments du suspense consiste dans la révélation de cette réalité initialement masquée. Lord Blackwood n’est pas l’humaniste amateur de belles lettres qu’il paraît être : on apprendra de la bouche d’Elisabeth que c’est un pervers qui est le descendant d’un bourreau. Son pari annuel révèle sa véritable nature : prendre un malin plaisir à proposer à des mouches humaines de se prendre volontairement dans une toile d’araignée tissée par une terrible malédiction. Edgar Poe raconte une de ses Histoires extraordinaires (la fin du conte Bérénice), mais il prend soin de se définir comme un journaliste ne racontant que des histoires vraies, reconnaissant tristement que personne ne veut les croire. Inversement, Foster est pour sa part réellement journaliste mais pauvre car sans intérêt réel pour sa profession : la réalité le déçoit et c’est la surréalité de l’amour qui le fera passer de l’autre côté du miroir, lui apportera la connaissance salvatrice et la complétude qu’il recherchait en vain, fût-ce au prix d’une perte irrémédiable. Enfin Elisabeth (Barbara Steele) se veut vivante puis détruit elle-même la magnifique illusion qu’elle incarnait : elle reconnaît qu’elle est morte, qu’elle diffère à jamais des vivants. Le médiateur intellectuel de ces diverses expériences est, aux yeux du spectateur, le docteur Carmus, le médecin philosophe joué d’une impressionnante manière par Arturo Dominici qui énonce sa théorie des trois genres de mort, amenant à l’idée que les fantômes peuvent finalement subsister, demeurer des formes vivantes par une sorte d’instinct vitaliste, quitte à devenir des fantômes-vampires. Mais Carmus lui-même ment : son mensonge est le plus terrifiant de tous car il prétend expliquer ce dont il est pourtant devenu victime à son tour, sans qu’on nous laisse savoir pour quelle raison il en fut victime. Le champ du possible le plus atroce est alors ouvert : il ne se referme plus. Lui-même fut certes un humain, est certes devenu un mort-vivant, et qui plus est, un mort-vivant vampire par une obscure malédiction dont l’origine n’est jamais précisée ni révélée. L’hypothèse d’une étrange faille dans l’espace-temps serait anachronique : le scénario interdit donc au spectateur de connaître l’éventuelle cause du phénomène, donné pour une terrible contre-réalité, d’autant plus terrible qu’elle est capable, une fois par an, d’investir la réalité normale.
Ces crimes, formant une obscure chaîne de circularité, matérialisent la puissance de la pulsion (qu’il s’agisse de la pulsion de vie ou de la pulsion de mort : les deux existent et sont littéralement représentées par le film) se perpétuant car à jamais refusant l’extinction. Danse macabre est le film de la compulsion de répétition, au sens freudien de l’expression. Demeure un lapsus éminemment romantique : Barbara Steele elle-même, individualité puissante, initiale sangsue, puis fantôme salvatrice qui préfère l’érotisme au sang biologique mais qui amène au néant les vivants qui l’aiment, ne pouvant aimer que des vivants promis, par le fait même de son amour, à la mort. Ange ou démon involontairement promis à l’enfer et y entraînant chaque 2 novembre de chaque année chaque nouvel amant ? C’est son plus beau rôle qui n’est pas stricto sensu un double-rôle mais qui en devient pourtant un en raison du suspense constant relatif à la finalité de ses actions. Suspense maintenu du début à la fin et pas totalement levé : elle joue un personnage aux facettes si distinctes et contradictoires qu’il s’avère impossible à unifier : étrange incarnation d’une seconde médiation entre les vivants et les morts, non plus médiation intellectuelle comme celle figurée par Carmus mais médiation charnelle et pulsionnelle, maintenant son absolue ambivalence.
Danse macabre s’avère in fine une histoire qu’Edgar Poe ne pourra jamais raconter - bien qu’il en ait été partie prenante - que partiellement car il ne fut témoin que de son commencement et que de son résultat final sans en connaître les tenants et aboutissants ontologiques ni dramaturgiques, donc le milieu, celui qui nous fut révélé : scénario intelligent, intellectuel, romantique et poétique, d’une poésie que Poe aurait aimée. D’autant plus que le ressort fondamental de l’intrigue correspond au principe de la poétique de Poe, tel qu’il est formulé dans La genèse d’un poème in Histoires grotesques et sérieuses (cf. Edgar Allan Poe, Oeuvres en prose, traduction Charles Baudelaire, texte établi et annoté par Y.G. Le Dantec, éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade (*), Paris 1951, tirage de 1979, page 990). Le dialogue le cite fragmentairement mais parfois presque textuellement (« Donc la mort d’une belle femme est le sujet le plus poétique du monde… ») pendant le voyage en diligence, durant lequel Foster interroge Poe sur ses conceptions littéraires et sur sa conception du fantastique.
Cette poésie est transcrite techniquement par la mise en scène de Margheriti et la caméra de Pallotini. On accompagne latéralement le héros qui progresse dans les ténèbres du jardin, le cadre est parfois serré, caméra au poing, en plongé, en contre-plongé. Sa progression est réelle, veut-on nous dire. Pourtant, elle est à peine réelle : Foster tourne en rond dès qu’il progresse : pris par des branches d’arbres qui semblent le retenir d’entrer, et le dissuader de pousser la première porte, celle de la dépendance du château. Du très grand art, qui allie saisissement, immobilité, mobilité en une sorte de dialogue muet et halluciné du héros avec le décor : l’idée sera reprise à l’aube, bouclant la boucle. Margheriti avait, on le sait, adopté les techniques des studios de télévision (techniques héritées de grands cinéastes comme William Wyler et George Stevens puisque le cinéma a autant influencé la forme de la télévision que celle-ci a influencé la forme de celui-là) également utilisées par Roger Corman pour sa série Edgar Poe : on filmait simultanéent les séquences importantes avec plusieurs caméras, choisissant ensuite au montage les plans les meilleurs pour les inclure dans la continuité finale.
Autre exemple : Le portrait de Julia vibre : il semble vu à travers l’eau. La Julia vivante ne « vibre » pas, ne varie pas mais c’est qu’elle n’est pas non plus vraiment vivante : elle se souvient l’avoir été, revit un souvenir, avec une obstinée mélancolie qui lui interdit toute déviation.
Image presque vivante, mais, troisième exemple, pas davantage que ce cadavre enveloppé d’une sorte de lin funéraire obstinément tissé par un possible insecte, dessinant les courbes nues d’une femme dont les orbites vides fixent les ténèbres, dont la poitrine se soulève, dont la bouche respire un souffle lent, rauque, audible… et qui se transforme en vapeur mobile : l’image sera reprise pour une séquence de La Sorcière sanglante (I Lunghi capelli della morte, Ital. 1964) d’Antonio Margheriti l’année suivante, son autre grand film avec Barbara Steele en vedette et cette fois-ci vedette dans un double rôle davantage objectif, une année avant celui qu’elle tiendra non moins objectivement dans Les Amants d’outre-tombe (Ital. 1965) de Mario Caiano.
Le cinéma de Margheriti est un cinéma des effets spéciaux et de l’échange bachelardien des éléments (l’air, le feu de la torche, la pierre, la terre, le vent, la vapeur d’eau) où - ici à l’égal d’un Mario Bava et d’un Riccardo Freda, voire mieux encore - il pousse le suspense à l’extrémité pure de la matière : ce lourd portail de fer mi-franchissable, mi-infranchissable qui encadre l’aventure du château. Le dernier mouvement de Foster était un faux mouvement qui signe la fin d’une vie-mouvement, d’une image-mouvement (Gilles Deleuze aurait aimé le film : l’avait-il vu ?), d’un entre-deux eaux (Bachelard et la poésie de l’eau chez Poe, soit dit en passant, même si l’eau, dans ce titre de 1963, se limite à une fantastique vapeur d’eau). Ce qui était mobile redevient figé, ce qui était charnel redevient poussière, ce qui parlait redevient silence. La plus effrayante photo d’exploitation (et photo de plateau : elle eut les deux fonctions auprès des distributeurs) du film est celle montrant Poe et Blackwood découvrant à l’aube l’enveloppe charnelle de Foster à jamais prisonnière du château : le cauchemar s’y transforme en confirmation énigmatique mais désormais terriblement objective du surnaturel.
Entre-temps, les prestiges du temps (la gestion du temps onirique et du temps réel se fait par le montage d’un gros plan sur le visage effrayé de George Rivière, zoom arrière, rupture de cadre en élargissement : division nette, brutalement assénée) et les prestiges de l’espaces se seront dépliés : on croit pénétrer un espace auquel on est étranger. On n’y a jamais vraiment pénétré : Margheriti revendiquait Danse macabre comme un film de SF authentique qu’il n’est évidemment pas : il se leurrait car c’est bien un film fantastique. Carmus est un personnage fantastique : même si ses théories évoquent fugitivement mais anachroniquement celles d’un relativiste einsteinien du premier tiers du vingtième siècle (en somme aussi bien contemporain de Jean Ray que de Léon Brunschvicg), il demeure pourtant du côté des positivistes spiritualistes, des vitalistes de la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Carmus, c’est un Félix Ravaisson romantique, épris de positivisme, un bergsonien avant l’heure : le vrai est obscurément de son côté pour cette raison. Il défend la réalité de la pulsion, l’individualité du mouvant qui résiste à la pensée, son obstination à franchir les limites physiques, et il le prouve par l’expérience. Après tout, son expérience n’est-elle pas le film lui-même dans son ensemble (double mise en abyme : de la théorie de Carmus mais aussi du film dans le film de Margheriti : Georges Rivière et Arturo Dominci deviennent spectateurs-miroirs, sous nos propres yeux), et pas seulement la séquence du serpent qui prétend l’illustrer ? N’y-a-t-il pas une vie des images ? Cette vie ne provoque-t-elle pas à nouveau peur et désir de leurs témoins ? Donc, au fond, la pulsion n’est-elle pas, une fois représentée, consciente d’elle-même, éternelle, dotée d’une force constante d’impression sur les âmes futures ? Il y a de tout cela en germe, dans les théories de Carmus, parfois héritées un peu de celles de l’auteur de Euréka, à savoir Poe lui-même qui était aussi un philosophe, aspect de son oeuvre qu’on n’étudie pas assez en France en dépit des efforts de Charles Baudelaire pour nous le révéler par son ample traduction.
