Réalisé par Herschel Daugherty
Avec
Alfred Hitchcock, Anne Baxter et George Segal
Édité par Elephant Films
Ces 3 dernières saisons de 1962 à 1965 sont nommées Alfred Hitchcock présente : les Inédits (The Alfred Hitchcock Hour) en raison de la durée d’une heure des 93 téléfilms qui la composent (concernant leur appellation américaine), en raison aussi du fait que la majorité était inédite en France jusqu’à présent. L’ensemble est passionnant, historiquement comme esthétiquement.
Voici la critique de l’intégralité des épisodes 17 à 32 de cette saison 2.
SAISON 2, VOLUME 2 (février 1964 à juillet 1964)
2.17- The Jar (14 février 1964 VOSTF) de Norman
Lloyd, scénario de James Bridges d’après une nouvelle de Ray
Bradbury, avec Pat Buttram, Colin W. Paxton, William Marshall,
Jane Darwell, etc. La nouvelle adaptée de Bradbury appartient
à son recueil Le Pays d’octobre (éditions Denoël,
collection Présence du futur). Musique de cet épisode composée
par Bernard Herrmann. En 1986, le cinéaste Tim Burton en
réalisa un remake pour la nouvelle série Alfred Hitchcock
présente. La première partie de la version 1964 est
intéressante, surprenante, excitante à tous points de vue. La
seconde partie est décevante, la chute presque attendue. Il
faudrait relire la nouvelle de Bradbury pour prendre la mesure
exacte de cet épisode. Tel quel, c’est plutôt l’environnement
psychologique et sociologique sudiste, faulknérien, qui
demeure intéressant, notamment la dimension érotique inspirée
sans doute un peu par le Baby Doll de Tenessee
Williams, tel que le cinéaste Elia Kazan l’avait
adapté.
2.18 - Final Escape (VOSTF) de William
Witney, scénario de John Resko d’après une histoire de T.H.
Cannan Jr. et Randall Hood, avec Edd Byrne, Stephen McNally,
Robert Keith, Nicolas Colasanto, etc. Un évadé récidiviste se
retrouve dans un bagne dirigé par un sadique intelligent. Il
se pourrait pourtant qu’il en ressorte les pieds devant mais
vivant, à condition de supporter d’être caché dans un
cercueil. Solidement réalisé par un vétéran qui fut un des
artisans historique du « sérial » américain et dont la
filmographie possède une savoureuse section fantastique. Edd
Byrnes avait été la vedette d’une saison TV connue à l’époque
: 77 Sunset Strip, mettant en scène des détectives
privés durant 6 saisons. il est entouré par des acteurs plus
matures dont l’excellent Stephen McNally (Violent Saturday
(Les Inconnus dans la ville>) 1955 de Richard Fleischer) qui
avait été, dans sa jeunesse, avocat, inversant donc la
proposition de Starring the Defense (épisode n° 2.07)
examiné un peu plus haut. Chute particulièrement cruelle,
frôlant le fantastique par son aspect macabre. Un des
meilleurs épisodes de la saison 2.
2.19 - Murder
Case (VOSTF) de John Brahm, scénario de James Bridges, R.
Levinson et W. Link, avec John Cassavettes, Gena Rowlands,
Murray Matheson, Ben Wright, etc. Scénario classique (mettant
en scène une actrice de théâtre souhaitant tuer son époux
diamantaire anglais avec l’aide de son amant américain) mis en
scène par un héritier de l’expressionnisme, qui donne
l’occasion à Cassavettes et son épouse Gena d’accomplir une
des performances dramaturgiques dont ils avaient alors le
secret et qu’ils exploitent ici comme ils l’exploitèrent sur
une dizaine de titres cinéma, parfois expérimental, souvent
réalisés par Cassavettes lui-même. Mais par-delà cet aspect
ici purement historique (notable aussi parce qu’ils y jouent
vraiment très bien un couple criminel) c’est plutôt la chute
étonnante, originale et très bien amenée, qu’on retiendra.
John Brahm est plus sage que dans ses films fantastiques des
années 1945 mais il maîtrise ici le suspense avec une rigueur
glacée qu’on peut qualifier, pour le coup,
d’hitchcockienne.
2.20 - Anyone for Murder ?
(VOSTF) de Leo Penn, scénario de Arthur A. Ross d’après une
histoire de Jack Ritchie, avec Barry Nelson, Patricia Breslin,
Richard Dawson, Edward Andrews, etc. Un psychologue passe une
annonce laissant penser qu’il offre les services d’un tueur à
gages, afin d’étudier les pulsions meurtrières en temps réel.
L’amant de sa femme est son premier client sérieux mais tous
deux ignorent encore qui est qui. Ne pas confondre Leo Penn et
Arthur Penn qui furent contemporain. « No relation » comme on
dit en anglais. Celui-ci est un homme de cinéma, celui-là
davantage un homme de séries télévisions : il a pratiquement
contribué à toutes les séries TV connues en France dans les
années 1960-1970. Patricia Breslin domine - érotiquement - une
histoire au point de départ excitant mais dont la suite
s’avère invraisemblable et artificielle.
2.21 - Beast
in View (VOSTF) de Joseph M. Newman, scénario de James
Bridges d’après une histoire de Margareth Milar, avec Richard
Kyley, Kevin McCarthy, Kathleen Nolan, Brenda Forbes, Georges
Furth, etc. Thème du scénario : la persécution d’une femme par
une autre qui serait psychotique. Les dix dernières minutes
sont chargées de tous les tics syntaxiques du cinéma
psychédélique expérimental des années 1965 lorsque le délire
de l’héroïne est « visualisé » subjectivement sur un miroir
filmé par la caméra. Effets stylistiques novateurs dans le
cadre d’une telle série télévisée et qui ne dépareillent pas
trop la relative rigueur de la mise en scène, confrontée à un
scénario oscillant entre rigueur et invraisemblance. Kevin
McCarthy avait été le héros, presque dix ans plus tôt, du
Invasion of the Body Snatchers (L’Invasion des profanateurs
de sépultures) de Don Siegel.
2.22 - Behind the
Locked Door (VOSTF) de Robert Douglas, scénario de Joel
Murcott d’après une histoire de Henry Slesar, avec Gloria
Swanson, James McArthur, Lynn Loring, Whit Bissel, etc. Gloria
Swanson, la star de Sunset Boulevard (Boulevard du
crépuscule) dont une photo ornait la couverture du premier
numéro des Cahiers du cinéma fondés par André Bazin,
apporte un vent de folie bienvenue sur l’épisode, notamment sa
fin, expressionniste et macabre. Elle est opposée à Lynn
Loring, très jeune, dans le rôle de sa fille, héroïne digne
d’Edgar Poe dans la mesure où sa beauté lui est fatale. Bien
écrit, bien joué mais mis en scène honnêtement, sans plus.
Musique de cet épisode composée par Bernard Herrmann.
2.23
- A Matter of Murder (VOSTF) de David Lowell Rich,
scénario de Boris Sobelman, avec Telly Savalas, Darren
McGavin, Pat Crowley, Patrick McVey, etc. Un gang de voleurs
de voitures de luxe en vole une… qui contient un cadavre
dans le coffre. Les propriétaires du véhicule et le gang
rivalisent d’astuce pour égarer la police dans son enquête.
Une comédie policière macabre, invraisemblable mais très
savoureuse et menée à vive allure. L’acteur Telly Savalas joue
de petits rôles pour des cinéastes des années 1960 aussi
divers que Robert Aldrich (Les 12 salopards), Jack Lee
Thompson (Les Nerfs à vif) et devient vedette dix ans
plus tard d’une série TV où il interprète Kojak, un
détective privé comme dans le film de Lee Thompson mais filmé
en couleurs et la fameuse sucette en plus. Il est ici
particulièrement vulgaire mais communique son habituelle
énergie à son personnage.
2.24 - The Gentleman
Caller (VOSTF) de Joseph M. Newman, scénario de James
Bridges d’après une histoire de Veronica Parker Jones, avec
Roddy Mc Dowall, Ruth McDevitt, Diane Sayer, Naomi Stevens,
etc. Un voleur meurtrier rencontre une vieille dame qui n’est
pas riche mais un peu excentrique et veuve. Il décide de
l’utiliser pour blanchir l’argent de son dernier vol, avec
l’aide d’une complice. Son plan prévoit de la tuer mais il
n’aboutira pas… de justesse ! L’acteur Roddy Mc Dowall est
la vedette de cet épisode : il sera le singe Cornélius dans la
série cinéma 1968-1975 de La Planète des singes et le
médium terrifié de La Maison des damnés en 1971. Il
incarne ici un personnage sadique et diabolique, très
inhabituel dans sa filmographie. Habile dosage de comédie et
de suspense, très bien mis en scène.
