Réalisé par Pier Paolo Pasolini
Avec
Franco Citti, Ninetto Davoli et Jovan Jovanovic
Édité par Carlotta Films
Pier Palolo Pasolini a choisi d’illustrer dix des cent contes
composant le recueil d’histoires écrites par Giovanni
Boccaccio, en Toscane, au milieu du XIVe siècle.
Le film s’ouvre sur l’histoire de Ciapelletto le tueur, qu’on
voit jeter une de ses victimes, du haut d’une falaise, au
soleil couchant.
Puis vient Andreuccio (joué par Ninetto Davoli), séduit par
les charmes d’une belle Sicilienne qui l’attire chez elle pour
le faire tomber dans la… fosse d’aisance et lui dérober son
argent. Deux brigands croisent alors le chemin de l’infortuné
et lui demandent de les aider à piller le tombeau de
l’archevêque de Naples, enterré la veille, avec au doigt un
rubis d’une valeur inestimable. Andreuccio leur donne la
tiare, la crosse, le collier, mais garde pour lui le rubis,
prétendant ne l’avoir pas trouvé. Les deux compères referment
sur lui la dalle du sarcophage, d’où il est vite libéré par
d’autres pilleurs de sépultures, qui décampent de frayeur,
pensant avoir à faire à un revenant.
Suit l’histoire du jeune homme qui se fait passer pour un
jardinier muet afin de pénétrer dans un couvent dont il a
entendu dire qu’il renferme des nonnes d’une grande beauté et
au sang bouillant. On ne lui avait pas menti : la tâche
dépasse bien vite ses forces, au point de l’obliger à
recouvrer l’usage de la parole pour avouer son imposture.
Miracolo !
Ayant surpris le jardinier dans la couche de leur soeur, trois
frères sont résolus à venger son honneur, mais discrètement,
pour ne pas ébruiter l’infamie. Ils attirent le polisson dans
un endroit isolé où ils le tuent et l’enterrent. La nuit
suivante, son fantôme revient dans la chambre de la jeune
fille et lui révèle son mauvais sort. La jeune fille, tout
aussi discrètement, décapite le cadavre de son amant et cache
la tête dans sa chambre, à l’intérieur d’un pot où pousse du
basilic.
Tingoccio, le jouisseur impénitent (« Un péché de plus, un
péché de moins ? Refaisons-le encore ! « ), revient de l’enfer,
juste le temps de dire à son ami qu’au jugement dernier on ne
tient absolument pas compte des « péchés » commis avec… les
femmes ! Voilà un bien précieux conseil qui n’est pas tombé
dans l’oreille d’un sourd !
Les dix contes truculents, reliés les uns aux autres par
certains des personnages et aussi par le peintre Giotto
(incarné par Pasolini), occupé à la composition d’une fresque
dans la chapelle d’une abbaye, sont magnifiquement illustrés,
sur fond de chansons napolitaines et d’une composition
originale d’Ennio Morricone. La beauté des décors naturels, le
choix des costumes, l’attention portée aux cadrages font de ce
film un enchantement visuel, comme une galerie de tableaux.
Inoubliables gros plans sur des visages édentés, caricaturaux,
débordant de vitalité, tout droits sortis de l’univers de
Brueghel !
Giotto/Pasolini conclut pourtant ainsi le film : « Pourquoi
réaliser une oeuvre alors qu’il est si beau de la rêver
seulement ? »
Un grand coup de chapeau à Carlotta Films pour la superbe
présentation du digipack, illustré de photos dans un camaïeu
de tons lie-de-vin, reprises sur la sérigraphie des disques
et, avant tout, pour la qualité de la restauration !
Pas la moindre anicroche avec les menus, clairs et
esthétiques. Le découpage en 10 chapitres, avec vignettes
animées et sonorisées, permet d’accéder sans faillir au conte
de son choix. On peut, à la volée, passer de l’italien au
français, afficher ou masquer les sous-titres français.
Un magnifique hommage à Pasolini, dans une belle édition, du
niveau de celle de Salò ou les 120 jours de Sodome, due au même éditeur.
La version anglaise s’impose, sans l’ombre d’un doute. C’est
dans cette langue que le film a été tourné, y compris par les
acteurs italiens.
L’ami pasolinien : Entretien avec Ninetto Davoli
(11’33” - VOST). Cet entretien, illustré de scènes du film,
est l’élément essentiel des suppléments, un peu maigres il
faut le dire.
Ninetto Davoli, un des amis et des acteurs fétiches de
Pasolini, nous dit comment il a fait sa rencontre, en 1964, au
hasard d’une balade dans les rues de Rome, intrigué par le
rassemblement de l’équipe de tournage de « La ricotta ».
Il nous raconte, aussi, comment il a aidé Pasolini, à Naples
et dans les environs, à choisir les personnages du Decameron,
dont très peu sont des acteurs professionnels. La technique
était simple : Ninetto leur demandait son chemin, pendant que
Pasolini, à dix mètres de là, incognito, observait leurs
gestes et mimiques à travers le « cadre » de sa main.
Diaporama de photos (2’12”). Une intéressante sélection
de photos extraites du film et de photos de plateau, en noir
et blanc et en couleurs, sur fond sonore de chansons
napolitaines.
Bande-annonce d’époque en VOST (4’33”).
Restauration correcte : la propreté de la photo, un bon rendu, très stable, des couleurs, rendent hommage au soin méticuleux qu’apportait Pasolini à la composition de l’image.
Le son mono d’origine est honnête, malgré quelques saturations occasionnelles.