Le Mur (1983) : le test complet du DVD

Duvar

Réalisé par Yilmaz Güney
Avec Tuncel Kurtiz, Ayse Emel Mesci et Malik Berrichi

Édité par MK2

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Le 26/01/2003
Critique

Dortoir 4 du quartier des adolescents d’une prison d’Ankara, à l’entrée de l’hiver.

Un jeune détenu informe un nouvel arrivant, Saban, 14 ans, des règles du jeu et des dangers de la prison : il faut surveiller son bien en permanence, se méfier des gardiens, en particulier de Cafer, mais aussi des caïds et des autres prisonniers, enclins à la délation.

La nourriture et l’hygiène sont intolérables : jamais de viande et il faut payer l’eau froide. Pendant la journée, corvées dans le froid et dans la boue, sous la surveillance de gendarmes armés de pistolets mitrailleurs.

Les conditions de détention des adultes sont tout aussi dures, que ce soit dans le quartier des hommes, dans celui des femmes ou dans celui des politiques, où végètent depuis des années des opposants au régime et des militants kurdes. Les visites de la famille (il faut porter le même nom que le détenu pour accéder au parloir) sont limitées à 10 minutes, deux fois par mois.

La volonté est passée au laminoir ; toute tentative de réaction est aussitôt violemment réprimée par les humiliations, les coups, la torture et l’enfermement au mitard.

Le seul espoir de Saban est l’évasion ou le transfert dans une autre prison. On dit qu’à Izmir, on peut jouer au football et prendre un bain une fois, peut-être même deux fois par mois…

Ce cauchemar a été tourné dans le nord de la France, à Pont Saint Maxence, dans une aile de l’abbaye transformée en collège, avec des acteurs, figurants, et techniciens, kurdes en majorité, recrutés dans les milieux d’émigrés, en France et en Allemagne.

Le réalisateur turc d’origine kurde Yilmaz Güney, acteur réputé dans son pays (il a joué dans plus de cent films !), sait de quoi il parle, après 19 longues années passées dans les geôles turques pour délit d’opinion jusqu’à son évasion, en 1980, grâce au soutien d’amis et d’admirateurs tels quel le cinéaste Elia Kazan et le producteur Marin Karmitz, juste à temps pour recevoir la palme d’or à Cannes en 1982 pour « Yol » (La permission), tourné par Serif Gören, qui a scrupuleusement suivi les instructions détaillées que Yilmaz Güney donnait depuis la prison.

Produit par Marin Karmitz, « Le mur » sera le testament de Yilmaz Güney qui allait mourir quelques mois après la fin du tournage, emporté par un cancer, à 47 ans.

Présentation - 4,0 / 5

Le film, divisé en dix chapitres, occupe une face du disque, avec une préface de Thierry Jousse. Les suppléments, d’une durée équivalente au film (112 minutes), gravés sur la face B sont, encore une fois, d’un intérêt exceptionnel.

Les menus sont sobres, mais élégants, comme le boîtier Keep Case.

On peut passer à la volée de la version originale (avec sous- titres français non imposés) à la version doublée en français.

Bonus - 5,0 / 5

La qualité (et aussi le volume) des suppléments impose la note maximale.

Préface (3’00”) de Thierry Jousse, réalisateur, scénariste et acteur de « Nom de code Sacha », 2001.

Autour du mur (VOST, 4/3, 1 h 14) s’étend sur tout le tournage. Yilmaz Güney est sur tous les fronts et infatigable. Il explique aux jeunes acteurs comment ils doivent se tenir devant les gardiens, les bras serrés au corps, la tête légèrement baissée, sans affronter leur regard, dans une attitude de soumission.
Pour que tout soit aussi réaliste que possible, y compris les scènes où les jeunes sont roués de coups, le réalisateur se saisit d’une matraque qu’il utilise si bien qu’il doit s’excuser et promettre, la prochaine fois, de… taper moins fort !
On ne peut qu’être ému par les discours militants destinés à galvaniser les énergies éprouvées par des conditions de tournage spartiates et les exigences inflexibles du réalisateur (ce qui entraîna un conflit avec les techniciens français, manifestement pas habitués à travailler sous une telle pression). L’ambiance est devenue paroxystique au point qu’il ne se passait pas une journée sans que de sérieuses bagarres n’opposent les acteurs, tant il étaient entrés dans la peau de leur personnage.
On ne peut qu’être touché par la farouche détermination de Yilmaz Güney à finir son film, exactement comme il veut qu’il soit, et pas autrement (« S’ils ne sont pas contents, qu’ils s’en aillent ! »). Tout ça pour « servir la démocratie, mise à mal par la coup d’état militaire de 1980 ». Moment d’émotion, aussi, pendant la visite sur les lieux du tournage d’Elia Kazan.

Bouleversant, quand on sait que Yilmaz Güney vivait là les derniers moments de sa vie…

Interview de Marin Karmitz (16’59”, 4/3). L’entreprenant producteur, découvreur de talents, nous raconte sa première « rencontre » avec Yilmaz Güney, dont il vit, à l’occasion du festival de Berlin, le film « Le troupeau », également tourné, suivant les directives précises qu’il donnait depuis sa prison, par Zeki Ökten, en 1978. C’est ce jour-là qu’il décida de miser sur le réalisateur, qui allait devenir son ami, en organisant la distribution du film en France, puis en produisant « Yol », enfin, « Le mur », qu’il avoue avoir été l’une des productions qui lui a donné le plus de fil à retordre. Passionnant !

Filmographie de Yimaz Güney, qui a réussi, contre toute adversité, à réaliser plus de vingt films de 1967 à 1983.

Bande-annonce (2’00”), doublée en français.

Bandes-annonces de la collection MK2 Découvertes. Chacun des films de la collection, dont certains ont été primés à Cannes, Deauville, Venise, Sundance, figurera dignement dans votre vidéothèque. Jugez sur pièces :
- Claire Dolan
- Sunday
- Cure
- Goodbye South, Goodbye
- I am Josh Polonski’s Brother
- Made in Hong Kong
- Jeunesse dorée
- Riens du tout
- Le Souffle
- Meurtre dans un jardin anglais
- Taxi Blues

Image - 4,0 / 5

Les couleurs sont délibérément froides.

Quelques petits défauts : un léger fourmillement et un petit phénomène d’écho, aisément discernable à 1 h 30 (vol d’oiseaux sous un ciel nuageux). Rien de bien gênant : l’image est très correcte.

Son - 4,0 / 5

Le son, mono d’origine, est suffisamment clair. Le timbre des voix de la version originale kurde est légèrement plus métallique que celui de la version doublée en français.

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Panasonic 36PG50F 16/9 82 cm
  • Philips 957
  • Panasonic 36PG50F
  • Enceintes frontales Energy XL-16B, arrières Sony SS-SR15, Caisson de graves Pioneer S-W150-S