Sursis pour l'orchestre (1980) : le test complet du DVD

Fania Fénelon, chanteuse de cabaret, est déportée à Auschwitz. Sa formation au Conservatoire de musique de Paris lui permettra d’intégrer l’orchestre féminin dirigé par Alma Rosé, nièce de Gustav Mahler, et de rester en vie jusqu’à la libération du camp de concentration par les Britanniques en 1945.

Sursis pour l’orchestre, c’est le titre du recueil, paru en 1976, des souvenirs de Fania Fénelon, à partir desquels Arthur Miller écrit le scénario et les dialogues, en apportant à ce passionnant téléfilm un de ses majeurs.

Arthur Miller entretint une longue complicité avec le cinéma. Sa pièce de théâtre Les Sorcières de Salem (The Crucible) a été cinq fois adaptée pour l’écran. Mais ce n’est rien à côté de La Mort d’un commis voyageur, portée quinze fois à l’écran !

Des bouts d’archives bien intégrés au film et la réalisation classique de Daniel Mann s’accordent parfaitement au récit dont ils renforcent la véracité. Daniel Mann a plutôt été délaissé par le DVD. Son premier et meilleur film, Reviens petite Sheba, couronné par le Prix international du festival de Cannes de 1953, mériterait bien la distribution en France d’un DVD et d’un Blu-ray.

L’horreur des camps de concentration sert de toile de fond au regard porté par la caméra sur les relations entre quelques femmes, Fania Fénelon et Alma Rosé, bien sûr, mais aussi Mariane, une jeune femme que Fania a prise sous son aile, Maria Mandel, chef du camp et Frau Schmidt, interprétée par Viveca Lindfors. L’observation de ce microcosme soulève de nombreuses questions : est-il légitime d’apporter du plaisir aux officiers nazis ? Oui, parce qu’un artiste ne peut que donner le meilleur de lui-même. Mais, surtout, pour pouvoir tenter de faire reculer l’heure de la mort (d’où le titre anglais Playing for time) avec l’espoir de pouvoir, un jour, raconter.

C’est ce que fait Vanessa Redgrave, visage émacié (souvent filmé en gros plan, rappelant celui de Maria Falconetti dans La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Dreyer), crâne rasé, dans sa poignante incarnation de Fania Fénelon qui lui valut un Emmy award, en dépit de la polémique soulevée par son soutien public tapageur à l’OLP. Trois autres récompensèrent Arthur Miller, les producteurs et l’actrice Jane Alexander pour son interprétation d’Alma Rosé.

Bonne idée de distribuer en France ce DVD (sorti en 2010 aux USA en remplacement de l’ancienne VHS) pour faire connaître une oeuvre d’un niveau de qualité comparable à Holocauste, la mini-série tournée deux ans auparavant, avec Meryl Streep en tête d’affiche.

Une vision humaniste qui discerne l’homme dans l’habit du bourreau. Voilà qui suscitera des réflexions, comme celle de l’héroïne : « Nous sommes peut-être innocentes, mais nous avons changé : on en sait un peu plus sur la nature humaine. »

Présentation classique.

Version originale avec sous-titres français optionnels et doublage en français.

Supplément un peu maigre, mais essentiel : deux courts entretiens télévisés avec Fania Fénelon, le premier en 1976, à l’occasion de la parution de ses mémoires, le second, pendant le JT de l’A2, en 1980, au moment de la sortie du téléfilm.

L’image accuse les signes du temps, avec du bruit dans les scènes en lumière basse, quelques tâches et scintillements et des couleurs un peu passées, le rouge, notamment (peut-être, en partie, par choix esthétique). Pas gênant au point de gâter le plaisir de voir ou revoir une oeuvre assez unique. Toutefois, une meilleure résolution aurait pu être obtenue si le film de 143 minutes avait été réparti sur deux disques.

Le son mono s’en sort plutôt mieux : le format DD 2.0, avec peu de souffle, assure une bonne compréhension des dialogues de la version originale, comme du doublage français.