Cet étrange et très attachant objet pur d’histoire du cinéma, intemporel (dans la mesure où le rapport entre le temps et l’espace est un de ses thèmes sinon son pur sujet) qu’est Danse macabre est peut-être tout entier symbolisé comme possible film de l’hésitation, de la retenue du mouvement, par l’étrange coupure-censure des seins de Sylvia Sorrente, l’actrice co-vedette du Cri de la chair (L’éternité pour nous, Fr. 1961) de José Benazeraf, qui joue ici un troisième rôle féminin purement fonctionnel, dénué de tout intérêt mais pourtant passionnant dans la mesure où son essence est définie par le fait d’être vivante et désirable. Pure objet de désir, pure pulsion de vie, elle est filmée comme une poupée mécanique, aux réactions définies d’avance : le seul moment absolu est celui où elle se déshabille devant la cheminée : durant un instant, elle hésite. Et c’est cet unique moment réellement vivant, parce que à peine joué, que la censure a coupé en Italie (le passage est demeuré, oscillant entre 5 et 20 secondes, dans certaines copies françaises) faisant de Sylvia Sorrente une sorte de contrepoint vivant mais abstrait à Margareth Robsham, morte bien plus vivante que cette vivante, et morte non moins consciente : « Que veux-tu faire, Elisabeth ? Me tuer ? Tu sais bien que c’est impossible ».
Entre ces deux portraits opposés de femmes (la visiteuse pure vivante incarnée par la française Sylvia Sorrente qui n’est qu’une mécanique sauf un fugitif instant, la pure morte incarnée par la norvégienne Margareth Robsham qui demeure une lesbienne vivante, désirante et désirable, volontaire et très fortement individualisée), Barbara Steele incarne une troisième femme et un troisième terme : celui d’une impossible réconciliation que sa tentative ressuscite à chaque nouvelle vision de Danse macabre comme un impossible objet, autant que comme un impossible sujet. Si Carmus apparaît donc bien comme le pivot intellectuel - encore davantage que le mi-réel, mi-fictif Edgar Poe incarné par Silvano Tranquilli - de Danse macabre, Barbara Steele incarne son pivot plastique et ontologique à la fois. Si Carmus et Poe sont le concept, la forme, si les autres personnages non-contemplatifs sont leur matière, leur cire (l’amant bestial au torse souvent nu, mû par une pulsion unique selon les séquences : désir sexuel, désir meurtrier, désir de se nourrir sont chez lui montrés comme autant de purs conatus spinozistes, dénués d’individualité), alors on peut dire que le personnage d’Elisabeth Blackwood joué par Barbara Steele demeure leur limite unique, leur pierre d’achoppement à tous. Une vie hors de tout concept, rebelle à toute mise en forme. Ni morte, ni vivante, au-delà de ces deux conditions, les parachevant peut-être par son dépassement individuel absolu, unique et non-reproductible. Unis tous ensemble, en une circulaire unité - dans une Danse macabre dorénavant indivisible, qui est - demeure - aussi celle de la mise en scène inspirée d’Antonio Margheriti. Unité profondément romantique (le plan final : les voix épurées du couple d’amants, semblant survivre d’une manière éthérée, éternelle) qu’il reproduira en 1971 d’une manière aussi géniale, peut-être encore approfondie mais qui trouve dès 1963 un enviable point d’équilibre, confinant à la plus authentique des perfections.
(*) Volume matériellement dépareillé par une curieuse erreur historique imprimée au rabat de sa quatrième page de couverture ; censée présenter un fragment du catalogue de la collection concernant les auteurs du dix-neuvième siècle, elle mentionne sur sa colonne de gauche, inséré dans une liste débutant par Barbey d’Aurevilly et s’achevant par Émile Zola, le titre « Emmanuel Kant, Oeuvres philosophiques, 1 volume paru » alors que Kant (1724-1804) appartient, comme on sait, au dix-huitième siècle.
1 Coffret rigide avec couvercle et boîtier Digipack 3 volets comportant 1 Blu-ray 4K UHD66 film + 1 Blu-ray BD-50 région B Full HD 1080p film + 1 Blu-ray BD-50 région B Full HD bonus + 1 livret de 100 pages illustrées + 6 cartes-photos du film, édités par Artus Films le 03 décembre 2024. Image format 1.85 compatible 16/9 en N&B, durée cinéma 91’, son DTS-HD Master Audio 2.0 Mono en VF d’époque + VOSTF. Nombreux suppléments : voir leur examen détaillé dans la rubrique « bonus ». Version intégrale non censurée, master 4K restauré en 2022 par la société Cinématographique Lyre en collaboration avec la Cinémathèque Française, et le soutien du CNC, de la Mairie du 8ème (Paris), d’Artus Films, de Lobster Films et de Severin Films.
Livret 100 pages couleurs et N&B par J.-P. Bouyxou et Vincent Roussel : très belles illustrations pour ces souvenirs du film, du cinéma populaire italien et du cinéma-bis en général, recueillis en forme de dialogue.
