La Fille de Dracula (1936) : le test complet du DVD

Sur les bords de la Tamise, deux policiers découvrent un cadavre. Un bruit guide leurs pas vers un cercueil dans lequel gît un homme, un pieu fiché dans le coeur. Là, le professeur Van Helsing confesse avoir ainsi tué le comte Dracula. Peu après, la comtesse Zaleska fait disparaître le cadavre du comte et demande au docteur Garth, un psychiatre réputé, de l’aider à se débarrasser d’une obsession…

La Fille de Dracula est, en 1936, l’oeuvre de Lambert Hillyer, réalisateur prolifique : on lui doit 160 films, dont une quarantaine au temps du muet, et des épisodes de plusieurs séries, le tout presque exclusivement dans le genre western.

I am Dracula’s daughter

La Fille de Dracula est donc une exception dans sa carrière et, également, une exception dans le domaine des films de vampires. Ce genre très macho, mais ici le vampire en tête d’affiche est une femme. Carmilla, le personnage créé par Sheridan Le Fanu, n’a inspiré que peu de réalisateurs, dont Roger Vadim pour Et mourir de plaisir qui attend patiemment une édition DVD. Mais, on le sait, le temps ne compte pas pour les vampires. Une autre exception : alors que ces créatures de la nuit ont pris pour habitude d’exposer leurs canines devant les caméras, celle du film, qui avoue être la fille de feu le comte Dracula, ne montrera jamais les siennes… sauf peut-être à ses victimes.

I don’t drink… wine

La Fille de Dracula est d’une extrême pudeur. On ne la verra jamais planter les dents dans la jugulaire de ses victimes : la caméra s’arrête de filmer quand elle se penche sur elles. Elle n’avoue même pas boire leur sang, bien que leur cou porte pourtant des stigmates qui ne trompent pas… mais que nous ne verrons jamais. Il nous faut donc nous fier aux dires des spécialistes, le docteur Garth et l’éminent professeur Van Helsing.

Jean-Pierre Dionnet, dans sa présentation du film, dit y avoir vu une tricherie avec le code Hays, en vigueur depuis 1930, en montrant « le plus long baiser de l’histoire du cinéma entre Margaret Mitchell (NDLR : en réalité Marguerite Churchill) et la fille de Dracula »… Dans l’illustration qui suit, le visage de la comtesse s’arrête à une bonne dizaine de centimètres du visage de sa potentielle victime qu’il voit blonde… alors qu’elle est brune ! Et, à aucun autre moment la caméra ne surprend la comtesse en train d’embrasser qui que ce soit !

Malgré cette petite mise au point, il est vrai que le film passe la ligne jaune. Pas tant pour les penchants saphiques de la comtesse que pour les relations entre le docteur Garth et Janet/Marguerite Churchill, sa prétendue assistante. Certains détails ne font pas illusion : ces deux-là ont tissé, hors mariage, des liens à cent lieues des simples relations patron-secrétaire !

La Fille de Dracula ne vaut pas que pour l’originalité de son scénario. S’ajoute à une solide distribution, une mise en scène soignée et une photo de qualité, mise en valeur pour une sérieuse restauration.

Ce film, qui n’avait été édité en France que dans le coffret Universal de cinq films Dracula - Coffret Legacy Collection, aujourd’hui épuisé, méritait amplement de ressortir.

La Fille de Dracula (68 minutes) tient sur un DVD-9 logé dans un keep case de 14 mm inséré dans un fourreau (pas d’édition Blu-ray). Le beau menu animé et musical, dans le style de la collection Cinéma Monster Club, offre le choix entre version originale (avec sous-titres optionnels) ou doublage en français, les deux au format Dolby Digital 2.0 mono.

On trouve aussi dans le boîtier un livret illustré de 12 pages avec un article de Damien Aubel intitulé Les Lois du sang qui fait une présentation amusante, mais succincte, des trois films sortis le 24 février : Le Fils de Dracula, La Fille de Dracula et La Maison de Dracula.

En supplément, Dracula, par Jean-Pierre Dionnet (10’). Nous remontons aux origines, à Vlad III Basarab (1431-1475), empereur de Moldavie, alias Vlad Țepes (Vlad l’empaleur) qui aurait inspiré plusieurs écrivains britanniques, à commencer par John William Polidori (1795-1821) auteur d’une nouvelle, Le Vampire, parue en 1819. Puis Sheridan Le Fanu (1814-1873) publie en 1872 Carmilla, l’histoire d’une femme vampire et de ses amours saphiques. Mais c’est Bram Stoker (1847-1912), dans son roman Dracula, publié en 1897, qui codifiera la mythologie du vampire. Jean-Pierre Dionnet passe enfin rapidement en revue les apparitions du vampire sur les écrans, avec le Nosferatu, une symphonie de l’horreur de F.W. Murnau (1922), puis l’arrivée en 1931 de Bela Lugosi dans le Dracula de Tob Browning, etc. Ce supplément, bien qu’annoncé sur le Blu-ray, n’est disponible que sur le DVD !

Suit la présentation du film (8’) : Jean-Pierre Dionnet passe en revue les acteurs, en citant quelques films dans lesquels ils sont apparus. Il s’étend plus longuement sur Gloria Holden, titulaire du rôle-titre : il nous dit qu’après La Fille de Dracula « elle a fait un autre film dont elle était fière, La Vie d’Émile Zola ; à part ça, elle reviendra au théâtre et disparaîtra des écrans ». Peut-être avait-il manqué de temps pour préparer son sujet : Gloria Holden a tourné dans 40 films jusqu’en 1958, dont 32 après La Vie d’Émile Zola, réalisé en 1937 par William Dieterle, dans le foulée de La Fille de Dracula !

Pour finir, une galerie de 33 photos et les bandes annonces de sept autres films de la collection Cinéma Monster Club.

L’image 1.33:1 laisse apparaître quelques minuscules imperfections, griffures ou taches blanches, suffisamment discrètes pour se faire vite oublier. Dans l’ensemble, la restauration a fait un assez bon travail, en rétablissant de solides contrastes.

Le son DTS-HD Master Audio 2.0 a la sonorité au spectre étroit des films de son temps et tend à saturer dans certains passages musicaux. Il a été soigneusement nettoyé et est pratiquement exempt de souffle.

Crédits images : © Universal Pictures