Jean Epstein - Coffret 14 Films : le test complet du DVD

DVD + Livre

Réalisé par Jean Epstein
Avec Sandra Milovanoff, Maurice Schutz et Jeanne Helbling

Édité par Potemkine Films

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Le 10/02/2015
Critique

Jean Epstein est mort il y a 60 ans, en avril 1953. Poète, cinéaste, philosophe, il laisse un héritage cinématographique original, inclassable. Alors que certains voient en lui l’un des maîtres du cinéma français, le legs de Jean Epstein au septième art est largement méconnu. Pour une simple raison : l’indisponibilité de ses films en vidéo.

Sauf erreur, on ne trouvait jusque-là dans nos bacs que deux films : Coeur fidèle et Finis terrae. Il fallait aller fureter hors de nos frontières pour dénicher La Chute de la Maison Usher.

Le magnifique coffret édité par Potemkine Films change brusquement la donne en nous proposant une collection de 14 films, sauvegardés et restaurés, pour la plupart d’entre eux, par la Cinémathèque Française.

Sans un premier digibook de trois DVD, intitulé « Jean Epstein chez Albatros », on découvre trois des films produits par Albatros, des aventures exotiques avec Le Lion des Mogols (102’), un mélodrame bourgeois avec Le Double amour (105’) et une équipée picaresque avec Les Aventures de Robert Macaire (201’).

Un second volume, intitulé « La première vague », contient quatre des films produits par la société créée par le réalisateur, les Films Jean Epstein : Mauprat (89’), l’histoire d’un brigand repenti adaptée d’un roman de George Sand, suivi de deux mélodrames contemporains, La Glace à trois faces (38’), l’histoire, tirée d’une nouvelle de Paul Morand : aimé de trois femmes, un homme aimé de trois femmes voue une passion fatale à sa Bugatti, et Six et demi onze (le format d’un appareil photo, 83’) sur la passion éprouvée par un célèbre chirurgien pour une chanteuse. Le dernier film présenté dans ce volet est le plus connu de ceux réalisés par Jean Epstein, sur un scénario inspiré d’Edgar Allan Poe : La Chute de la Maison Usher (61’), avec les décors fantastiques de Pierre Kefer.

Le troisième volume, sous le titre « Poèmes bretons » regroupe, sur deux disques, sept films réalisés sur les îles bretonnes de Sein, Ouessant, Belle Île et Hoëdic, documentaires-fictions tournés en lumière naturelle avec des acteurs non professionnels, probablement les meilleurs révélateurs du talent si singulier de Jean Epstein.

En visionnant ces films pour la première fois, on découvre avec émerveillement la quintessence unique du cinéma d’Epstein. Tout d’abord, le choix d’intrigues très simples. Ensuite, la grande attention portée à la photo par l’organisation des cadres et leur éclairage particulièrement étudié dans les films tournés en studio. Puis le placement de la caméra pour des plongées ou contre-plongées, insolites pour l’époque ou, encore, pour d’insistants très gros plans sur les visages (celui de Soizic, dans L’Or des mers, restera gravé dans la mémoire du spectateur).

De nombreuses surimpressions (j’ai compté jusqu’à quatre superpositions d’images dans un même plan de La Glace à trois faces) donnent un aspect surréaliste aux oeuvres.

Enfin, et surtout, un découpage avant-gardiste qui surprend là où on ne l’attend pas, avec des plans très courts et l’utilisation fréquente du ralenti, tous procédés qui déstructurent le temps en apportant aux oeuvres mystère et poésie.

Ce coffret assure une large diffusion d’oeuvres méconnues, voire inconnues, qui apparaissent comme d’essentiels jalons de notre patrimoine cinématographique.

Avec L’Intégrale Tati, Jean Epstein - 14 films est un des plus importants coffrets récents. Comme le fut, l’année précédente, la remarquable Intégrale Éric Rohmer élaborée par le même éditeur, Potemkine Films, et saluée en février 2014 par le Prix du meilleur coffret décerné par le Syndicat Français de la Critique de Cinéma.

Présentation - 5,0 / 5

Le solide coffret cartonné, orné d’une photo d’une sculpture en bas-relief de Gabriel Patlagean, dit Spat, magnifiant la chevelure d’Epstein, renferme trois digibooks et un livre de 160 pages.

Ce livre contient un court mais vibrant hommage au cinéaste par Jean Rouch, un aperçu panoramique de la vie et de l’oeuvre de Jean Epstein, le synopsis, l’analyse et la fiche technique des 14 films présentés, une généreuse iconographie, le facsimile de manuscrits, etc.

Les menus, animés et musicaux, dans le style art déco et à la couleur de chaque digibook, jaune, bordeaux et bleu, proposent des sous-titres anglais.

Trois films, La Chute de la Maison Usher, La Glace à trois faces et Six et demi onze, proposent le choix entre deux accompagnements très différents.

Bonus - 5,0 / 5

Pour chaque film, une anonyme mais intelligente présentation d’environ deux minutes est disponible. Un carton donne, en exergue, des informations sur le support choisi et la restauration.

Les suppléments vidéo sont répartis sur plusieurs disques. Sur le DVD 1, un décryptage de l’affiche du Lion des Mogols (7’). Sur le DVD 2, Revenir à Epstein (10’) un entretien avec Éric Thouvenel, maître de conférences à Rennes (7’) qui donne un clair aperçu de la carrière du cinéaste. Sur le DVD 4, Corps et désir chez Epstein par Christophe Wall-Romana (7’) traite de la représentation du corps et des visages dans le cinéma d’Epstein. Vient ensuite une fin alternative (3’) de Six et demi onze. Sur le DVD 6, Météorologie (7’), un entretien avec Viva Paci, professeur de Théories du cinéma à l’Université de Québec à Montréal, explore la relation au vent, à l’état de la mer, importante dans les Poèmes bretons.

Sur le DVD 7 : une excellente idée d’avoir invité Bruno Dumont qui n’a découvert que tout récemment le cinéma de Jean Epstein avec lequel le sien a tant de points communs. Ce qui nous vaut un entretien de 30 minutes, passionné et passionnant, sur la force du cinéma muet, sur le pouvoir évocateur de la nature qui dépasse celui du langage. Il nous dit son admiration, notamment avec L’Or des mers, pour la maîtrise d’Epstein dans le découpage de ses films, son recours aux ellipses, son utilisation du ralenti…

Sur le même DVD, dans un excellent entretien sur la restauration sonore, Léon Rousseau (13’) insiste sur la prudence qui doit entourer la restauration du son, la réduction du souffle risquant de dénaturer le son original, sur les difficultés engendrées par l’évolution des performances des appareils de reproduction : le spectre très étroit de ceux du début du parlant incitait à pousser au mixage le volume des aigus à des niveaux qui sont trop élevés pour les équipements d’aujourd’hui. La restauration des dialogues est toutefois moins hasardeuse, la voix humaine pouvant servir d’étalon.

Sur le DVD 8, Jean Epstein, Young Oceans of Cinema, un film de 68 minutes réalisé par James June Schneider en 2011, brosse un portrait détaillé du cinéaste avec extraits de films, des photographies, des articles, des entretiens avec Jean Rouch, avec Marie Epstein, la soeur de Jean…

Image - 4,0 / 5

La qualité de l’image peut varier d’un film à l’autre. Certains films ont été restaurés. D’autre pas, mais si soigneusement sauvegardés par la Cinémathèque Française, tel Mauprat, qu’on oublie vite la rayure verticale en bordure gauche du cadre et quelques taches blanches.

Si, inévitablement, quelques imperfections rappellent l’âge des films, on ne peut que saluer la qualité d’ensemble de l’image, exempte de tout défaut de compression, et admirer la surprenante netteté de celle de Finis terrae, par exemple.

Son - 4,0 / 5

L’accompagnement sonore des films muets, souvent enregistré en 2013, au format Dolby Digital 2.0, est propre, sans souffle.

Le souffle et les bruits parasites sont nécessairement plus présents dans les films parlants, par exemple dans Les Berceaux, l’illustration d’un poème de Sully Prud’homme mis en musique par Gabriel Fauré. Une curiosité avec ce film : le format 1,20:1, celui des tous premiers films parlants, quand l’image devait céder un peu de son espace à la piste sonore optique.

Crédits images : © Potemkine Films

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 10 février 2015
Cette magnifique collection éditée par Potemkine Films, à laquelle le Syndicat Français de la Critique de Cinéma a décerné le Prix du meilleur coffret, change brusquement la donne en nous proposant une collection de 14 films de Jean Epstein, sauvegardés et restaurés, pour la plupart d’entre eux par la Cinémathèque Française. Il assure une large diffusion d’œuvres méconnues, voire inconnues, qui apparaissent comme d’essentiels jalons de notre patrimoine cinématographique.

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