Concernant le texte par lui-même, Bouyxou précise à Roussel n’avoir jamais écrit une ligne critique sur ce titre de 1963. Il avait cependant rencontré et interrogé Margheriti en 1971 lorsqu’il préparait son livre sur la science-fiction cinématographique et ils avaient inévitablement évoqué le titre de 1963 car Margheriti (le fait est peu connu) considérait qu’il s’agissait d’un film fantastique comportant un aspect science-fiction. On peut donc considérer que, 50 ans plus tard, Bouyxou comble une lacune en accordant cet entretien sur un titre qu’il a vu et admiré en temps réel au moment de sa sortie française en exclusivité : il n’est jamais trop tard pour le faire et le temps ne fait, en matière esthétique, rien à l’affaire. Pour le novice, ce dialogue constitue en outre une initiation à l’histoire et à la réception du cinéma fantastique en France de 1955 à 1965 environ, par un témoin de première main ; pour le cinéphile connaissant déjà bien le sujet, il vaut par quelques informations d’histoire du cinéma et de l’exploitation. Il vaut aussi par la position de quelques questions d’histoire du cinéma intéressantes (celle posée sur les deux versions éventuelles de la mort de l’héroïne jouée par Barbara Steele dans ce Margheriti de 1963, celle aussi posée sur les deux versions de certains Hammer Films anglais). Nombreuses remarques annexes sur d’autres titres fantastiques 1955-1970.
Quelques bémols cependant qui dévalorisent parfois sévèrement le texte de ce dialogue : d’abord l’emploi généralisé par les deux interlocuteurs (Roussel autant que Bouyxou qui suit ici la mode du jour) du terme « gothique » comme synonyme de « fantastique » alors que le premier terme ne s’applique qu’à la période médiévale en architecture et qu’au dix-huitième siècle anglais en matière de littérature fantastique. Je ne reviens pas là-dessus mais il faut encore une fois dénoncer cette absurde synonymie qui se généralise des deux côtés de l’océan Atlantique. Les présentateurs vidéo commettent aussi cette confusion qui est la norme en France depuis de trop nombreuses années mais qu’il semble qu’on adopte de guerre lasse par pure commodité en dépit de sa foncière inexactitude historique et esthétique. Les éditeurs vidéo suivent évidemment et ne cessent de parler de collection gothique, de film gothique, etc. Faut-il une fois pour toutes et une fois de plus renvoyer les uns et les autres aux études de H. P. Lovecraft, Louis Vax, Roger Caillois, Maurice Lévy sur le genre fantastique dans la littérature et / ou dans les arts plastiques sans oublier mon article sur le Hammer film de 1971 signé par John Hough, article archivé sur Stalker-dissection du cadavre de la littérature ?
Ensuite, à propos de la réception critique du genre, Bouyxou affirme, pages 13-14, que Jean-Marie Sabatier, Les classiques du cinéma fantastique (éditions Balland, Paris 1973) a été écrit par un auteur « extrêmement intelligent, très cultivé » (ce qui est sympathique) mais que son livre est un « tissus d’âneries » (sic, ce qui est nettement moins sympathique) : curieuse attaque qui ne rehausse pas son locuteur tant elle est injuste et dénuée de fondement. Le charme est rompu et je ne peux évidemment pas laisser écrire cela sans réagir, d’autant que ces critiques s’adressent à un auteur mort que j’ai admiré et défendu toute ma vie. Je m’étonne que l’interlocuteur Vincent Roussel laisse passer sans réagir une telle énormité. Je le redis donc ici : en dépit des coquilles (réelles), des quelques erreurs (non moins réelles) d’histoire du cinéma et des quelques points de divergence esthétique et thématique (la critique injuste de Corman par Sabatier, par exemple) que j’y relève, le livre de Sabatier fut et demeure le plus profond jamais écrit en France au vingtième siècle sur le genre. Cette attaque est d’autant plus injuste et, surtout, d’autant plus inattendue que Jean-Pierre Bouyxou partage sur certains titres ici cités, les jugements esthétiques et thématiques de Sabatier lui-même : par exemple sur Le Retour de Frankenstein (Frankenstein must be destroyed, GB 1969) de Fisher que tous deux considèrent comme un Fisher majeur, par exemple sur Et le vent apporta la violence (E Dio disse a Caino…, Ital.-RFA 1970) de Margheriti - notez que les 3 petits points précèdent le titre français alors qu’ils suivent le titre italien sur les affiches - avec Klaus Kinski et dont on peut apercevoir dans une des deux présentations vidéo une mignonne affiche thaïlandaise intitulée « Le grand prisonnier » et, inscrit sous le nom de Klaus Kinski, le slogan « Celui qui tue d’une manière rusée » !
Il est par ailleurs regrettable, alors qu’on prétend brosser un tableau de la réception critique du fantastique en France (âges 5 à 10 et pages 83-84), de s’en tenir aux années 1955-1965 et d’omettre les livres de René Prédal (1970 mais aussi certaines de ses critiques antérieures, par exemple celle, excellente, du Fisher de 1967) et de Gérard Lenne (1971, édition revue 1985 et ses critiques parues dans MMF et dans Écran) qui ont eu leur importance, au moins autant que le livre de Michel Laclos ou que le numéro spécial Cinéma 57 petit format (les textes critiques de ce numéro de 1957 sont médiocres). Signaler la revue Midi-Minuit Fantastique (et les numéros spéciaux des revues Positif, Présence du cinéma, Cinéma petit format) c’est certes nécessaire et c’est très bien mais pourquoi oublier les versions françaises de Creepy, Eery, Vampirella alors que ces trois dernières revues furent alimentées par une partie de l’équipe éditoriale de MMF ? D’autant plus dommage que Vampirella n°7 version française contenait en 1970 un très utile et précis dossier Antonio Margheriti incluant de très belles photos de Barbara Steele dans les deux Margheriti de 1963 et 1964. Cela dit, je reconnais bien volontiers que Bouyxou pourrait me rétorquer que son tableau se limitait volontairement aux années 1955-1965. Sur le sujet, je renvoie donc le lecteur souhaitant un complément d’informations au livre de Nicolas Stanzick, Dans les griffes de la Hammer (édition revue et augmentée Le Bord de l’eau, Paris 2010).
Autre point qui mérite d’être noté : Bouyxou classe le rôle de Barbara Steele dans La Chambre des tortures ( Pit and the Pendulum, USA 1961) de Roger Corman parmi ses 4 meilleurs rôles alors que c’est précisément une des faiblesses de ce Corman de 1961 d’avoir sous-employé Barbara Steele en confiant le rôle féminin principal à Luana Anders. Roussel, là non plus, ne relève pas. En revanche, Bouyxou n’y inclut pas l’admirable rôle principal de Barbara Steele (qui plus est double rôle principal !) dans Les Amants d’outre-tombe (Ital. 1965) de Mario Caiano, dont pas une seule photo n’est présentée alors qu’on nous montre une photo pleine page de l’acteur comique Toto, page 37. Le titre est cité avec sympathie mais pas inclus dans la tétralogie préférée du locuteur. Le florilège visuel de photos de Barbara Steele n’en comporte pas une seule image : lacune gênante car le film de Caiano est plus important, concernant la filmographie sélective de l’actrice, que certains autres ici illustrés, par exemple le film de Fellini.
Quelques mots et expressions argotiques parsèment fréquemment cet entretien (« tronche », etc.) : ils le dépareillent. Autre aspect déplaisant : réduire la vie et l’oeuvre d’écrivains et d’historiens morts (Georges Sadoul, René Jeanne & Charles Ford, Maurice Bardèche et Robert Brasillach - j’ai déjà évoqué le cas de Jean-Marie Sabatier supra et je n’y reviens pas ici) et qui ne peuvent plus se défendre, à une simple épithète censée constituer leur épitaphe négative. Ce procédé fut peut-être courant durant la jeunesse de Bouyxou mais il ne devrait plus être utilisé aujourd’hui : loin de manifester une vigueur conservée (c’est peut-être l’impression du locuteur lorsqu’il émet de tels jugements), il semble foncièrement anachronique et, pour tout dire, foncièrement déplacé. Peut-on par exemple, comme il le fait, réduire l’historien du cinéma Georges Sadoul, sa vie et son oeuvre écrite considérable, au seul qualificatif de « stalinien » (sic page 28) ? Sadoul était communiste probablement stalinien et il n’aimait pas le cinéma fantastique : c’est entendu ; il a eu tort, c’est aussi entendu. Georges Sadoul demeure néanmoins - c’était l’opinion d’Henri Langlois et je la partage - le réel fondateur, sur le plan méthodologique, de l’histoire française du cinéma : il y a bien une histoire du cinéma d’avant Sadoul et d’après Sadoul.
Quelques hésitations factuelles concernant l’histoire du cinéma : Riccardo Pallotini n’est ainsi pas « un peu » (sic) le chef-opérateur attitré de Margheriti mais effectivement et très réellement son directeur photo attitré : je renvoie ici à l’entretien avec le fils de ce dernier, dans les bonus vidéo. Page 83, concernant la décision de produire le remake de 1971, Bouyxou n’opte ni vraiment pour la « première explication » ni vraiment pour la « seconde explication » mais pour un alliage des deux : il s’agit cependant dans les deux cas d’une simple hypothèse et non pas d’une explication : ni l’une ni l’autre n’ont donc valeur d’histoire du cinéma. D’autant moins que, selon Jean-François Rauger, aucune des deux n’est valable : c’est tout simplement le désir de tourner le film en couleurs qui aurait été, du côté de Margheriti, le moteur décisif.
Les discussions thématiques et esthétiques entre Roussel et Bouyxou concernant le film de référence de 1963 sont parfois honnêtes et suggestives mais assez régulièrement dépareillées, elles aussi, par l’usage d’expressions populaires ou argotiques par Bouyxou : on frôle alors à plusieurs reprises le café du commerce. La comparaison entre Michèle Mercier dans le remake de 1971 et de Barbara Steele dans l’original de 1963 est désagréable pour Michèle Mercier puis escamotée par quelques remarques désobligeantes sur François Truffaut (et remarques injustement réductrices car, après tout, Truffaut avait aussi bel et bien rendu hommage, dans son premier film de 1959, à l’érotisme de Gianna Maria Canale dans le si beau péplum signé en 1954 par Riccardo Freda, preuve que Truffaut n’était pas hostile par principe à l’érotisme comme le laisserait entendre Bouyxou). En somme, Bouyxou est certes un témoin de première main qui fut un défenseur sincère du genre fantastique (et, surtout, de sa succursale science-fiction) mais il me semble ici assez régulièrement desservi par une certaine rudesse, tant d’expression que de pensée. Tant qu’elle ne s’attaquait pas à Sabatier, je pouvais la goûter en connaissance de cause : à présent qu’il en est à son tour devenu victime, elle me semble nettement moins plaisante.
Très riche illustration : c’est le point fort de ce livret car le travail a été remarquablement soigné. Nombreuses belles affiches de classiques du cinéma fantastique, très bien reproduites pleine page, une partie ressortant du cinéma fantastique anglais (Hammer Films, productions Baker et Berman) - par exemple la magnifique affiche de Constantin Belinski peinte pour L’Impasse aux violences ( The Flesh and the Fiends, GB 1959) de John Gilling, affiche que Christophe Bier avait reproduite dans un beau livre consacré à cet affichiste -, le reste ressortant pour l’essentiel (comme on s’y attendait et l’attente est satisfaite) du cinéma-bis fantastique italien. Signalons aussi un beau cahier de photo N&B nues de Barbara Steele, pages 22-25 provenant de clichés pris durant le tournage du Cimetière pour morts-vivants ( Cinque tombe per un medium, Ital. 1965) de Massimo Pupillo, que Bouyxou cite, soit dit en passant, sous son titre vidéo Artus modifié de Le Cimetière des morts vivants (page 20).
L’éclat d’un rêve d’opium, présentation par Nicolas Stanzick (2024, durée 72’) : présentation ample et pointue à la fois qui sera privilégiée par le cinéphile déjà connaisseur car elle examine les divers aspects du film (situation du titre dans l’histoire du cinéma fantastique, sources possibles du scénario, production, tournage, casting, réception critique et commerciale) d’une manière extensive. Elle doit au moins une information à Tim Lucas (de l’aveux de Stanzick lui-même) mais aussi, peut-être, quelques informations aux commentaires audio et aux présentations de l’édition américaine Severin d’août 2024 (j’écris cela sous réserve car l’entretien avec Nicolas a peut-être été enregistré avant sa sortie ?) car il me semble y reconnaître le sérieux historiographique des historien anglo-saxons du cinéma. Intéressantes hypothèses sur les sources possibles de l’histoire : elles confèrent le maximum allusif possible au scénario bien que toutes ne soient pas forcément avérées (allusion lovecraftienne mise à part : celle-ci me semble certaine et c’est la seule véritablement évidente) : je n’avais pas pensé à Algernon Blackwood (deux personnages majeurs portent ce nom dans le scénario) mais qui sait ? Après tout, Roger Caillois avait inséré une impressionnante histoire de Blackwood dans son Anthologie du fantastique (édition Club français du livre, Paris 1958) : preuve qu’il n’était pas oublié au tournant des années 1960 et les scénaristes italiens de 1963 pouvaient, en effet, très bien avoir songé à lui en baptisant ainsi les deux personnages joués par Umberto Raho et Barbara Steele. Je suis également d’accord concernant la possibilité que la nuit vécue par Allan puisse être interprétée comme un fantasme de Poe, une ultime histoire extraordinaire simplement rêvée mais jamais publiée : les scénaristes ont pu avoir cette idée derrière leur tête et c’est une idée poétique que n’aurait pas reniée l’auteur de la Genèse d’un poème. Je l’avais d’ailleurs suggéré dans ma critique parue en 2008 et archivée en version revue, corrigée et augmentée sur Stalker - dissection du cadavre de la littérature. Confusion occasionnelle par interversion, à propos des rôles de Barbara Steele chez Riccardo Freda, entre les deux professions mentionnées dans les titres français d’exploitation L’Effroyable secret du docteur Hichcock et Le Spectre du professeur Hichcock : elle est fréquente lorsqu’on discute de ces deux Freda avec chacun Barbara Steele en vedette. Présentation illustrée par des affiches (bien reproduites), des photos, des extraits.