2.25 - The Ordeal
of Mrs. Snow (VOSTF) de Robert Stevens, scénario de Alvin
Sargent d’après une histoire de Hugh Wheeler (alias « Patrick
Quentin »), avec Jessica Walter, Patricia Collinge, Don
Chastain, George Macready, etc. Une vieille dame riche est
escroquée puis presque assassinée par l’époux de sa nièce qui
découvre la vérité et la sauve au dernier moment. Bien écrit,
suspense rebondissant constamment. Et très bien joué,
notamment par la belle Jessica Walter qui incarnera 7 ans plus
tard Evelyn, la psychopathe harcelant Eastwood dans Play
Misty For Me (Un Frisson dans la nuit) (1971) de Clint
Eastwood. Mise en scène fonctionnelle.
2.26 - Ten
Minutes from Now (VOSTF) de A. Kjellin, scénario de Arthur
A. Ross d’après une histoire de Jack Ritchie, avec Donnelly
Rhodes, Lou Jacobi, Lonny Chapman, Neile Adams, etc. Une
curiosité : le scénario semble prendre pour thème la paranoïa
d’un artiste révolté mais, au dernier moment, tout bascule
vers autre chose. Bien écrit et bien interprété mais
invraisemblable et artificiel d’un bout à l’autre : un
exercice de style destiné à démontrer une virtuosité qui
tourne à vide.
2.27 - The Sign of Satan (VOSTF) de
Robert Douglas, scénario de Barré Lyndon d’après une histoire
de Robert Bloch, avec Christopher Lee, Gia Scala, Gilbert
Green, Adam Roarke, etc. Un studio d’Hollywood, impressionné
par sa prestation dans ce qui semble être un film amateur
sataniste, fait venir d’Europe le comédien Karl Jorla mais…
la secte existe réellement et se manifeste dangereusement.
Démentiel scénario écrit spécialement pour l’acteur anglais
Christopher Lee (1922-2015), devenu une star dès 1957-1958
grâce à The Curse of Frankenstein (Frankenstein s’est
échappé) et à Dracula (Horror of Dracula / Le Cauchemar
de Dracula) réalisés tous deux par Terence Fisher. Sans
oublier une vision d’Hollywood par elle-même, en partie
découverte à travers les yeux d’un acteur étranger : la mise
en abîme sociologique n’est pas sans intérêt. Malheureusement
la mise en scène est fonctionnelle, peu inspirée, voire
franchement médiocre à certains instants. Pour les fans du
comédien d’une part, de la Hammer film d’autre part, un
épisode historiquement passionnant, un « must have » visible
pour la première fois en France en vidéo et en VOSTF !
Certains plans du « film amateur » sataniste font fugitivement
penser, pour diverses raisons, dans la filmographie de Lee
antérieure à l’année de cet épisode et ayant donc pu
l’inspirer, à deux titres en particulier : City of the Dead
/ Horror Hotel (1960) d’une part, Ercole all centro
della terra (Hercule contre les vampires) (1961) d’autre
part. Ils annoncent un peu, à l’inverse, certains éléments de
Les Vierges de Satan (The Devil Rides Out / The Devil’s
Bride) (1967) de Terence Fisher dans lequel Lee sera tout
à fait remarquable.
2.28 - Who Needs an Enemy ?
(VOSTF) de Harry Morgan, scénario de Arthur A. Ross d’après
une histoire de Henry Slesar avec Steven Hill, Joanna Moore,
Richard Anderson, Dee Carroll, etc. Artificiel et
invraisemblable mais l’ensemble est bien joué et traité sous
la forme d’une sorte de cauchemar éveillé au rythme assez
haletant. A voir surtout pour Joanna Moore, fausse blonde
pulpeuse à la voix sexy.
1 coffret DVD Pal zone 2 Elephant, édité le 23 mars 2016. Durée totale : 800 minutes ou 13H20 comprenant 4 DVD-9 + 1 DVD-5. Image 1.37 N&B, son VOSTF et VF d’époque mono. Suppléments : présentation de la série et des épisodes par Jean-François Rauger, livret illustré signé Jean Douchet, galerie photos, bandes annonces.
Outre un livret illustré constituant un commode aide-mémoire (20 pages) et une mignonne galerie photos N&B et quelques bandes-annonces, Jean-François Rauger a assuré la caution cinéphilique de l’entreprise en présentant la série d’une part, la saison d’autre part (entre 10 et 20 minutes selon les cas) et en permettant que 4 chapitres de son livre, L’Oeil domestique, Alfred Hitchcock et la télévision (éditions Rouge profond, l’éditeur qui édite déjà les 3 premiers tomes d’une intégrale revue et augmentée de la revue Midi-Minuit Fantastique) soient utilisés par les livrets illustrés qui présentent (très succinctement) chaque épisode. On y apprend, par exemple, que Shamley productions, société fondée en 1955 aux USA par Hitchcock pour la production de cette série, reprend le nom d’un village du Sud de Londres où son épouse et lui avaient acheté une maison de campagne en 1928.
