Réalisé par Oliver Stone
Avec
Eric Bogosian, Ellen Greene et Leslie Hope
Édité par Carlotta Films
Barry Champlain anime une émission à succès sur une radio locale de Dallas. Cynique, cru, méchant, il provoque les noctambules qui l’appellent et lui livrent des récits souvent sinistres. Alors que l’émission doit désormais être diffusée à l’échelle nationale, Barry voit son ex-femme revenir à Dallas et les menaces antisémites à son égard se multiplier. Pris dans une surenchère de violence verbale, il s’isole dans la mégalomanie et l’angoisse…
Après le triomphe de Platoon, récompensé par 4 Oscars (meilleurs film, réalisateur, montage, son), et un Wall Street qui peine à trouver grâce auprès de la critique, Oliver Stone s’attèle à Né un 4 juillet, un projet qui remonte aux années 70. En attendant que Tom Cruise termine Rain Man, Oliver Stone découvre Off-Broadway un monologue écrit et interprété par le comédien Eric Bogosian.
Dans cette pièce d’une heure, il y interprète un animateur de radio qui s’entretient avec les noctambules paumés qu’il ne ménage pas. Désireux de porter cette histoire à l’écran, le réalisateur y greffe celle du véritable animateur radio Alan Berg assassiné en 1984 par un groupe extrémiste. Ce film intitulé Talk Radio va ainsi permettre à Oliver Stone d’expérimenter sur le cadre, le montage, les sons et les mouvements de caméra.
Véritable petit bijou de mise en scène, Talk Radio demeure le film le plus méconnu d’Oliver Stone. En s’emparant d’un sujet anti-filmique, le réalisateur ne se rend pas la tâche facile mais s’en sort haut la main grâce à une rare ingéniosité et le jeu bluffant voire hypnotique d’Eric Bogosian qui bouffe littéralement l’écran. Un vent de liberté souffle sur Talk Radio, comme si, libéré des contraintes habituelles, Oliver Stone s’en remettait au système D pour la technique tout en parlant de ce qu’il veut, de l’émergence des radios libres, des problèmes de société, de la liberté d’expression et de la politique américaine bien évidemment. En dressant le portrait d’un homme narcissique, haïssable voire monstrueux qui tente malgré tout de redécouvrir son côté humain, c’est le portrait d’une Amérique malade, solitaire, raciste, homophobe que dessine le cinéaste qui a toujours entretenu un rapport d’amour et de haine avec son pays. Cette colère est omniprésente dans Talk Radio, film virtuose au rythme effréné à réhabiliter de toute urgence.
De la jaquette en passant par la sérigraphie du DVD, le menu principal, le chapitrage et les sous-menus, Carlotta soigne une fois de plus l’objet qui rejoint fièrement toute collection qui se respecte.
Outre la bande-annonce d’époque, Carlotta livre un riche et didactique entretien de 27 minutes avec Oliver Stone, enregistré spécialement pour la sortie du DVD en France. Fidèle à lui-même dans cette interview exclusive baptisée » Filmer la colère « , le réalisateur s’exprime avec une passion contagieuse sur l’un de ses films les plus insolites. 20 ans après, Oliver Stone se penche notamment sur la rage et la colère qui animent le personnage principal incarné par Eric Bogosian.
Désireux d’adapter ce monologue alors qu’il préparait déjà Né un 4 juillet, Oliver Stone décide de croiser cette histoire avec celle d’Alan Berg, animateur radio assassiné en 1984 par des extrémistes. Comme nous avions déjà pu l’entendre à travers ses commentaires audio, le cinéaste est tout sauf avare en anecdotes liées à la genèse de ses projets, au tournage (comment rendre passionnant un type qui parle derrière son micro ?), et comme d’habitude, croise habilement le fond (l’explosion des radios libres) et la forme (le côté visuel est analysé sous toutes ses coutures tout comme le son, le mixage, le montage) de ce film sorti dans l’indifférence totale mais qui lui tient particulièrement à coeur et qui a depuis trouvé un public de fidèles.
Le nouveau master restauré de Talk Radio (jusqu’alors inédit en DVD dans nos contrées) proposé par Carlotta présente encore quelques points blancs et noirs, griffures ou scories diverses, qui viennent émailler l’écran tout du long. Outre quelques fourmillements constatables dès le générique, quelques séquences sombres demeurent poreuses et les noirs manquent de densité. Les scènes de flashback sont volontairement ouatées et le grain y apparaît plus appuyé. En revanche, les ambiances nocturnes sont bien rendues, la palette de bleus est riche et les contrastes sont plutôt solides. Les nombreux gros plans sur Eric Bogosian ne manquent également pas de détails et quelques scènes se déroulant dans le studio possèdent un aspect laqué et tamisé bienvenu.
En version originale comme en français, les pistes Dolby Surround 2.0 instaurent des conditions acoustiques assez efficaces. C’est sans surprise que la version anglaise l’emporte sur son homologue avec une restitution exemplaire des dialogues qui prédominent dans le film d’Oliver Stone. Si le doublage d’Eric Bogosian est réussi, on y perd évidemment toute la subtilité et la musicalité des dialogues originaux. D’autre part, le mixage anglais est beaucoup plus ardent, limpide et riche, et permet aux spectateurs de se plonger complètement dans l’émission nocturne de Barry Champlain. La version française mise certes sur les voix des comédiens mais malheureusement au détriment des ambiances annexes.