L’aventure Danse macabre par Paola Palma, J.-F. Rauger, Olivier Père (2024, durée 93’) : autre présentation qui sera la priorité du novice mais le cinéphile y écoutera d’intéressantes remarques et apprendra certains éléments car Père a rencontré Margheriti et il cite quelques éléments provenant de la rencontre. Elle est placée sous les auspices de la Cinémathèque française qui avait rendu hommage à Margheriti à l’époque des soirées-bis parisiennes de l’Action République et du Brooklyn dans les années 1990. Cinémathèque qui a participé à la restauration du film. Elle est en outre animée par une sympathique enseignante italienne spécialiste des co-productions franco-italiennes, qui a raison d’être sensible au romantisme du film. Elle est bien montée, alternant les trois interlocuteurs complémentaires durant chaque sujet traité, en suivant un plan classique : situation du titre, vie et oeuvre du cinéaste, genèse du film, originalité du scénario, casting. Excellentes remarques de l’enseignante sur le rôle dévolu à l’espace mis en scène d’une manière aussi circulaire que le temps narratif du récit, de Rauger sur le personnage de Barbara Steele comme incarnation d’une pulsion et sur le film comme compulsion de répétition au sens psychanalytique du terme (je m’étais intéressé à ces aspects dans la version de ma critique parue en 2008 sur Stalker - dissection du cadavre de la littérature et j’y reviens ici encore plus en détails), de Père concernant la genèse du remake de 1971. Confusion occasionnelle (comme dans la présentation de Nicolas Stanzick : cette coquille est fréquente dans les discussions de cinéphiles) par interversion, à propos des rôles de Barbara Steele chez Riccardo Freda, entre les deux professions mentionnées dans les titres français d’exploitation. Une erreur (coquille) concernan La Chambre des tortures de Corman rebaptisé La Chambre des horreurs (titre qui existe aussi dans l’histoire de l’exploitation française, qui est également américain mais qui n’est pas de Corman et qui est plus tardif d’une dizaine d’années). Nombreuses illustrations, impeccablement reproduites, d’affiches de classiques du cinéma fantastique immédiatement antérieurs ou contemporains de la production de 1963.
Retour sur les lieux du tournage à Bolsena (Italie) (2023, durée 24’, VOSTF) : cette visite au « Palazzio » (château) du Dragon ne concerne que les séquences d’extérieurs (nuit et aube) du film car les séquences d’intérieurs furent tournées à Rome dans un studio. Comparaison souvent très précise (grâce à la technique du « split-screen » comparant, au moyen d’un écran coupé en deux sections, un morceau provenant du film avec un morceau du paysage actuel) et quelques souvenirs du tournage remémorés par les propriétaires et leurs employés. Ce supplément provient de l’édition américaine Severin Film d’août 2024, ici muni par Artus de STF.
Entretien avec Edoardo Margheriti (2024, durée 14’, VOSTF) : quelques souvenirs de première main du fils d’Antonio Margheriti concernant la production, pas tant ce qu’il a vu (il n’avait que 5 ans, dit-il) qu’en raison des remarques paternelles à son propos, dont il conserve assez précisément la mémoire : la longue collaboration de son père avec le directeur photo Riccardo Pallotini qui avait débuté avec ce titre de 1963, la qualité du scénario qui était, toujours selon son père, le meilleur qu’il ait jamais filmé sans qu’il fût nécessaire d’en modifier une ligne, la décision de tourner un remake avec Michèle Mercier et Anthony Franciosa. Illustré par quelques affiches, photos et extraits du film. Ce bonus se trouvait déjà sur l’édition Blu-ray américaine Severin d’août 2024 mais sans STF.
Danse macabre : la véritable histoire, par Adrian Smith (2023, durée 9’, VOSTF) : c’est le supplément le plus bref en durée mais très bien monté et riche en détails d’histoire du cinéma. Smith a contribué au commentaire audio de l’édition américaine Blu-ray Severin sortie en août 2024. Il couvre ici brièvement divers aspects du film y compris la réception critique du film en Italie, en GB, et même en France puisqu’il cite un extrait de la critique élogieuse provenant des Cahiers du cinéma. Illustré par des extraits du film et quelques photos. Rauger parle également de cette dernière dans sa propre présentation : il est vrai qu’elle méritait d’être remémorée, ne serait-ce que sur le plan historiographique.
Séquence alternative (2023, durée 2’22”, VF) : il s’agit de la séquence érotique où Sylvia Sorrente se déshabille devant la cheminée : elle avait été visible dans la VHS Secam mais pas dans toutes les copies 35mm exploitées. Les deux présentations fournissent quelques informations à son sujet, ainsi que des avertissements liminaires, écrits sur fond noir.
Diaporama d’affiches et photos (16/9 N&B + couleurs, durée 2’42”) : l’exemple de ce qu’il faut faire. 7 affiches (2 italiennes, 2 américaines, 1 française, 1 belge et une d’un pays d’Europe de l’Est), 4 photos d’exploitation française intégrales (mais pas le jeu complet), 15 photos de plateau (les premières numérotés, les suivantes sans numéro). Attention , l’avant-dernière photo (Barbara Steele aux longs cheveux noirs, le visage en gros plan près d’un fragment d’arbre) est certes très belle mais elle n’appartient pas au film de 1963 : elle provient de La Sorcière sanglante (I Lunghi capelli della morte, Ital. 1964) d’Antonio Margheriti.
Bande-annonce originale (3’29”, format 1.85 N&B compatible 16/9, VF d’époque) : c’est la BA du distributeur Cosmopolis Films / Les Films Jacques Marbeuf. Beau document d’histoire de l’exploitation, en bon état argentique et numérique, en VF d’époque et aux slogans savoureux.
6 photos format carte postale : ce sont des reproductions de photo de plateau N&B. L’une d’entre elles n’appartient pas au film : c’est à nouveau (cf. supra ma remarques sur le « diaporama ») celle montrant le beau visage de Barbara Steele aux longs cheveux noirs dans La Sorcière sanglante. J’en profite pour suggérer à Artus de ressortir ce second Margheriti en Blu-ray : il le mérite amplement.
Évidemment, j’aurais souhaité un coffret comportant l’original de 1963 et la version de 1971 mais la perfection n’étant pas de ce monde, ne nous plaignons pas, comme dit le proverbe - « et c’est une excellente chose que les proverbes », comme disait le divin marquis ! - que la mariée est trop belle. Cette édition collector est clairement indispensable au cinéphile, constituant assurément un des événements vidéo numériques de l’année 2024 : c’est en outre, sur le plan matériel, le plus beau coffret fantastique jamais édité à ce jour par Artus. Il est déjà collector.
Deux transfert vidéo N&B, format 1.85 compatible 16/9, sont ici disponibles : en 2160p 4K HEVC-HDR10 (sur Blu-ray 4K UHD66) et en 1080p AVC (sur Blu-ray Full HD BD-50) à partir d’une copie argentique restaurée par un laboratoire italien et un laboratoire français, à partir de négatifs et de copies positives provenant de plusieurs distributeurs et organismes (y compris la Cinémathèque française) mentionnés sur un panneau d’avertissement. C’est exactement le même choix (UHD + Full HD) provenant de la même restauration franco-italienne provenant des mêmes laboratoires, qui était proposé par l’éditeur Severin aux USA en août 2024. Notez que le film a été exploité en vidéo en 3 formats distincts : 1.66 en VHS Secam Fantastic Video (Lamcoz et R.C.A.) éditée à Paris en 1981, 1.77 en DVD Seven 7 édité en 2008, 1.85 en Blu-ray Severin (USA) et Artus (France) tous deux édités en 2024. La durée de la courte séquence durant laquelle Sylvia Sorrente se dénude devant la cheminée, oscille entre 5 et 20 secondes. La séquence supplémentaire offerte de cette scène offerte ici en bonus est la plus longue jamais observée. La VHS française avait l’avantage de comporter le générique français d’époque : il était visuellement très différent du générique italien pseudo-anglais et il comportait certes un certain nombre de pseudonymes mais il en comportait cependant moins que le générique italien.
Version UHD : Le passage à l’UHD est une fois de plus très net et hautement appréciable, du moment que l’on dispose d’un écran de taille respectable. Le diable se cachant dans les détails, il est vite évident en passant du Blu-ray à l’UHD, que le gain de définition permet une nouvelle découverte des images, notamment dans les détails des décors et costumes. Même le grain de la pellicule profite de la 4K avec un fourmillement plus « maîtrisé ». Le film étant au passage calibré en HDR10, les contrastes s’en ressentent et d’une image à l’éclairage un peu trop uniforme qui sent le studio à plein nez sur le Blu-ray, on regagne avec l’UHD une profondeur plus « artistique ». Même si le film n’a pas été conçu à l’origine pour la 4K HDR, cette proposition d’Artus Films est vraiment la bienvenue et apporte une expérience plus cinéma que home-cinéma. (NB : ce paragraphe consacré à la version UHD a été rédigé par Stéphane Leblanc).
Version FULL HD : copie argentique parfaitement nettoyée. Générique italien (aux noms anglo-saxons pseudonymes des véritables noms italiens, Barbara Steele et Georges Rivière mis à part) qu’on pouvait déjà visionner sur l’ancien DVD français édité par Seven 7. Sa texture et sa définition sont inférieures à celle du restant du métrage: je regrette à cette occasion qu’on n’ait pas retrouvé (ou qu’on ait retrouvé mais pas restauré) le générique francophone d’époque qui était visible sur la VHS Secam de 1981. Le restant du métrage est impeccablement restitué et on peut désormais oublier l’ancien DVD Seven 7 qui disposait certes de très beaux noirs bien contrastés mais dont l’image était légèrement recadrée dans un niveau de définition désormais obsolète. Cette édition Full HD + UHD devient pour longtemps l’édition française de référence.
DTS-HD Master Audio 2.0 Mono en VF d’époque + VOSTF : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Accessibilité pour sourds et malentendants en VF Dolby Audio 2.0. Mono. Excellente VF d’époque sur le plan dramaturgique. Une des plus belles partitions musicales signées par Riz Ortolani : la traversée du jardin, lancinante, cauchemardesque, est un des plus grands moments visuels mais aussi sonores du film ; utilisation mémorable des cordes et du clavecin. Très belle post-synchronisation française d’époque, à écouter absolument mais qui modifie parfois le sens du dialogue italien original : Edgar Poe ne raconte, par exemple, pas tout à fait sa nouvelle histoire extraordinaire Bérénice de la même manière dans les deux versions. La VO italienne ne restitue évidemment pas les voix originales de Barbara Steele ni de Georges Rivière, tous deux post-synchronisés. Techniquement, excellents transferts parfaitement nettoyés : on n’a jamais entendu la VF d’époque aussi nette et claire. Notez que Barbara Steele est doublée en VF par Michèle Montel et que Arturo Dominici est doublé par Raymond Loyer, le doubleur français régulier de l’acteur américain John Wayne : la voix de Loyer convenait mieux à Wayne que sa voix originale, ce qui est rare mais qui peut arriver par la magie du cinéma.
Crédits images : © Vulsinia Films, Giovanni Addessi Produzione Cinematografica, Ulysse Productions