Lancée sur la chaîne de TV américaine CBS le dimanche 2 octobre 1955 à 21H30 sous le titre Alfred Hitchcock presents, accompagnée de la célèbre petite mélodie Marche funèbre d’une marionnette composée en 1872 par Charles Gounod, cette série TV dura 7 saisons de 39 histoires (268 histoires au total car la quatrième saison ne comportait que 36 histoires au lieu de 39) constituant chacune un moyen métrage autonome durant environ 25 ou 26 minutes, en général tourné en 3 jours. En 1957, une saison concurrente nommée Suspicion fut lancée par la chaîne NBC : Shamley production et Hitchcock en produisirent également les épisodes, Hitchcock en tourna même un lui-même mais ils étaient présentés par l’acteur Dennis O’Keefe. Quant à la série CBS originale, elle changea de nom en 1962 et devint The Alfred Hitchcock Hour parce que la durée des épisodes augmenta, passant à environ 50 ou 52 minutes (selon les différentes durées vidéo PAL ou NTSC, selon aussi qu’il s’agit de DVD ou de Blu-ray). Ils furent en général tournés en 6 jours. Cette nouvelle série comporta 3 saisons successives. Selon qu’on calcule en partant de 1955 ou en partant de 1962, on peut les numéroter 8, 9, 10 ou bien 1, 2, 3. La série de ces 3 saisons The Alfred Hitchcock Hour fut connue en France sous le titre générique de… Suspicion qu’il ne faut surtout pas confondre avec la série NBC. Ce sont ces 3 dernières saisons 1962 à 1965 qui constituent l’intégrale de ce coffret The Alfred Hitchcock Hour ((saison 1 = 32 histoires) + (saison 2 = 32 histoires) + (saison 3 = 29 histoires) = donc, au total, 93 histoires).
Comme c’était son habitude depuis 1955, Alfred Hitchcock présentait et commentait in fine ces histoires. Ces présentations et commentaires qu’il n’avait pas le temps de rédiger lui-même, étaient écrits par un certain James B. Allardice. Ils constituent aujourd’hui, à mon avis, le point souvent faible de la série : je ne partage donc pas l’avis élogieux de Jean-François Rauger en ce qui les concerne, à de rares exceptions près que je signale dans les notices critiques. Hitchcok signa lui-même la mise en scène d’une vingtaine d’histoires (notamment la toute première de la première saison en 1955 : Revenge) entre 1955 et 1962 inclus. La majorité de ses contributions personnelles dure donc 26 minutes mais certaines durent aussi 52 minutes : elles avaient été éditées en coffret par Universal mais malheureusement pas classées dans l’ordre historique chronologique de production. Elephant restitue chacun de ces épisodes à sa place chronologique correcte au sein de l’intégralité enfin rééditée.
On se souvient que Psycho(Psychose) (USA 1960) d’Alfred Hitchcock avait été tourné dans des conditions assez proches de celles d’un moyen métrage de cette série, au point qu’on peut le considérer aujourd’hui rétrospectivement comme une sorte de porte-étendard. Le cinéphile francophone qui admire Psychose ne pouvait que souhaiter découvrir la totalité de sa série matricielle. Son examen révèle qu’elle entretient des liens parfois encore plus étroits qu’on pouvait le penser avec ce chef-d’oeuvre.
L’ensemble est au format original 1.37 N&B compatible 4/3 : les copies sont parfaitement nettoyées, les numérisations soignées, seules d’éventuelles poussières négatives ou positives subsistent sur un ou deux plans. Le bruit vidéo se manifeste parfois aussi sur des marches d’escaliers ou des stores mais il est, en règle générale, assez bien contrôlé bien qu’il ne s’agisse que de DVD standards. Une suggestion : à présent que l’intégralité de la série est disponible en DVD standard, il faudrait songer, en raison de son importance, à préparer une édition Blu-ray Full HD et même à une édition Blu-ray UHD 4K.
Le son est du mono 2.0 parfaitement nettoyé lui aussi, qu’il s’agisse des VOSTF ou des VF. Quelques erreurs ou coquilles, parfois des fautes de syntaxe ou un vocabulaire argotique récent substitué à l’argot original américain de l’époque, peuvent être relevés dans les STF mais, sur une telle quantité de disque, c’est presque inévitable : l’ensemble est cependant assez bien traduit, en règle générale. Les VF, lorsqu’elles existent, sont soignées pour l’époque, aux normes cinéma et souvent très savoureuses.
Crédits images : © Eléphant Films