Hannah Arendt (2012) : le test complet du DVD

Réalisé par Margarethe von Trotta
Avec Barbara Sukowa, Axel Milberg et Janet McTeer

Édité par Blaq Out

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Le 30/10/2013
Critique

1961. La philosophe juive allemande Hannah Arendt est envoyée à Jérusalem par le New Yorker pour couvrir le procès d’Adolf Eichmann, responsable de la déportation de millions de juifs. Les articles qu’elle publie et sa théorie de « La banalité du mal » déclenchent une controverse sans précédent. Son obstination et l’exigence de sa pensée se heurtent à l’incompréhension de ses proches et provoquent son isolement.

Philosophe indépendante, ou plutôt professeur de théorie politique comme elle aimait se qualifier, Hannah Arendt (1906-1975) a été l’élève et l’amante de Martin Heidegger. Juive allemande, elle fuit l’Allemagne pour la France au début des années 1930, puis émigre à New York suite à l’avancée de la Wehrmacht. Aux Etats-Unis, naturalisée citoyenne en 1951, elle devient très célèbre grâce à ses travaux sur le sionisme, la révolution et le totalitarisme (Les Origines du totalitarisme, publié en 1951) pendant sa carrière universitaire où elle officie en tant que conférencière et professeur de sciences-politiques. Mais Hannah Arendt reste avant tout mondialement connue pour sa théorie sur « la banalité du mal » mise en relief dans son rapport publié dans le magazine New Yorker, suite au procès du criminel de guerre nazi Adolf Eichmann en 1961.

Le film de Margarethe Von Trotta, sobrement intitulé Hannah Arendt, n’est pas un biopic proprement dit, mais l’évocation d’un épisode clé de la vie de cette femme incroyable, celui de l’écriture de son rapport et de la publication de son livre Eichmann à Jérusalem.

La réalisatrice se penche sur les controverses et polémiques - le fait que la philosophe « excuserait » Eichmann d’avoir exterminé des juifs, ou que certains conseils juifs auraient participé à l’extermination des leurs - qui ont accompagné cette réflexion pendant quatre ans, surtout au sein de la communauté hébraïque et même chez les proches et amis de Hannah Arendt. « Chercher à comprendre ne signifie pas pardonner » dit d’ailleurs le personnage principal dans le film, en restant fermement sur ses positions. Du point de vue historique, Hannah Arendt est une oeuvre passionnante, intelligente et même indispensable, surtout quand la cinéaste parvient à restituer le cheminement de la pensée de son exceptionnelle protagoniste, tout en veillant à ce que le sujet, bien traité, didactique, mais jamais pesant, demeure clair et compréhensible pour le spectateur.

Du point de vue cinéma ça coince un peu plus. La mise en scène de Margarethe Von Trotta n’est guère inspirée et a parfois du mal à se dépêtrer d’un carcan académique certain, y compris durant l’usage de flashbacks montrant la relation du personnage principal avec Martin Heidegger. Les petits interludes montrant l’osmose entre Hannah Arendt et son mari Heinrich Blücher, intégrés afin de dévoiler la femme derrière la philosophe, altèrent souvent la tension principale du film, celle basée sur la réflexion du personnage.

Heureusement, le scénario de Hannah Arendt est habilement écrit, les dialogues percutants, la photo élégante, Barbara Sukowa, l’inoubliable Lola de Rainer Werner Fassbinder et ex-égérie du Nouveau Cinéma Allemand, signe une prestation ébouriffante et se met littéralement dans la peau de la philosophe. L’accent anglais à couper au couteau, la clope constamment au bec, le regard passant ses interlocuteurs aux rayons X, la comédienne est la raison d’être de ce film.

Présentation - 4,5 / 5

Blaq Out prend soin du service après-vente d’Hannah Arendt et livre un très bel objet qui se présente sous la forme d’un digipack dépliant contenant les deux disques, glissé dans un surétui cartonné. A l’instar de l’édition double DVD de Louise Wimmer éditée en 2012, Blaq Out propose une de ses plus belles sorties à ce jour. La sérigraphie des disques est élégante. Un des volets comprend une note d’intention de la réalisatrice Margarethe Von Trotta. Les menus principaux sont fixes et musicaux.

Bonus - 4,0 / 5

Le premier DVD ne renferme qu’un lot de bandes-annonces. En revanche, la deuxième galette propose plus de deux heures de suppléments !

Le second disque renferme tout d’abord une émission exceptionnelle de 1975 proposée par le Service de la Recherche de l’ORTF, pour la série « Un certain regard » (51’). Il s’agit d’un entretien d’Hannah Arendt par Roger Errera. Cette rencontre incroyable se déroule dans les bureaux new-yorkais de la philosophe, qui, la cigarette toujours allumée, aborde plusieurs sujets dans un anglais guttural, notamment la notion de citoyenneté aux Etats-Unis, l’assassinat de JFK, l’affaire du Watergate, la Constitution américaine, le système républicain, le droit des minorités, l’intrusion de la criminalité dans la vie politique, le totalitarisme.

Nous trouvons ensuite une interview-fleuve en français de la cinéaste Margarethe Von Trotta (30’) qui évoque la genèse du film, l’évolution du scénario, la difficulté pour trouver les financements, le casting, la préparation de la comédienne Barbara Sukowa et les partis pris (sur quels événements se concentrer ?) de son long métrage qu’elle considère comme la conclusion d’une trilogie consacrée à l’histoire juive-allemande, composée de Rosa Luxemburg (1986) et Rosenstrasse (2003).

L’éditeur joint également trois entretiens autour du film et de son personnage principal. Le premier (Des occasion manquées, 17’) est un entretien d’Alain Finkielkraut, écrivain, philosophe et essayiste, réalisé par Martin Legros, rédacteur en chef de Philosophie Magazine, le second (La banalité du mal au présent, 18’) donne la parole à la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury, par Alexandre Lacroix, directeur de la rédaction de Philosophie Magazine, et le dernier (La banalité du mal en pratique, 11’) est une interview de Rony Brauman, médecin et ancien président de Médecins sans frontières, menée par Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef adjoint de Philosophie Magazine. Ces trois modules, denses, didactiques, parfois trop d’ailleurs, donnent une interprétation personnelle des travaux d’Hannah Arendt, Alain Finkielkraut n’hésitant pas à critiquer le livre Eichmann à Jérusalem, déclarant que cette oeuvre est philosophiquement peu sûre et historiquement très contestable. Nos interlocuteurs avancent quelques théories et développent leurs arguments avec un vocabulaire parfois irritant, ce qui pourra paraître prétentieux pour les non-initiés.

Image - 4,0 / 5

Blaq Out nous propose un très beau master d’Hannah Arendt. Respectant les volontés artistiques de la réalisatrice et de sa directrice de la photographie Caroline Champetier (Holy Motors, Des hommes et des dieux), la copie affiche une colorimétrie soignée, des contrastes de belle tenue, un grain cinéma palpable et un piqué plutôt ferme, mais qui reste sensiblement émoussé sur les séquences sombres. L’image est propre, sans fioritures, les gros plans impressionnent par leur précision (voir le visage de Barbara Sukowa) et la clarté est de mise. Le voyage à Jérusalem impressionne par sa belle luminosité et ses teintes chatoyantes.

Son - 4,0 / 5

Quatre choix possibles, une écoute frontale riche et dynamique en Stéréo française ou version multilingue (allemand et anglais), ou alors une spatialisation concrète et un plus grand confort acoustique en Dolby Digital 5.1. Dans tous les cas, l’écoute demeure ardente, fait une large place aux dialogues tout en mettant à l’avant la musique du film. Les effets latéraux et ambiances naturelles pointent habilement le bout de leur nez, le caisson de basses intervient aux moments opportuns. Evitez tout de même la version française qui dénature complètement le jeu de Barbara Sukowa et qui irrite avec son très mauvais doublage !

Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles. Enfin, notons que le changement de langue pendant le visionnage nécessite le retour au menu principal.

Crédits images : © Blaq Out

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm
Note du disque
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Franck Brissard
Le 18 octobre 2013
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