Réalisé par Laurence Thrush
Avec
Kenta Negishi, Masako Innami et Kento Oguri
Édité par ED Distribution
Hiroshi, un adolescent de la banlieue tokyoïte, compte les pas sur le chemin de son domicile au collège… 1208, 1209, 1210 : arrivé à la porte du collège, il rebrousse chemin. De retour chez lui, il commence à se couper des autres, à parler de moins en moins et finira par s’enfermer dans sa chambre, refusant d’en sortir ou de laisser quelqu’un y entrer.
De l’autre côté de la porte est le premier long métrage du cinéaste britannique Laurence Thrush, connu jusque-là pour ses films publicitaires. Réalisé en 2009, le film n’a été projeté en France que le 11 mars 2015.
Le film se penche sur le syndrome du hikikomori qui toucherait 300 à 600.000 adolescents ou jeunes adultes au Japon, en majorité des garçons. Sans qu’on puisse identifier clairement les causes de cette pathologie, le jeune se replie sur lui-même allant, dans les cas extrêmes, jusqu’à s’enfermer pendant plusieurs années dans sa chambre en refusant toute communication avec l’extérieur.
Le film se range dans la catégorie documentaire-fiction en ne donnant qu’une vision extérieure du trouble d’Hiroshi : une fois cloîtré, on ne le verra plus, sauf pendant un court moment, de dos et de profil, vers la fin du film. La musique minimaliste, jamais intrusive, souvent ponctuée par un déclic rythmique faisant penser à celui d’un disque rayé, vient en parfait contrepoint des images.
Tout pathos est ainsi évité, l’attention étant concentré sur les parents d’Hiroshi. Le profond malaise entraîné par la maladie est communiqué avec une grande économie de dialogues. La présence d’Hiroshi est régulièrement rappelée par un plan en contre-plongée de l’escalier vide qui mène à sa chambre. On ressent pourtant fortement l’impact de la maladie sur la famille, principalement sur la mère : semblant osciller entre déni et culpabilité, elle mettra plus de deux ans à solliciter une aide.
L’utilisation du noir et blanc et, surtout, le recours à des acteurs non professionnels renforcent encore l’aspect documentaire du film De l’autre côté de la porte. De même la deuxième partie, plus didactique, consacrée à l’approche thérapeutique du syndrome par un psychologue qui, patiemment, tente d’approcher Hiroshi, d’être autorisé à passer… de l’autre côté de la porte.
Le film s’arrête là. On ne saura pas les résultats de cette approche. L’incertitude ne sera pas miraculeusement dissipée, comme dans la vraie vie.
Ce film passionnant s’ajoute au catalogue de l’éditeur ED Distribution, dont nous avons récemment testé un autre titre, In the Family.
Le DVD-9, illustré d’une photo d’Hiroshi resté seul dans la salle de classe, la tête sur les coudes, est proposé dans un digipack (non fourni pour le test). Le menu animé et musical propose le film dans sa seule version originale avec sous-titres français optionnels, dans deux formats audio : Dolby Digital 5.1 et 2.0.
Un supplément idéal au film : un entretien de 50 minutes avec Maïa Fansten (sociologue) et Cristina Figueiredo (anthropologue), maîtres de conférence à l’Université Paris Descartes, qui ont participé à une étude pluridisciplinaire du syndrome et cosigné un ouvrage intitulé Hikokimori, ces adolescents en retrait, publié chez Armand Colin. Elles parlent, avec clarté, des incertitudes sur les causes d’un mal catalogué au début des années 90, touchant surtout les garçons, de l’ampleur qu’il a pris, pas seulement au Japon, des approches thérapeutiques, par la psychiatrie en Occident, par des socio-psychologues au Japon, des conséquences sur la cellule familiale. Elles évoquent aussi les questions sociétales : le retrait ne serait-il pas dû au fait que les sociétés modernes n’ouvrent-pas suffisamment de perspectives d’avenir ? Au lieu de systématiquement tenter de refaire rentrer ces jeunes dans le cadre social, ne faudrait-il pas les accepter tels qu’ils sont ?… Passionnant !
En plus, la bande-annonce du film et de trois autres titres : In the Family, Winnipeg mon amour et Pursuit of Loneliness, le second film de Laurence Thrush.
L’image (1.85:1) en noir et blanc est douce (un peu trop dans quelques scènes sombres où elle perd de sa netteté). Quelques légers fourmillements sur les aplats clairs, pas vraiment gênants. Ces menues imperfections ne sont-elles pas délibérées pour souligner la dimension documentaire du film ?
Le son, clair et propre dans les deux formats, donne ampleur et dynamique à l’accompagnement musical et restitue naturellement les dialogues, occasionnellement un peu étouffés. La version Dolby Digital 5.1 ouvre l’image sonore dans les rares scènes en extérieur.
Crédits images : © ED Distribution