Réalisé par Sergey Loban
Avec
Piotr Mamonov, Aleksei Podolsky et Vera Strokova
Édité par Damned Films
Les parents de Vera lui ont confisqué son modem : elle passait trop de temps sur l’Internet. Qu’à cela ne tienne, elle boucle son sac à dos pour rencontrer Aleksei, alias « Cyberstranger », avec lequel elle entretient une relation suivie, par ordinateur interposé. Il est réticent à se découvrir, mais finit par accepter de partir avec Vera en Crimée, sur les bords de la Mer Noire.
Shapito Show est le deuxième long métrage de Sergey Loban, après Pyl (titre international : Dust), une sorte de comédie dramatique fantastique mâtinée de science-fiction réalisée en 2005, montrée dans quelques festivals, mais sortie en salles uniquement en Russie.
Tourné en 2011, montré dans les salles françaises en juillet 2014, Shapito Show est spécial à plus d’un titre, notamment pour sa durée inhabituelle : 211 minutes !
Mais surtout pour son contenu. Divisé en quatre chapitres - l’amour, l’amitié, le respect, l’association -, le scénario labyrinthique nous fait côtoyer une dizaine de personnages insolites, chacun cherchant celui ou celle qui répondra à sa soif d’amour, d’amitié, etc. On comprend vite que tout n’est pas gagné dès la première rencontre entre Vera, belle, délicate, débordant de joie de vivre et rêvant à un futur enchanteur (elle espère encore ressembler un jour à une princesse), et Cyberstranger, au physique plus qu’ingrat et au caractère lugubre : il ne sait que ronchonner et n’a aucune envie.
Les unions se font et se défont, les espoirs naissent et meurent au hasard d’incidents fortuits. Et les personnages se retrouvent, les uns après les autres (en rêve ou en réalité ?) sur la scène dressée sous un chapiteau de cirque aux éclairages psychédéliques, pour entonner une chanson ringarde et esquisser une chorégraphie ridicule. Une des pantomimes réunit Marilyn Monroe dans la fameuse robe blanche de Sept ans de réflexion et, sur la musique de Strauss accompagnant l’ouverture de 2001, l’odyssée de l’espace, un ours dans un scaphandre de cosmonaute qui tombera sous les banderilles d’un torero en habit de lumière !
Une station balnéaire miteuse avec des habitations à touche-touche de 2 mètres sur 3, un gigantesque immeuble dont la construction s’est arrêtée pour toujours, une plate-forme offshore rongée par la rouille sont quelques-uns des décors dans lesquels s’entrecroisent une petite troupe de « pionniers », un groupe de sourds, un rocker sans public, un apprenti producteur qui s’interroge sur son orientation sexuelle, un vagabond avec un petit singe sur l’épaule, parmi d’autres.
Loufoque, surréaliste, Shapito Show jette aussi un regard critique, pas vraiment optimiste, sur la Russie contemporaine, au travers de personnages disparates qui ont en commun d’éprouver un mal de vivre pouvant chercher son exutoire dans des cuites sévères, des affrontements violents ou des gestes suicidaires.
Déroutant parfois, Shapito Show ne pourra pas laisser insensible le spectateur ouvert à l’exploration d’un cinéma différent.
Le DVD-9 est proposé dans un fin digipack obéissant à la ligne graphique de Damned Distribution. Dans la page blanche intérieure, une phrase manuscrite avec les excuses faites par Sergey Loban au spectateur de prendre trois ou quatre heures de son temps. Sur le disque blanc, le titre en lettres noires.
Un menu élégant, fixe et muet, propose le film dans sa seule version originale avec sous-titres français optionnels.
En supplément, Sosi banan (ou Suce la banane, 2002) un court métrage (11’, 1.33:1, couleurs) de Sergey Loban : la fête de fin d’année entre collègues de travail, avec guirlandes, chapeaux de papier, masques, faux nez, tout l’attirail, est sérieusement perturbée par un père Noël intenable.
Un peu court pour un film hors du commun. On aurait apprécié un entretien avec le réalisateur ou une analyse du film.
L’image (1.85:1), propre, lumineuse, est assez bien définie, avec des couleurs vives. L’étalonnage varie de temps à autre, certaines séquences étant un peu surexposées.
Le son Dolby Digital stéréo, presque exempt de souffle, restitue clairement les dialogues et sert la musique qui tient une place importante dans le film.
Crédits images : © Damned Distribution