Le Grand passage (1940) : le test complet du DVD

New Hampshire, 1759. Les guerres franco-indiennes opposant britanniques et français battent leur plein. Langdon Towne et Hunk Mariner s’engagent dans les Rangers, et participent à une expédition particulièrement périlleuse qui consiste à détruire un village indien. Ils devront affronter autant les hommes que la nature pour survivre…

Si Le Grand passage est passé à la postérité, ce n’est sûrement pas en raison de son histoire douteuse mais plutôt parce-que ce film de King Vidor, le premier tourné en couleur à la MGM (procédé Technicolor trichrome), a connu un tournage chaotique (décors naturels insalubres, scénario en réécriture, dépassement de budget, Spencer Tracy en pleine dépression, problèmes logistiques en raison du poids des caméras Technicolor, fatigue générale de l’équipe) dont s’est heureusement sorti le réalisateur de La Grande parade.

Adapté du roman éponyme de l’écrivain américain Kenneth Roberts, Le Grand passage offre à Spencer Tracy un de ses rôles les plus marquants et demeure l’un des premiers blockbusters de l’histoire du cinéma. Principalement tourné dans de véritables décors naturels canadiens infestés de tiques, l’histoire du Grand passage se révèle plus passionnante derrière que devant la caméra. Certes le film est à la hauteur de ses ambitions, les scènes de bataille proprement dites sont très efficaces et en mettent plein la vue, mais le racisme ambiant de l’histoire est bien trop pathétique (l’enjeu du film est d’abattre un village indien et tous ses habitants, les survivants seront chassés de leurs terres) pour que l’on puisse adhérer pleinement à ce spectacle où l’héroïsme américain est loué de toutes parts.

Reste un souffle épique indéniable (la traversée de la rivière sauvage reste dans les mémoires), des séquences dignes d’un épisode de Survivor et un casting solide qui peinent toutefois à faire oublier la morale litigieuse de cette superproduction, surtout à l’époque où les westerns pro-indiens pointent le bout de leur nez dans le paysage cinématographique américain…

La collection Classics Confidential fait partie des plus belles disponibles sur le marché français. L’objet mariant le livre, le cinéma et le DVD est sublime, les visuels sont raffinés et très attractifs. La sérigraphie du DVD, en passant par le livre exclusif, le menu principal animé et musical, en font un véritable objet de collection.

L’éditeur joint tout d’abord le livre inédit exclusif de 80 pages écrit spécialement par l’historien du cinéma Jean Ollé-Laprune, intitulé Dans la gueule du lion. Vous y retrouverez une analyse sur le film, des notes de production, le tout étant illustré de photos et de documents d’archives rares (affiches, photos de production).

Outre une large galerie de photos constituée des clichés présents dans le livre mentionné précédemment et la bande-annonce d’époque du film, nous trouvons un précieux making of d’époque (9’), dévoilant l’envers du décor, l’immense entreprise conduite par King Vidor (6 mois de tournage, les caméras Technicolor pesant 300 kilos, la construction des décors), ainsi que des images de tournage.

Wild Side permet ensuite de découvrir un des épisodes de la série Northwest Passage, intitulé Surprise Attack (saison 1, épisode 4) et réalisé par Jacques Tourneur (25’). Dans un souci d’amortir les investissements toujours déficitaires du film de King Vidor, la MGM a donné naissance a une série télévisée de 26 épisodes de 25 minutes à la fin des années 50. Pour ce faire, les réalisateurs de cette série - marquée par un racisme aujourd’hui puant (Oh les méchants et sauvages indiens qu’il faut tuer ! Et les rares survivants ? Dehors !) - avaient souvent recours au métrage original pour les scènes en extérieur. Jacques Tourneur (qui n’a jamais conservé un bon souvenir de son expérience télévisuelle) en a réalisé huit épisodes, dont ce Surprise Attack, qui bien qu’excellemment mis en scène (malgré le manque évident d’argent), demeure franchement douteux dans le fond. Faute de succès, la série a été rapidement interrompue. Notons que dans un ultime effort financier, la MGM aura la présence d’esprit de mettre quelques épisodes mis bout à bout qui donneront lieu à trois longs métrages qui connaîtront une exploitation dans les salles. C’est le cas de Frontier Rangers avec Angie Dickinson et Mission of Danger, deux films « signés » Jacques Tourneur.

La collection Classics Confidential s’enrichit avec l’édition du Grand passage et se voit affublé d’un très beau master 1.33 restauré, faisant la part belle au Technicolor, alors à ses balbutiements. Certes les teintes ne sont pas du tout naturelles, mais la photo saumon et la colorimétrie fanée sont respectueuses des partis-pris esthétiques originaux. Les contrastes sont un peu légers, le générique est un peu tremblant, divers flous demeurent constatables mais la définition ne déçoit jamais, aucune scorie n’a échappé au lifting numérique (à part quelques points), les scènes sombres et nocturnes (aux noirs solides) sont logées à la même enseigne que les séquences diurnes, la profondeur de champ est appréciable, le grain cinéma est conservé sans lissage excessif, et le piqué demeure agréable tout du long.

L’éditeur nous propose les version anglaise et française du Grand passage. Passons rapidement sur cette dernière, propre, dynamique, au doublage soigné, qui a bénéficié d’un nettoyage aussi complet que son homologue. Même si la piste française se focalise surtout sur la restitution des voix, elle demeure fluide, sans souffle, mais plus sourde. Evidemment, notre préférence va pour la version originale, plus homogène, riche et naturelle, tout aussi propre. Le confort acoustique est largement assuré.