Réalisé par Yilmaz Güney
Avec
Tuncel Kurtiz, Ayse Emel Mesci et Malik Berrichi
Édité par MK2
Dortoir 4 du quartier des adolescents d’une prison d’Ankara, à
l’entrée de l’hiver.
Un jeune détenu informe un nouvel arrivant, Saban, 14 ans, des
règles du jeu et des dangers de la prison : il faut surveiller
son bien en permanence, se méfier des gardiens, en particulier
de Cafer, mais aussi des caïds et des autres prisonniers,
enclins à la délation.
La nourriture et l’hygiène sont intolérables : jamais de
viande et il faut payer l’eau froide. Pendant la journée,
corvées dans le froid et dans la boue, sous la surveillance de
gendarmes armés de pistolets mitrailleurs.
Les conditions de détention des adultes sont tout aussi dures,
que ce soit dans le quartier des hommes, dans celui des femmes
ou dans celui des politiques, où végètent depuis des années
des opposants au régime et des militants kurdes. Les visites
de la famille (il faut porter le même nom que le détenu pour
accéder au parloir) sont limitées à 10 minutes, deux fois par
mois.
La volonté est passée au laminoir ; toute tentative de
réaction est aussitôt violemment réprimée par les
humiliations, les coups, la torture et l’enfermement au
mitard.
Le seul espoir de Saban est l’évasion ou le transfert dans une
autre prison. On dit qu’à Izmir, on peut jouer au football et
prendre un bain une fois, peut-être même deux fois par mois…
Ce cauchemar a été tourné dans le nord de la France, à Pont
Saint Maxence, dans une aile de l’abbaye transformée en
collège, avec des acteurs, figurants, et techniciens, kurdes
en majorité, recrutés dans les milieux d’émigrés, en France et
en Allemagne.
Le réalisateur turc d’origine kurde Yilmaz Güney, acteur
réputé dans son pays (il a joué dans plus de cent films !),
sait de quoi il parle, après 19 longues années passées dans
les geôles turques pour délit d’opinion jusqu’à son évasion,
en 1980, grâce au soutien d’amis et d’admirateurs tels quel le
cinéaste Elia Kazan et le producteur Marin Karmitz, juste à
temps pour recevoir la palme d’or à Cannes en 1982 pour « Yol »
(La permission), tourné par Serif Gören, qui a scrupuleusement
suivi les instructions détaillées que Yilmaz Güney donnait
depuis la prison.
Produit par Marin Karmitz, « Le mur » sera le testament de
Yilmaz Güney qui allait mourir quelques mois après la fin du
tournage, emporté par un cancer, à 47 ans.
Le film, divisé en dix chapitres, occupe une face du disque,
avec une préface de Thierry Jousse. Les suppléments, d’une
durée équivalente au film (112 minutes), gravés sur la face B
sont, encore une fois, d’un intérêt exceptionnel.
Les menus sont sobres, mais élégants, comme le boîtier
Keep Case.
On peut passer à la volée de la version originale (avec sous-
titres français non imposés) à la version doublée en français.
La qualité (et aussi le volume) des suppléments impose la note
maximale.
Préface (3’00”) de Thierry Jousse, réalisateur,
scénariste et acteur de « Nom de code Sacha », 2001.
Autour du mur (VOST, 4/3, 1 h 14) s’étend sur tout le
tournage. Yilmaz Güney est sur tous les fronts et infatigable.
Il explique aux jeunes acteurs comment ils doivent se tenir
devant les gardiens, les bras serrés au corps, la tête
légèrement baissée, sans affronter leur regard, dans une
attitude de soumission.
Pour que tout soit aussi réaliste que possible, y compris les
scènes où les jeunes sont roués de coups, le réalisateur se
saisit d’une matraque qu’il utilise si bien qu’il doit
s’excuser et promettre, la prochaine fois, de… taper moins
fort !
On ne peut qu’être ému par les discours militants destinés à
galvaniser les énergies éprouvées par des conditions de
tournage spartiates et les exigences inflexibles du
réalisateur (ce qui entraîna un conflit avec les techniciens
français, manifestement pas habitués à travailler sous une
telle pression). L’ambiance est devenue paroxystique au point
qu’il ne se passait pas une journée sans que de sérieuses
bagarres n’opposent les acteurs, tant il étaient entrés dans
la peau de leur personnage.
On ne peut qu’être touché par la farouche détermination de
Yilmaz Güney à finir son film, exactement comme il veut qu’il
soit, et pas autrement (« S’ils ne sont pas contents, qu’ils
s’en aillent ! »). Tout ça pour « servir la démocratie, mise à
mal par la coup d’état militaire de 1980 ». Moment d’émotion,
aussi, pendant la visite sur les lieux du tournage d’Elia
Kazan.
Bouleversant, quand on sait que Yilmaz Güney vivait là les
derniers moments de sa vie…
Interview de Marin Karmitz (16’59”, 4/3).
L’entreprenant producteur, découvreur de talents, nous raconte
sa première « rencontre » avec Yilmaz Güney, dont il vit, à
l’occasion du festival de Berlin, le film « Le troupeau »,
également tourné, suivant les directives précises qu’il
donnait depuis sa prison, par Zeki Ökten, en 1978. C’est ce
jour-là qu’il décida de miser sur le réalisateur, qui allait
devenir son ami, en organisant la distribution du film en
France, puis en produisant « Yol », enfin, « Le mur », qu’il avoue
avoir été l’une des productions qui lui a donné le plus de fil
à retordre. Passionnant !
Filmographie de Yimaz Güney, qui a réussi, contre toute
adversité, à réaliser plus de vingt films de 1967 à 1983.
Bande-annonce (2’00”), doublée en français.
Bandes-annonces de la collection MK2 Découvertes.
Chacun des films de la collection, dont certains ont été
primés à Cannes, Deauville, Venise, Sundance, figurera
dignement dans votre vidéothèque. Jugez sur pièces :
- Claire Dolan
- Sunday
- Cure
- Goodbye South, Goodbye
- I am Josh Polonski’s Brother
- Made in Hong Kong
- Jeunesse dorée
- Riens du tout
- Le Souffle
- Meurtre dans un jardin anglais
- Taxi Blues
Les couleurs sont délibérément froides.
Quelques petits défauts : un léger fourmillement et un petit
phénomène d’écho, aisément discernable à 1 h 30 (vol d’oiseaux
sous un ciel nuageux). Rien de bien gênant : l’image est très
correcte.
Le son, mono d’origine, est suffisamment clair. Le timbre des voix de la version originale kurde est légèrement plus métallique que celui de la version doublée en français.