Le Sexe nu

Le Sexe nu (1973) : le test complet du DVD

Réalisé par José Bénazéraf
Avec Chantal Arondel, Valérie Boisgel et Nathalie Zeiger

Édité par LCJ Editions & Productions

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Le 06/07/2016
Critique

Le sexe nu

France, une nuit de 1973. Un jeune homme, en instance de divorce et qui doit assister le lendemain à une séance de «  conciliation  » qui l’angoisse, raconte à sa maîtresse les étapes marquantes de sa vie intime, entre mémoire et phantasmes.

Le Sexe nu (France 1973) produit, écrit et réalisé par José Benazeraf devait initialement s’intituler Un homme se penche sur son destin. Raison pour laquelle ce second titre apparaît au bas de la jaquette. Il avait peut-être été considéré par Benazeraf comme une pertinente inversion de celui du roman de Maurice Constantin-Weyer, Un homme se penche sur son passé, adapté à l’écran en 1958 par le cinéaste Willy Rozier. Toujours est-il que Le Sexe nu est un film érotique expérimental assez poétique. Il se situe filmographiquement entre The French Love (1972) d’une part, Le Bordel 1900 : la maison des confidences… (1974) et La Soubrette perverse (1974) d’autre part.

Sa structure en forme de narration nocturne illustrée, racontée par un homme en instance de divorce (joué par Alain Tissier) à sa maîtresse (jouée par Valérie Boisgel) au carrefour de la mémoire et du phantasme, appartient à la fin de sa première période (1961-1974). Cette structure se permettait divers jeux avec le temps et l’espace, voire même de réintégrer certains plans d’anciens films à l’occasion de telle ou telle séquence. Lorsque le héros emmène sa petite amie au cinéma, Benazeraf fait partie des spectateurs qui visionnent un dialogue de Monique Just et Sylvia Sorrente (à propos d’une remarque sur le temps de la débauche selon Henri de Montherlant) dans Le Cri de la chair (L’Eternité pour nous) (1961), son premier film signé comme producteur-réalisateur-scénariste. Par ailleurs le curieux jeu mondain filmé dans la villa normande aux poutres apparentes, annonce La Veuve lubrique (1975) tout comme la réception parisienne mondaine dans l’appartement aux murs blancs, annonce celle qui ouvrira La Planque (1975). A noter que, lors de la reprise du Sexe nu en mai 1980 dans le circuit X parisien (sous le titre débile et nettement moins poétique de Accouplements collectifs) le public n’était pas spécialement dépité par l’absence de scènes «  hardcore  » et restait dans la salle (en l’occurrence le cinéma Midi-Minuit du boulevard Bonne Nouvelle, peu de temps avant sa fermeture, où je l’avais découvert) jusqu’au générique final, conscient qu’on lui livrait un produit supérieur à la moyenne esthétique de ce qu’il consommait habituellement. Certaines séquences acquièrent presque une vie indépendante du film et de son fil conducteur : Valérie Boisgel se caressant et presque caressée par la caméra sans cesse en mouvement, la séquence du train, celle des deux lesbiennes devant le miroir, par exemple.

Voici comment José Benazeraf lui-même résumait Le Sexe nu :

«  Ce film est le récit que fait Alain, homme parvenu au faite de sa lucidité, à une femme-refuge, à une femme-zéro, à une femme-type, à celle que nous désirons rencontrer à un moment donné de notre vie, amante attentive, confidente, soeur, mère et maîtresse ; le récit donc de celles de ses aventures qui l’ont le plus marqué: il évoquera ses émois d’adolescent, alors qu’une tante possessive, mais encore très jolie, lui prodiguait des caresses furtives dans la voiture familiale, au cours des inévitables randonnées dominicales… Il racontera Nathalie, une ravissante gamine de 18 ans, vendeuse dans un Monoprix, qui l’initia avec infiniment de tendresse et une passion certaine aux joies de l’amour physique ; puis sa nuit de noces dans un train, bien sûr… Puis l’ennui conjugal qui s’instaure, avec ses rites, son cortège de renoncements quotidiens, de petites lâchetés… Tout cela raconté avec un tel luxe de détails que l’ont voit notre femme-zéro revivre, partager les joies et les peines de son amant, totalement. La limite entre le passé et le présent, le rêve et la réalité, les inévitables constructions oniriques de son amant et ses préoccupations présentes, ses propres phantasmes se mêlent étroitement en une sorte de ballet d’images… C’est en tout cas le voeu de l’auteur  ».

(J.B., dossier de presse - sortie cinéma ou reprise VHS - de Le Sexe nu)

La citation de l’Introduction à la philosophie de l’histoire de G.W.F. Hegel (« En philosophie, il s’agit toujours du présent, du réel ») qui ouvre Le Sexe nu, le justifie assez bien puisqu’on y joue tout du long avec les deux thèmes hégéliens fondamentaux (qui seront aussi les deux thèmes freudiens fondamentaux) : le désir et la mort (ici, la mort du désir, essentiellement). La femme-soeur mûre, jouée par Valérie Boisgel, est une sorte de « négation de la négation » : elle permet aux souvenirs d’Alain d’échapper à l’oubli, au désir d’Alain de se ranimer après avoir été assouvi dans le phantasme. Elle est donc bien une adorable et mûre synthèse de la « réalité », fruit et origine de son propre « travail » d’accoucheuse socratique du corps et de l’âme de Alain. Pour le public populaire des salles de cinéma érotique, elle fut une charmante consolatrice du « malheur de la conscience » même si ledit public n’avait pas forcément lu le livre de Jean Wahl sur Hegel auquel j’emprunte cette expression. Le public intellectuel, qui était aussi et tout naturellement » ciblé  » par Benazeraf, demeura en revanche moins sensible à ses efforts créatifs et syntaxiques. Benazeraf avait beau être un franc-tireur, il servait un genre (l’érotisme) et ce genre était déjà considéré comme maudit.

Présentation - 2,5 / 5

Un DVD-5, publié par les éditions LCJ au printemps 2016. Durée vidéo film 103 min., format original 1.66 ou 1.85 recadré en 1.77 compatible 16/9 couleurs, VF originale, suppléments : filmographie et entretien filmé (25 min.) avec José Benazeraf en 2012. Visuels de jaquette assez conventionnels. Boîtier Amaray classique noir contenant un extrait du catalogue LCJ.

Bonus - 2,5 / 5

Une filmographie et un entretien. La filmographie présentée est très incomplète. Pour tout savoir sur elle, je renvoie au livre de Herbert P. Mathese, José Benazeraf la caméra irréductible, éditions Clairac, 2007. L’entretien filmé (2.35 en 16/9, durée 25 min. environ) en 2012 (au moment de la reprise DVD par LCJ de Frustration, un des meilleurs films de J.B., tourné en 1972) présente un intérêt historique car c’est sans doute un des derniers entretiens filmés de J.B. : il y apparaît certes physiquement affaibli mais intellectuellement intact, confirmant l’influence de la psychanalyse et de Maïmonide sur ses scénarios, confirmant aussi qu’il milita pour un cinéma libre et poétique, affranchi de toute censure, signalant qu’il avait adoré la pièce de Camus sur Caligula. Utile à visionner, donc, pour celui qui s’intéresse à l’homme et à son oeuvre.

Image - 3,0 / 5

Format original 1.66 ou 1.85 légèrement recadré en 1.77 compatible 16/9. Copie chimique Eastmancolor en très bon état sauf un ou deux plans endommagés. Définition vidéo et report des couleurs très satisfaisant, gestion correcte des noirs, Le format 1.77 ici adopté n’existait pas en 1973 lorsque le film a été tourné : il correspond au pur 16/9 utilisé par les TV actuelles.

Son - 3,0 / 5

VF Dolby Stéréo, aucun sous-titre. Bande son originale assez bien reportée mais les enregistrements optiques ou magnétiques de 1973 n’ont évidemment pas le degré de subtilité auquel le jeune vidéophile de 2016 est habitué. Il faut considérer que ce matériel n’avait pas été vu ni entendu depuis 1980 environ et qu’aucune cinémathèque n’a contribué à sa restauration : film d’un cinéaste indépendant, il revit grâce à un distributeur indépendant. C’est déjà bien de pouvoir à nouveau le voir et l’écouter.

Le sexe nu

Crédits images : © LCJ Editions

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Panasonic FullHD
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Sony
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p