Tabou (2012) : le test complet du DVD

Tabu

Réalisé par Miguel Gomes
Avec Teresa Madruga, Laura Soveral et Ana Moreira

Édité par Shellac

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Le 17/06/2013
Critique

Une vieille dame au fort tempérament, sa femme de ménage Cap-Verdienne et sa voisine dévouée à de bonnes causes partagent le même étage d’un immeuble à Lisbonne. Lorsque la première meurt, les deux autres prennent connaissance d’un épisode de son passé : une histoire d’amour et de crime dans une Afrique de film d’aventures.

Tabou est le troisième long métrage du cinéaste portugais Miguel Gomes. Ce film magnifique tourné dans un N&B flamboyant combinant les pellicules 35mm et 16mm, établit un dialogue avec le cinéma muet, les films d’aventures hollywoodiens des années 40 et les drames romanesques des fifties avec une virtuosité confondante.

Le premier film de Miguel Gomes, La Gueule que tu mérites (2004) baignait déjà dans une atmosphère de conte surnaturel tandis que son second long métrage Ce Cher mois d’août (2008) puisait dans le genre documentaire pour illustrer les amours contrariées d’une chanteuse et de son cousin. Tabou, titre emprunté au dernier film de l’immense cinéaste allemand Friedrich Wilhelm Murnau, apparaît donc comme un film somme, unissant la vision documentaire de la décolonisation portugaise en Afrique avec une romance poétique et mélodramatique.

En plus de ravir les sens et l’esprit, Tabou apparaît comme une véritable bouffée de fraîcheur. Un vent de liberté souffle sur le film, tourné à moitié en improvisation, notamment la partie africaine filmée comme au temps du muet et dénuée de dialogues. Seules des ambiances naturelles, la musique et une voix off sublime narrent les rapprochements des protagonistes, leurs querelles, leurs espoirs et désillusions. On plonge directement dans Tabou, premièrement par la force évocatrice des images puis par la puissance émotionnelle et lyrique de son histoire d’amour et de ses rebondissements en tous genres.

Il semble que Manoel de Oliveira ait enfin trouvé son digne successeur. Afin de vous laisser happer par cette oeuvre fascinante et ambitieuse, nous vous conseillons d’en savoir le moins possible sur l’histoire et les partis-pris esthétiques.

Présentation - 5,0 / 5

Auréolé d’une critique dithyrambique et d’un joli succès dans les salles, Tabou est savamment pris en charge par Shellac Sud qui livre un très bel objet pour la sortie du film de Miguel Gomes en DVD. Le disque du film et celui des suppléments sont posés dans un digipack très élégant, glissé dans un étui cartonné. Un superbe livre d’une cinquantaine de pages est également disponible. Il comprend deux entretiens avec le réalisateur Miguel Gomes ainsi que le scénario original de la partie africaine, finalement délaissé par le réalisateur afin de privilégier l’improvisation. Notons également le soin apporté à la sérigraphie des DVD. Le menu principal met un peu de temps à s’afficher (appuyez sur la touche Next) mais se révèle très beau, animé et musical.

Bonus - 3,5 / 5

L’éditeur a eu l’idée judicieuse de placer les suppléments sur une deuxième galette.

Nous commençons par deux courts-métrages de Miguel Gomes :

Le premier s’intitule Inventaire de Noël (2000, 21’). Il s’agit d’un petit film non narratif, sans récit mais avec des situations, passant d’une « péripétie » cocasse à l’autre le jour de Noël. Une famille, des adultes, des enfants, des animaux, gesticulent, crient, se disputent, dans une atmosphère délirante pleine de couleurs et de musique.

Le second court-métrage est plus inclassable. 31 (2002, 28’) est un film tourné avec une totale liberté, sans scénario, laissant libre cours à l’imagination du réalisateur. Décalé, traitant des rapports de classes et de pouvoir, tourné en DV de mauvaise facture, ce petit film étrange centré sur une histoire d’amour adolescente demeure encore plus énigmatique à la fin qu’au début. Pour vous rassurer, il en est de même pour Miguel Gomes. Au Portugal, être dans un 31 signifie avoir des ennuis.

Shellac Sud joint également une interview absolument passionnante de Miguel Gomes (15’). Longuement, posément, le cinéaste se penche (en français) sur l’esthétique de Tabou, le choix du N&B, ses références (Murnau, le cinéma hollywoodien des années 40), les conditions de tournage (improvisations pour la partie africaine) et la réception du film.

Image - 4,5 / 5

La partie lisboète de Tabou a été filmée en N&B 35mm, tandis que l’histoire d’amour africaine a bénéficié d’un tournage en N&B 16mm. La copie SD (1.37, 4/3 compatible 16/9) proposée est très impressionnante. L’image est absolument sidérante de beauté, les noirs sont denses, les blancs éclatants, la gestion des contrastes magnifique et le piqué affiche une précision hallucinante. Le codec consolide l’ensemble avec brio, le léger grain de la deuxième partie demeure flatteur. Toutes les scènes arborent un relief et une restitution des matières fort étonnants.

Son - 4,0 / 5

Seule une piste stéréo est disponible. Heureusement, ce mixage se révèle riche, harmonieux, et restitue avec la même acuité les ambiances naturelles et les silences olympiens. Les dialogues sont dynamiques, en particulier la voix du narrateur, le confort acoustique indéniable et l’apport des latérales aurait finalement été facultatif. Notons que les sous-titres français sont incrustés sur l’écran.

Crédits images : © Shellac Sud

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm