La Commissaire

La Commissaire (1967) : le test complet du DVD

Komissar

Réalisé par Aleksandr Askoldov
Avec Nonna Mordyukova, Rolan Bykov et Raisa Nedashkovskaya

Édité par Éditions Montparnasse

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Le 02/04/2013
Critique

Klavdia Vavilova, commissaire de l’Armée rouge pendant la guerre civile, à la tête d’une unité de cavalerie, doit, à regret, mettre pied à terre à l’approche du terme de sa grossesse. Elle s’installe dans une chambre réquisitionnée dans la maison d’une pauvre famille juive. Cette cohabitation et la naissance de son fils vont changer son regard sur la vie…

Tourné en 1967, La Commissaire est le premier film d’Aleksandr Askoldov, qui avait quitté un poste de fonctionnaire au ministère de la culture pour se lancer dans la réalisation. C’était, pour lui, un moyen de transmettre son message à la société. Ce premier film fut aussi le dernier : le réalisateur est licencié pour insuffisance professionnelle, poursuivi pour dilapidation de fonds publics, le négatif du film est brûlé.

Quelle mouche a piqué les autorités soviétiques ? Aucune version officielle n’explique l’ukase. C’est probablement la condamnation implicite par le film de la violence et de la guerre, la représentation de la mère comme pivot de la famille et celle de la famille comme fondement de la société. Et surtout l’antisémitisme ambiant, attesté par certaines déclarations publiques qui reprochaient au film une apologie de la « juiverie ».

La force du scénario, adapté par Aleksandr Askoldov d’un roman de Vassili Grossman, la qualité de la réalisation, de la composition des plans, des éclairages, la symbolique du langage cinématographique, démontrent le talent inné du réalisateur. Quel déchirement pour lui d’avoir été, après cette première expérience, condamné au silence et à l’oubli ! On enrage en pensant que des chefs d’oeuvre du septième art ont pu être ainsi étouffés dans l’oeuf !

Film pudique et sobre, où les dialogues cèdent le pas à l’image, magnifique, dès l’intrigante introduction : un jeune cavalier entre en éclaireur, inquiet, dans une petite ville déserte, marquée par les stigmates de la guerre, portes et fenêtre barricadées.

Le soin apporté au cadrage, aux éclairages et au montage, par une succession de plans larges et de gros plans montrant l’entrée dans la ville, vidée de ses habitants, fait ressentir avec force le bouleversement entraîné par l’irruption soudaine des troupes armées qu’annonce la brutale arrestation d’un déserteur.

Le thème essentiel du film, la force de l’amour maternel, est souligné par le changement progressif de l’attitude de Klavdia, d’abord visiblement contrariée par sa grossesse qui l’a obligée à déposer les armes. Les contraintes de Maria, son hôtesse, mère d’une ribambelle d’enfants, ne sont pas faites pour lui remonter le moral. Mais, peu à peu, Klavdia commence à ressentir l’importance du rôle de mère. Elle est prête à protéger le fils qu’elle vient de mettre au monde, après un douloureux accouchement.

Le film, très avare en dialogues, est parsemé de séquences symboliques pour faire passer les messages. Un canon, tiré par deux chevaux et poussé par plusieurs hommes, reste ensablé, pour illustrer les difficultés de l’accouchement. Des scènes prémonitoires de la déportation des juifs par les nazis, pour fustiger les pogromes. Une charge de chevaux sellés, mais sans cavaliers, galopant devant des croix de bois plantées en terre pour rappeler le tribut en vies payé à la guerre…

Parmi les scènes les plus impressionnantes, celles où les enfants jouent à la guerre, dans un inexorable crescendo vers la violence.

À signaler aussi la magnifique et poignante musique originale d’Alfred Schnittke, mort en 1988.

Il faudra justement cette même année pour que cette grande oeuvre, restée cachée pendant 21 ans, soit projetée au festival de Berlin où elle fut récompensée par plusieurs prix, dont le prestigieux Ours d’argent.

Présentation - 3,0 / 5

Test effectué sur un check disc.

Menu fixe, minimaliste.

Choix entre la version originale avec sous-titres français imposés et une prétendue « version française » avec traduction en voice over, par une voix d’homme, d’une partie des dialogues. Surprenant et même redoutable, notamment pour le doublage des enfants !

Bonus - 5,0 / 5

Près d’une heure et demie de suppléments, dont certains passionnants, voilà un plus appréciable ! Aucune indication n’est donnée sur la date de tournage de ces entretiens, manifestement postérieure au festival de Berlin.

Entretien avec Aleksandr Askoldov (40’). Un modèle du genre, d’une incroyable richesse. Ses parents sont arrêtés à Kiev, son père d’abord, puis sa mère, en 1937. Aleksandr, alors âgé de cinq ans, est recueilli par une famille juive, avant d’être confié à sa grand-mère. La réalisation du film eut pour lui les conséquences dramatiques déjà mentionnées. L’arrivée de la perestroïka et de la glasnost lui ont fait entrevoir la fin d’un purgatoire. Espoir déçu, le nouveau pouvoir a laissé le film enterré, un peu plus profondément cette fois, et le cinéaste a été, à nouveau, poursuivi pour dilapidation de fonds publics, malgré les lettres adressées à Eltsine et Gorbatchev. Il a fallu qu’il réussisse à se saisir d’un micro lors d’une conférence de presse au festival de Moscou en 1987 pour que son appel au secours soit entendu par des artistes étrangers, dont Vanessa Redgrave. Émouvant !

Entretien avec Rolan Bykov (30’) : l’interprète d’Efim, le chef de la famille dont Klavdia partage la vie, qui a joué dans 90 films, rend un vibrant éloge au courage inflexible d’Aleksandr Askoldov, qui a refusé tout compromis pour protéger l’intégrité de sa création et rejeté fermement toute idée de coupures que la censure a cherché à lui imposer. Il parle ensuite, images à l’appui, de ses scènes préférées. Passionnant !

Entretien avec Raisa Nedashkovskaya (4’) : l’interprète de Maria, la mère de famille raconte ses souvenirs du tournage.

Entretien avec Nonna Mordyukova (5’), titulaire du rôle-titre, célèbre actrice russe disparue en 2008, rappelle les humiliations infligées au réalisateur d’un film « youpin ».

Pour finir, les affiches du film ((5’) accompagnées de photos prises à l’occasion de festivals, un dossier de presse (3’), des photos du film (2’) et des photos de tournage (1’24”).

Tous ces suppléments sont présentés eu format 4/3 (son DD 2.0), en russe avec sous-titres français imposés. L’image est loin d’être excellente, mais le son est très correct. L’essentiel pour des entretiens.

Image - 3,5 / 5

L’admirable photo de Valeri Ginzburg a été débarrassée de toutes taches, griffures, sauts, fourmillement et scintillement. L’image reste cependant affectée par un manque de piqué, qui n’est sensible que dans les plans larges. Le contraste peut varier d’une séquence à l’autre et accuser quelques faiblesses, notamment dans les prises en contre-jour. Une restauration réussie, malgré ces quelques défauts.

Son - 4,5 / 5

Le remixage multicanal (DD 5.1 pour les deux versions) sollicite toutes les enceintes avec une spatialisation spectaculaire, plutôt convaincante, malgré quelques excès. Pas de souffle, un son dynamique, avec un spectre très large. La restauration est à la hauteur de la musique. Surprenant !

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm