Werner Herzog - Vol. 3 : 1984-1999

Werner Herzog - Vol. 3 : 1984-1999 (1984) : le test complet du DVD

Édition limitée version restaurée

Réalisé par Werner Herzog
Avec Klaus Kinski, Reinhold Messner et Hans Kammerlander

Édité par Potemkine Films

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Le 19/04/2016
Critique

Ennemis intimes

1984-2000 : Werner Herzog s’exile. Inde, Koweït, Nicaragua, Laos, Sahel… Il sera bientôt le seul cinéaste à avoir filmé sur les cinq continents. Durant ces années nomades, il tourne essentiellement des documentaires, des aventures étranges et exotiques par lesquelles il semble vouloir oublier l’Allemagne. Pourtant, les horreurs qu’il rencontre, les destins qu’il raconte n’ont de cesse de le ramener à l’histoire de son pays, quand ce n’est pas à la sienne, comme dans Ennemis intimes, merveilleux hommage à Klaus Kinski. C’est dans la force de ce double mouvement d’exil et de retour - de retour dans l’exil - que continue de s’inventer et de se réinventer une des plus grandes oeuvres du cinéma moderne.

Après les deux premiers volumes édités dans de magnifiques coffrets chez Potemkine en association avec Agnès b., en décembre 2014 et en mai 2015, voici la troisième partie de l’oeuvre de Werner Herzog, le plus grand cinéaste allemand actuel. Folie, marginalité, destruction, exploit ou encore mégalomanie, tels sont les thématiques qui parcourent sa filmographie. Cinéaste hors du commun, il traverse les genres, transcende les modes, et ne cesse de brouiller les pistes. Du documentaire expérimental au blockbuster hollywoodien, chacun de ses films est une expérience intense. De la forêt amazonienne aux volcans en éruption, des sommets de l’Himalaya aux profondeurs des abysses, ses tournages sont de véritables aventures.

À l’image d’un Francis Ford Coppola sur le tournage d’[PROGRAM(apocalypse_now_redux)], Werner Herzog pousse ses troupes jusqu’à la rupture. Mettre sa vie en jeu est pour le cinéaste la règle, un devoir même. Il capte ainsi les plus authentiques images du monde. Ses récits sont des contes sur l’homme et son appétit de conquête, sur sa vanité aussi. Ce nouveau coffret réunit dix oeuvres du cinéaste réalisées entre 1984 et 1999, dont vous pouvez lire ci-après les critiques. Méconnus, ces fictions et documentaires demeurent évidemment indispensables. Ils nous préparent aussi et surtout à (re)découvrir prochainement le quatrième volume, actuellement en préparation chez Potemkine, pour ainsi maîtriser la filmographie de Werner Herzog dans sa quasi-intégralité et suite chronologique.

Le Pays où rêvent les fourmis vertes (1984) :

Dans le nord de l’Australie, les Aborigènes Wororas et Ritajingus vénèrent depuis 40000 ans le lieu sacré où rêvent les fourmis vertes. Lorsqu’une compagnie d’exploitation minière s’installe sur leurs terres, une délégation des deux communautés essaye d’entraver la progression du chantier. Ils arrivent avec la complicité de Lance Hackett, un ingénieur employé par la compagnie, à obtenir de la part de la justice australienne la tenue d’un procès. Une révolte du monde des rêves contre une civilisation cupide qui s’approprie tout et ne comprend rien.

Réalisé entre Fitzcarraldo et Cobra Verde, la même année que La Ballade du petit soldat et Gasherbrum - La montagne lumineuse, Le Pays où rêvent les fourmis vertes est un manifeste humaniste, dans lequel il défend la cause et les droits des Aborigènes d’Australie. Inspirée du véritable procès de ces autochtones confrontés à une société d’exploitation minière anglaise qui voulait s’emparer de leur territoire sacré et ancestral, cette oeuvre fictionnelle est capturée par un Werner Herzog excédé par la décision du juge qui a rejeté leur plainte «  juridiquement  ». Le cinéaste porte à l’écran leur combat et rend hommage à leur force, leur détermination et leur beauté, face au rouleau compresseur industriel sans scrupules.

Tourné quasi-intégralement en extérieurs, dans les paysages magnifiques et lunaires des Breakaways Reserve, Le Pays où rêvent les fourmis vertes montre la beauté du monde, toujours menacée par l’homme, lequel est aussi capable de le sauver. Deux conceptions se heurtent alors : sur le terrain où les Aborigènes revendiquent pacifiquement cette terre sacrée et lors d’un procès reconstitué pour l’occasion. Cette scène est d’ailleurs atypique dans le cinéma d’Herzog puisqu’elle enferme ses personnages hors de leur territoire se confrontant à la barrière de la langue. Dans une parfaite maîtrise, il fait ainsi affronter le mystique et le rationnel. Les Aborigènes, derniers représentants d’un monde disparu, font face aux colons blancs désireux d’exploiter ce nouvel Eldorado pour l’uranium. Le cinéaste en profite pour inventer quelques us et coutumes. Les premiers doivent alors faire de la place aux seconds, faute de titre foncier, et sont contraints d’accepter que leur terre soit violée, saccagée et éventrée par ces intrus. Magistralement photographié et mis en musique par Popol Vuh, Le Pays où rêvent les fourmis vertes est un film engagé. S’il se révèle sans doute plus didactique dans le cinéma de Herzog, il n’en demeure pas moins hypnotique, et crée une sorte de rêve éveillé, bercé par la mélodie du didgeridoo.

Le pays où rêvent les fourmis vertes

La Ballade du Petit Soldat (1984) :

Nicaragua 1979, le Front Sandiniste de Libération Nationale renverse le gouvernement de Somoza. Le parti lance une importante réforme agraire et soutient une politique d’expropriation des grands propriétaires terriens. En 1984, le FSNL remporte les élections nationales, mais le président Reagan ne reconnaît pas ce gouvernement. Les contras - des guérilleros anti-sandinistes - reçoivent alors un soutien militaire des Etats-Unis et c’est dans leur camp d’entraînement qu’Herzog vient filmer la façon dont des enfants sont endoctrinés et transformés en soldats.

La Ballade du Petit Soldat est un documentaire qui fait froid dans le dos. Avec l’aide du journaliste Denis Reichle, Werner Herzog se rend au Nicaragua en février 1984, afin de filmer les conditions de vie et de lutte des enfants-soldats de la guérilla miskito, préparés au combat dès l’âge de neuf ans et engagés comme de véritables mercenaires. La séquence d’ouverture se focalise sur l’un de ces enfants, qui écoute de la musique et entonne une chanson d’amour. Contraste étonnant puisqu’il tient une mitraillette plus grande que lui, le sourire triste. La mythique voix de Werner Herzog décrit en off le contexte politique et pose un regard halluciné sur tous ces enfants-soldats, dont certains, entre 9 et 11 ans, ont vu leur famille massacrée devant leurs yeux. Ils expliquent face caméra la raison pour laquelle ils ont «  souhaité  » s’engager. On ressent alors la colère du cinéaste derrière la caméra, notamment lorsqu’il filme plusieurs réfugiés indiens Miskitos et des gamins en train de s’entraîner sur un champ de tir à balles réelles, essayant un lance-grenades au risque de perdre un membre, et la vie. Il s’évertue à retrouver une infime étincelle d’innocence dans ce cauchemar. Car comme le formule l’un de leurs instructeurs : «  leur raison n’est pas encore gâtée, elle est encore saine et c’est donc un terrain fertile à l’instruction. Idéal pour un lavage de cerveau  ». Nous assistons alors à la disparition programmée de cette civilisation où des jeunes pousses serviront de chair à canon pour une cause qui n’est pas la leur. Ironiquement, La Ballade du petit soldat se clôt sur une autre chanson d’amour, comme s’il fallait évoquer ce sentiment, verbalement, pour ne pas l’oublier.

La ballade du petit soldat

Gasherbrum, la montagne lumineuse (1984) :

En juin 1984, les alpinistes Reinhold Messner et Hans Kammerlander, entreprennent l’ascension d’une seule traite, de deux sommets de l’Himalaya culminant à plus de 8000 mètres, sans camp fixe, sans radio ni oxygène. Messner a déjà gravi ces deux sommets, mais les enchaîner ainsi, sans retour au camp de base, serait un exploit inédit.

À l’instar de La Grande extase du sculpteur sur bois Steiner et La Soufrière, le documentaire Gasherbrum - La montagne lumineuse a pour sujet et décor principal la montagne, l’une des passions du cinéaste. L’altitude et l’élévation sont des thématiques récurrentes chez Herzog. En 1984, il accompagne les deux alpinistes de légende qui ont marqué cette discipline : Reinhold Messner (rencontré après le tournage de Fitzcarraldo) et Hans Kammerlander. Le premier a vaincu les 14 sommets du monde de plus de 8000 mètres, et le second une douzaine. Herzog se place ici en troisième homme encourant dès lors les mêmes risques que les deux alpinistes. Il les suit dans leur pari complètement fou d’atteindre les deux sommets de l’Himalaya. Comme il n’aura de cesse de le faire dans sa prolifique et prodigieuse carrière, Werner Herzog s’empare de sa caméra et livre un portrait croisé - ou plutôt portrait-miroir - d’un être humain qui repousse les limites de sa condition physique et spirituelle. Ce moyen métrage exceptionnel met en valeur un homme à la fois fascinant, valeureux, passionnant, égocentrique, mystique, sensible, agaçant et drôle. La synthèse de l’être humain qui va donc s’opposer à Dame Nature pour aller au-delà des qualificatifs, au détriment de sa propre existence.

Après une marche de 150 kilomètres en compagnie des sherpas, les hommes se retrouvent dans une petite toile de tente plantée à plus de 5000 mètres d’altitude. Reinhold Messner se confie progressivement devant la caméra de Werner Herzog, avouant ses secrets (la perte d’un frère) jusqu’à s’écrouler en pleurs. Pour des raisons techniques, le réalisateur ne peut les suivre jusqu’au sommet et les attend à 6500 mètres. L’ascension finale n’appartient qu’à Reinhold Messner et Hans Kammerlander, parvenus malgré tout à capturer des images avec une petite caméra. Mais l’essentiel est ailleurs, car Werner Herzog possédait déjà ce qu’il était venu chercher : un témoignage, une révélation, une béatitude, une sublimation.

Gasherbrum

Cobra Verde (1987) :

Après avoir perdu tout son bétail à cause de la sécheresse, Francisco Manoel da Silva quitte le Sertao brésilien, devient hors-la-loi et se fait appeler Cobra Verde. Devenu l’intendant d’un planteur ce dernier l’envoie au Dahomey pour ramener un convoi d’esclaves, en réalité pour se débarrasser de lui. En effet le souverain local extermine impitoyablement tous les Blancs qui s’aventurent sur ses terres…

Cobra Verde est la dernière collaboration entre Werner Herzog et Klaus Kinski. Réalisé entre Le Pays où rêvent les fourmis vertes et Wodaabe, les bergers du soleil, cette production germano-ghanéenne marque le début d’une longue traversée du désert pour le cinéaste. Cobra Verde relate la gloire et la décadence d’un bandit brésilien mandaté au début du XIXe siècle pour devenir le dernier trafiquant d’esclaves au Dahomey. Un rôle en or pour Klaus Kinski. Après Aguirre, la colère de Dieu (1972), Nosferatu - fantôme de la nuit (1979), Woyzeck (1979) et Fitzcarraldo (1982), les deux hommes se retrouvent donc pour un ultime film, marqué par un épuisement physique du comédien, qui n’entache en rien son charisme magnétique. D’après le livre de Bruce Chatwin Le Vice-roi d’Ouidah, sur une musique de Popol Vuh et une photographie intense de Viktor Ruzicka, Cobra Verde nous embarque pour une odyssée, un voyage sensoriel et inoubliable sur les côtes africaines, dans lequel la fureur de Kinski contraste avec le sourire extraordinaire des Ghanéens (plus de 30 000 figurants) lors des chants traditionnels.

Si l’acteur allemand paraît constamment essoufflé, et parfois même à côté de la plaque, cela sert son personnage qui perd ses idéaux et ses rêves de grandeur et d’immortalité. Herzog se focalise totalement sur lui, ne rate rien de ses excès de folie et de son visage qui se décompose face caméra, jusqu’à la célèbre scène finale où Cobra Verde tente de s’enfuir en tirant son embarcation vers les flots, si près et pourtant trop loin. Herzog reste probablement le seul cinéaste à avoir su canaliser et «  profiter  » des crises de démence de Klaus Kinski. Il ne l’a jamais «  lâché  ». Il a su ainsi alimenter les personnages mégalomanes - pour ne pas dire illuminés - dont il voulait peindre le portrait et l’échec. À l’instar des derniers efforts vains de son personnage Cobra Verde, Klaus Kinski a trop lourd à porter à force d’avoir joué avec le feu et de s’être consumé trop vite. Il décède quatre ans plus tard en novembre 1991 à l’âge de 65 ans. Werner Herzog a avoué plus tard que leur relation avait atteint le point de non-retour sur ce tournage. Il avait décidé de ne pas aider le comédien pour Paganini, que ce dernier a finalement réalisé lui-même. Un tournage qui l’avait encore plus épuisé. Cobra Verde est l’oeuvre testamentaire de Herzog et Kinski, sublime dernière partition en commun, qui ravit les sens tout en faisant chavirer le coeur à jamais.

Cobra Verde

Wodaabe, les bergers du soleil (1989) :

Dans le sud du Sahara vivent les Wodaabe, une tribu nomade qui voue un véritable culte à la beauté. Après quatre années d’une terrible sécheresse, la population Wodaabe a été quasiment décimée et les quelques survivants tentent de survivre aux frontières des villes.

Après Cobra Verde, Werner Herzog reste sur le continent Africain. Il se rend dans le Sud Sahara pour réaliser Wodaabe, les bergers du soleil, documentaire qui s’intéresse au sous-groupe du peuple Peul, les Wodaabe, également désignés sous le nom de Bororos. Ces éleveurs nomades et marchands, présents au Niger, au Nigeria, au Cameroun, au Tchad et dans les régions de la République centrafricaine, sont réputés pour leur beauté. S’ils se considèrent d’ailleurs comme étant les hommes les plus beaux du monde, ils célèbrent cette beauté au cours de la cérémonie de la Geerewol durant laquelle les femmes jettent leur dévolu sur l’homme de leur choix, représentant de leur clan familial. Elles passeront avec eux une nuit… ou bien le reste de leur vie. On suit ainsi leur rituel : ils se maquillent eux-mêmes, confectionnent leur tenue, arborent des bijoux artisanaux et paradent devant les plus belles femmes de la tribu. Werner Herzog, dont les commentaires en voix-off illustrent les rites, assiste à cette grande fête de la pluie qui dure six jours et six nuits. Une petite semaine de folie portée à son paroxysme puisque elle met fin à quatre ans de sécheresse. Parallèlement, il place sa caméra dans quelques bidonvilles, proches de la plus grande mine d’uranium de la République du Niger. Certains Wodaabe s’y sont installés, au milieu d’immondices, contrastant radicalement avec le «  culte de la beauté  » si cher à leur tribu. En maître, Herzog parvient ici à faire subsister la beauté dans la fange.

Wodaabe

Jag Mandir (1991) :

Un inventaire de la culture indienne moderne, à travers l’interview d’André Heller, activiste autrichien, manager culturel, auteur, acteur et chansonnier, et l’analyse de son projet, Jag Mandir, théâtre privé excentrique du Maharaja d’Udaipur en Inde.

Au creux de la vague, Werner Herzog accepte une commande proposée par André Heller, artiste dit actionniste, manager culturel, auteur, acteur et chansonnier autrichien, qui présente d’ailleurs le projet à l’ouverture. Il s’agit de réaliser au Jag Mandir, devant le Maharana, la captation de près de 2000 artistes (sur 10.000 pré-sélectionnés pendant près de deux ans) célébrant la culture indienne, au sein du palais construit sur une île du lac Pichola au sud de la ville d’Udaipur dans l’état indien du Rajasthan.

Réalisé en 1991, Jag Mandir (Jag Mandir: Das excentrische Privattheater des Maharadscha von Udaipur) est une «  récréation  » pour Werner Herzog. Il n’a eu en effet qu’à poser ses caméras, observer cet «  inventaire  » culturel de l’Inde, et les défilés sur scène où se succèdent les magiciens, les danseurs, les musiciens, les contorsionnistes et les bateleurs. Le tout commenté parfois en voix-off. Si Herzog ne peut échapper au côté carte postale avec cet étalage de couleurs, de costumes traditionnels, de parfums, de musiques et de danses, l’ensemble fonctionne avec une petite pointe d’ironie qui lui est toujours propre.

Jag Mandir

Echos d’un sombre empire (1990) :

À travers l’histoire et les souvenirs du journaliste Michael Goldsmith, accusé d’espionnage, incarcéré dans les prisons de Bokassa 1er puis remis en liberté après avoir été victime de violences physiques, Werner Herzog enquête sur la dictature de Jean-Bedel Bokassa en République Centrafricaine.

Après Cobra Verde, Werner Herzog reste ici dans la thématique africaine et réalise Echos d’un sombre empire (1990), documentaire centré sur l’histoire fascinante de Michael Goldsmith. Ce journaliste britannique parcourt les quatre coins de l’Afrique depuis 1945, et couvre les principaux conflits et crises. Il se spécialise également dans l’observation de la nouvelle indépendance des anciens pays coloniaux. En 1977, il devient alors correspondant spécial en République centrafricaine et couvre le sacre de Jean-Bédel Bokassa, autoproclamé empereur. Ce dernier accuse ensuite Goldsmith d’être un espion. Il est arrêté, longuement torturé, puis relâché. Deux portraits se dessinent et s’entrecroisent dans Echos d’un sombre empire : celui de Michael Goldsmith et de l’empereur déchu Bokassa à travers son règne, ses années de gloire, sa déchéance, son accession au pouvoir par un coup d’État en 1966 jusqu’à son retour en Centrafrique en 1986. À travers des entretiens avec les membres de la famille de Bokassa et sa dernière épouse Augustine Assemat, illustrés par des images d’archives saisissantes (le sacre), ce film-documentaire souvent éprouvant trouve son point d’ancrage dans la filmographie de Herzog. Car les thématiques sont marquées ici par l’évocation de mégalomanes parmi lesquels Fitzcarraldo, Aguirre, Cobra Verde. Des rêves de grandeur, des échecs. 

Alors président de la République centrafricaine après le renversement de son propre cousin David Dacko lors du coup d’État de la Saint-Sylvestre, Bokassa s’autoproclame président à vie en mars 1972 avant de se promouvoir maréchal en mai 1974 et se couronner empereur Bokassa Ier (1976-1979). Werner Herzog filme Michael Goldsmith de retour sur les lieux de cette histoire, revivant la violence, les tortures, les exécutions sommaires de ce régime. Les accointances de Bokassa avec la France, qui soutenait alors le régime de l’empereur en dépit du renforcement de son emprise dictatoriale, ne sont pas dissimulées. Herzog passe tout en revue grâce au témoignage de Michael Goldsmith : Bokassa le père de famille, l’anthropophage (appelé l’Ogre de Berengo), les procès, les accusations de cannibalisme rejetées, son exil français dans son château d’Hardricourt, ses 17 femmes et 54 enfants reconnus. Werner Herzog plonge le spectateur dans la folie sanguinaire d’un monstre-humain. Le plus cauchemardesque dans ce récit, à l’instar d’autres oeuvres de Werner Herzog, c’est que la folie d’un homme peut changer, transformer et renverser le monde selon ses désirs.

Leçons de Ténèbres (1992) :

Werner Herzog pleure ici une destruction, un crime contre la Terre et l’Humanité : la mise à feu de 732 puits de pétrole par les forces irakiennes qui se retirent du Koweït…

Le cinéaste est abasourdi par les images des puits de pétrole enflammés par les forces irakiennes au moment de leur retrait du Kowëit. Très vite, il décide de se rendre sur place, armé d’une caméra 16mm et loue un hélicoptère afin de survoler cet enfer. Leçons de ténèbres est l’un de ses films-documentaires les plus ahurissants puisqu’il nous plonge dans de véritables brasiers, un pandémonium terrien et des paysages post-apocalyptiques qui s’étendent à perte de vue. Rien n’est truqué, ce n’est pas du cinéma. Comme s’il venait de débarquer sur une planète inconnue, Herzog survole ce panorama dévasté, en ruine, noyé sous la fumée, tandis que s’activent une poignée d’êtres humains dépêchés pour éteindre tous ces foyers.

Leçons de ténèbres a été hué par les spectateurs lors de sa présentation hors compétition au Festival de Berlin. Véritablement bousculé, insulté et méprisé de toutes parts, Herzog connaît le pire moment de sa carrière. Accusé d’esthétiser le malheur en soulignant ses longs travellings par de la musique classique très emphatique (Mahler, Prokofieff, Schubert, Verdi, Wagner), à l’instar d’[PROGRAM(apocalypse_now_redux)] avec La Chevauchée des Walkyries, le réalisateur voit son message compris de travers. Les images ramenées sont certes «  sublimes  », mais il a voulu fustiger «  la dédramatisation de l’horreur à l’oeuvre dans les médias télévisés  ». La petite lucarne réduit la fin du monde à un quasi fait divers subliminal. En filmant les lacs de pétrole en feu, Herzog met l’homme face à lui-même. Quelques entretiens avec les victimes de la guerre parsèment le film. La musique ne fait que refléter le caractère presque «  innocent  » de ces actes. L’homme détruit tout, y compris lui-même, et ne laisse derrière lui que des cendres et le chaos. Totalement incompris à sa sortie, il est temps de réhabiliter aujourd’hui ce puissant chef-d’oeuvre humaniste, engagé et tragique.

Leçons de ténèbres

Les Cloches des profondeurs (1993) :

En Sibérie, Werner Herzog interroge la foi et les croyances du peuple russe. Il explore les divers rites et superstitions encore en vigueur dans ces contrées isolées, à travers plusieurs figures charismatiques.

Dans Les Cloches des profondeurs - Foi et superstition en Russie, le cinéaste pose ses bagages au Nord de la Sibérie. Sa mission ? Aller à la rencontre de quelques habitants portés par la foi. Il se focalise surtout sur la région au Nord de la rivière Yenisei et écoute ces hommes et ces femmes lui faire part de leurs croyances religieuses. Rites orthodoxes, chamanisme, paganisme, sorcellerie, exorcisme, fantômes et cités englouties se côtoient au cours de ce voyage dans le mystère de la foi. Un thème qui n’a eu de cesse de questionner Werner Herzog tout au long de sa carrière comme dans Fric et Foi et Le Sermon de Huie. Ce surprenant et passionnant documentaire nous plonge dans une contrée reculée. L’ambiance est atypique grâce à l’usage de chants traditionnels (dits diphoniques), rappelant parfois How Much Wood Would a Woodchuck Chuck. Le langage a toujours passionné Herzog.

Sans moquerie ni jugement, Herzog admire ces témoins, transcendés par la religion. Ils parviennent à s’élever de leur condition terrestre et de fait, de leur mortalité, s’en remettant à certains guérisseurs, maîtres de cérémonies, envoyés de Dieu pour répandre la bonne parole. Herzog scinde son récit en plusieurs parties. Chaque chapitre (hormis deux) porte un titre bien spécifique comme Le Rédempteur et Eau consacrée. Outre l’évocation du chamanisme chez les nomades sibériens, l’intérêt du cinéaste est la légende liée à la cité perdue et engloutie de Kitej. Menacée par les invasions mongoles, elle aurait été recouverte par les eaux. Certains pèlerins rampent à plat ventre sur le lac gelé ou trottent autour à quatre pattes, persuadés de pouvoir entendre encore les cloches et apercevoir cette Cité.

Leçons de ténèbres

Petit Dieter doit voler (1997) :

Un survivant de la guerre du Viêt Nam raconte comment, précisément, objectivement, il a survécu. A travers la jungle, il subit la mousson, les glissements de terrain, la boue, les sangsues, mais rien y fait : la nécessité de survivre est trop forte. Entre le récit d’un personnage et la reconstitution opérée par le cinéaste, ce film nous propose un point de vue unique sur une évasion spectaculaire.

«  Je savais que la Mort ne me voulait pas…  ». En 1997, Werner Herzog se penche sur le destin hors du commun de Dieter Dengler (1938-2001), aviateur américain originaire d’Allemagne, engagé comme pilote à la Navy au début de la guerre du Viêtnam. En 1966, abattu au-dessus du Laos, il se sort indemne de sa carlingue mais se voit capturer par le Pathet Lao, une organisation politique et paramilitaire laotienne. Il est ensuite remis aux soldats de l’armée du Nord-Vietnam, emprisonné et torturé avec six autres militaires pendant plus de six mois. Il parvient alors à s’évader avec le reste des prisonniers, et est retrouvé seul vivant après 23 jours de cavale dans la jungle laotienne. Il reste le premier aviateur américain à s’être échappé de sa captivité durant cette guerre. Werner Herzog rencontre cet homme dans sa maison aux baies vitrées ouvertes sur le monde. Ce dernier ouvre et ferme d’ailleurs la porte plusieurs fois afin de prouver qu’il est bien libre de le faire. Les placards sont remplis de nourriture et les sols renferment quelques réserves, des centaines de kilos de riz et de farine, des litres d’eau et de miel. Un réflexe depuis son sauvetage. Cela l’aide à mieux dormir.

Herzog se rend alors sur la terre natale de Dieter Dengler, quelque part dans la Forêt Noire. Face caméra, ce rescapé raconte son enfance, son désir de voler depuis sa jeunesse, son départ à l’âge de 18 ans pour les Etats-Unis pour devenir pilote puisque l’Allemagne n’avait plus d’aviation après la Seconde Guerre mondiale. S’élever et voler font toujours partie des thèmes récurrents chez Herzog. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait reconnu en Dengler un véritable alter ego. Herzog et Dengler arrivent sur les lieux du crash, puis de l’ancien camp de prisonniers. Ils refont ensemble le chemin parcouru après l’évasion, jusqu’au point de sauvetage. Des images d’archives montrent Dengler tout sourire (et ayant repris du poids) lors de sa conférence de presse. Elles ponctuent la «  reconstitution  » des faits avec le protagoniste qui réinterprète des moments forts de sa captivité, aidé par les habitants de la région qui incarnent les ravisseurs. Les traumatismes sont toujours présents et les plaies ne se sont pas refermées. L’un des passages les plus émouvants s’avère les retrouvailles entre Dengler et l’homme qui lui a sauvé la vie, le colonel Eugene Deatrick.

L’épilogue évoque la mort de Dieter Dengler le 7 février 2001. Quelques images montrent les honneurs rendus par l’armée américaine lors de ses funérailles au cimetière national d’Arlington, où sa tombe est survolée par l’Armée de l’air. Ce documentaire ne joue jamais la carte de la surenchère car tout repose sur les faits évoqués par le protagoniste, qui n’hésite pas à replonger dans ses cauchemars. Un récit extraordinaire qui a littéralement marqué Werner Herzog. Au point de l’avoir adapté dix ans plus tard au cinéma dans Rescue Dawn avec Christian Bale dans le rôle principal.

Petit Dieter doit voler

Ennemis intimes (1999) :

Werner Herzog a treize ans lorsque, par le plus grand des hasards, il se retrouve à Munich pendant quelques mois dans le même appartement que Klaus Kinski. Il se rend compte de la folie de Kinski lorsque celui-ci saccage l’appartement et sait donc à quoi s’en tenir lorsque, quelques années plus tard, il l’engage pour Aguirre, la colère de Dieu. Ennemis intimes retrace la relation passionnelle d’amour et de haine entre un réalisateur et son acteur fétiche.

Après une longue traversée du désert de plus de dix ans, Werner Herzog effectue un premier retour avec Ennemis intimes (le second est Grizzly Man en 2005). À travers ce documentaire très personnel, le réalisateur se penche sur ses cinq collaborations avec son acteur fétiche Klaus Kinski. Aguirre, la colère de Dieu, Nosferatu - fantôme de la nuit, Woyzeck, Fitzcarraldo et Cobra Verde ont non seulement marqué la carrière des deux hommes mais aussi la mémoire des cinéphiles. Ainsi, Ennemis intimes se révèle un passionnant, si ce n’est un indispensable, documentaire pour les fans de Werner Herzog. Il prend en effet ici la parole face caméra et relate ses relations tumultueuses avec son acteur fétiche dans ses crises de folie, où se mêlent les peurs et les angoisses de l’homme. Alimenté par des interviews (Claudia Cardinale, Eva Mattes), des photos et des images d’archives (making of de Fitzcarraldo, Burden of Dreams), Ennemis intimes montre un Klaus Kinski tyrannique face à l’équipe hallucinée. Face à ces situations, Werner Herzog parvient sans mal à canaliser toute cette colère : il l’écoute, le dirige et l’appelle d’un simple «  Klaus, viens ici que je te montre la mise en place  ». Voir le comédien arrêter ses hurlements pour obéir au réalisateur qui a su utiliser cette folie douloureuse, reste tout bonnement fascinant.

Huit ans après la mort de Klaus Kinski, Werner Herzog met les choses à plat, calmement, pour tenter de comprendre la personnalité ambiguë de son ennemi intime dément, torturé, sensible. Il revient ainsi sur certains lieux de tournage, en partageant des anecdotes, parfois amusantes, souvent difficiles. Werner Herzog ne s’en cache pas, Klaus Kinski lui manque terriblement et son cinéma s’en est toujours ressenti après sa mort. Les images des deux hommes en train d’échanger, tout sourire et indéniablement complices, contrastent brutalement avec la violence et les excès d’humeur de Kinski. Précisons en outre que jamais l’acteur ne s’en prend au réalisateur lui-même, bien trop peureux de ses réactions. Entre amour et haine, complicité et humiliations, ce documentaire introspectif, personnel et complexe se clôt sur une séquence surréaliste, calme et chaleureuse de Klaus Kinski s’amusant avec un papillon, comme si Herzog avait voulu filmer son acteur tel qu’il était vraiment pour une dernière fois…

Ennemis intimes

Les Ailes de l’Espoir (2000) :

En 1971, un avion explose avec 92 passagers à bord et disparaît dans la jungle péruvienne sans laisser de traces. Les recherches sont interrompues au bout de dix jours. 48 heures plus tard, Juliane Koepcke, une jeune fille de 17 ans, réapparaît. Werner Herzog, qui devait prendre ce même vol, ce jour-là, rencontre cette seule survivante et, ensemble, ils retracent les circonstances du drame et refont le trajet de la jeune fille à travers la jungle.

Dans la même veine que Petit Dieter doit voler, Werner Herzog réalise le documentaire Les Ailes de l’espoir (Julianes Sturz in den Dschungel). Si le cinéaste s’était trouvé un alter ego en la personne de Dieter Dengler, il voit en sa compatriote Juliane Koepcke, une témoin-clé de la mort sur l’explosion de l’avion qui aurait pu l’emporter avec tous les autres passagers en cette veille de Noël 1971. À l’instar du Petit Dieter doit voler, il rencontre cette rescapée et retrace avec elle son périple, tout en reconstituant les étapes de son voyage pour Lima jusqu’à l’endroit du crash, où elle a repris connaissance, malgré une chute de 3000 mètres. Elle fut la seule survivante au milieu de la jungle péruvienne.

Cet extraordinaire documentaire conçu pour la télévision nous replonge dans la vie de cette miraculée. Sur un ton presque léger, didactique, jamais pesant, elle retrouve le cinéaste au pied d’un monument érigé à la mémoire des victimes de l’accident aérien, le « Wings of Hope » qu’elle découvre pour la première fois. Plus de 60 passagers y sont enterrés. En raison de plusieurs vols annulés, certains passagers ont été tirés au sort pour ceux maintenus au sol. Herzog aurait pu se trouver dans l’avion, qui a explosé quelques heures plus tard. Accompagnée de son époux, Juliane Koepcke raconte en détail cet instant tragique : la force avec laquelle son fauteuil a été éjecté hors de l’avion et le trou noir avant de revenir à elle, sur la terre ferme, toujours sanglée à son siège, avec seulement la clavicule cassée et une plaie à la jambe. Elle retrouve trente ans après l’un de ses sauveurs, tandis que Werner Herzog observe, fasciné, la dignité et la modestie de son « héroïne » qui parvient à prendre un recul incroyable sur cet événement qui a changé sa vie.

Les ailes de l'espoir

Présentation - 5,0 / 5

Les tests ont malheureusement été réalisés sur des check-discs… nous ne sommes donc pas en mesure d’indiquer comment se présente ce coffret, qui paraît néanmoins superbe. Les menus principaux des disques sont animés et musicaux.

Bonus - 4,0 / 5

Ce coffret contient un livret de 150 pages rédigé par Emmanuel Burdeau et illustré de photos inédites. Tous les films et documentaires sont présentés par les historiens du cinéma, Olivier Bitoun et Hervé Aubron. Entre deux et cinq minutes, nos interlocuteurs replacent ces oeuvres dans la carrière de Werner Herzog en revenant sur les thèmes abordés et les conditions de tournage :

Discussion avec Werner Herzog à la Cinémathèque Française (23’), autour de La Soufrière et de Gasherbrum - La montagne lumineuse, animée par Serge Toubiana, regorge d’anecdotes liées au tournage et les conditions des prises de vues.

Dans l’Entretien Werner Herzog (57′), le cinéaste, invité à la faculté de Strasbourg, donne une leçon de cinéma en allemand le 14 novembre 2014. Il évoque quelques-uns de ses films et commente une séquence de L’Enigme de Kaspar Hauser. Il se penche également sur son prochain film Queen of the Desert avec Nicole Kidman, James Franco et Robert Pattinson.

Une autre interview avec Werner Herzog en 2008 (11′) est proposée, durant laquelle il s’attarde sur le tournage de Cobra Verde, la collaboration avec les milliers de femmes africaines, les difficultés rencontrées sur le plateau et la folie de Klaus Kinski.

Nous retrouvons également l’alpiniste Reinhold Messner (16’), qui partage trente ans plus tard ses souvenirs liés à la captation de son exploit dans Gasherbrum - La montagne lumineuse et évoque son partenaire de grimpette Hans Kammerlander ainsi que l’évolution de l’alpinisme.

Dans l’entretien avec Dominique Juhé-Beaulaton (15′), l’historienne au centre d’études des mondes Africains nous fait la présentation du vrai Cobra Verde et indique les différences avec le film de Werner Herzog.

Dans celui avec Jean-Pierre Bat (19′), cet historien de l’Afrique, chercheur affilié au CNRS et auteur du Syndrome Foccart (Gallimard, 2012) évoque le règne de Bokassa, les partis pris du documentaire et les liens entre Bokassa et la France.

Werner Herzog et Popol Vuh, entretien avec Eric Deshayes (20′) : spécialiste de la scène expérimentale et alternative des années soixante-dix et auteur du livre Au-delà du rock, Eric Deshayes nous présente le Krautrock, littéralement rock-choucroute, un courant de musique électronique, planante et expérimentale, apparu en Allemagne avec des groupes emblématiques comme Tangerine Dream et Popol Vuh. Ce dernier a collaboré avec Werner Herzog sur 5 films de 1972 à 1987, d’Aguirre, la colère de Dieu à Cobra Verde.

Nous trouvons également un entretien avec Pierre-Henri Deleau (3′). Le fondateur de la Quinzaine des Réalisateurs revient rapidement sur la collaboration Herzog/Kinski. Un petit plus, mais qui n’apporte pas grand-chose par rapport tout ce qui a été vu et entendu.

Cobra Verde

Image - 4,5 / 5

Proposés dans leur format respecté, les masters sont clairs, propres (une restauration de haut niveau), la définition est supérieure à celle des films disponibles sur le premier coffret, le piqué plus aiguisé, la stabilité indéniable et les contrastes mieux gérés. Point de film en noir et blanc dans ce coffret. La colorimétrie respecte les partis pris esthétiques originaux, le grain est appréciable et la restauration offre aux spectateurs de très bonnes, voire d’excellentes, conditions de visionnage. Quelques légers flous sporadiques font leur apparition (imputables aux conditions de tournage), des séquences peuvent paraître plus altérées et moins nettes sur divers titres, mais ces menus accrocs demeurent anecdotiques compte tenu de la clarté, des noirs concis, des blancs scintillants et éthérés. Si certains fourmillements sont constatables sur les arrière-plans ainsi que divers moirages et voiles granuleux, (re)découvrir tous ces joyaux dans de telles conditions techniques - la propreté des copies est sidérante - reste fort appréciable.

Son - 4,0 / 5

Idem pour le son. Si le rendu acoustique est souvent inhérent aux diverses conditions de tournage, dans l’ensemble le confort est largement assuré. Les voix sont solidement délivrées, les effets annexes sont clairs et riches, la musique exsudée avec force. Certains éléments de ces pistes Mono d’origine sont couverts, chuintants et parfois grinçants, rien de bien gênant néanmoins. Cobra Verde est disponible en version originale et en français. Dans les deux cas, le souffle est limité, la piste française étant aussi dynamique que son homologue anglais. En revanche, mauvais point pour les sous-titres français de Wodaabe, les bergers du soleil, incrustés sur des rectangles noirs peu élégants.

Ennemis intimes

Crédits images : © Sidonis Calysta

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm