Réalisé par Steven Soderbergh
Avec
David Duchovny, Nicky Katt et Catherine Keener
Édité par TF1 Studio
À Los Angeles, sept personnages évoluent devant la caméra
pendant une journée tournage du film « Rendez-vous »…
Full frontal, dont on nous dit qu’il suit un scénario
rigoureusement construit, peut être vu comme un test de la
résistance du spectateur à l’ennui. On sait rarement où on en
est, tant il est facile de se perdre dans un scénario décousu
(au sens littéral du terme, sans aucun… fil directeur). On
ne sait pas, non plus, où l’on va, si ce n’est que cette bien
looooonnnngue journée doit se clôturer par le dîner
d’anniversaire de Gus, le producteur, qui tarde terriblement à
venir. Sous le prétexte de stigmatiser les travers de l’industrie
du cinéma hollywoodien, les acteurs (une belle brochette de
stars réunies pour l’occasion, certaines aussi furtives que des
étoiles… filantes !) vont et viennent, papotent, passent du
coq à l’âne, disparaissent et réapparaissent. Un des rares
« moments forts » est l’overdose du chien qui a croqué les biscuits
de sa maîtresse, enrichis… au haschich !
Voilà pour le fond.
La forme, quant à elle, fournit une des pires illustrations du
« dogme » dont la mode, qu’on espère éphémère, a été lancée par
nos amis Danois. La quasi-totalité du film est tourné avec une
caméra numérique (modèle Canon XL-18, paraît-il), le plus souvent
en une seule prise et sans répétitions. La laideur de l’image
(fourmillement, absence étalonnage de couleurs, mouvements de
caméras hasardeux, sauts d’images manifestement voulus) est
renforcée (on n’ose pas dire : mise en valeur !) par quelques
« bouts » tournés en 35mm, avec un éclairage décent.
Steven Soderbergh, dans un des suppléments, dit que Full Frontal
est son film le plus audacieux, le plus expérimental. Le
produit fini confirme que dans toute expérimentation il reste,
inévitablement, une part d’aléas ; mais il dément aussi l’adage
selon lequel l’audace est toujours récompensée.
Heureusement pour nous (et pour lui !), Steven Soderbergh a,
avant ce film, suffisamment offert pour se faire pardonner, avec
Sexe, mensonges et vidéo (1989), L’Anglais (1999),
Erin Brockovich et Ocean’s Eleven, tous deux
réalisés en 2000. Si tous ces films, et quelques autres, sont
disponibles en DVD, manque encore au catalogue, de la zone 2
comme de la zone 1, l’attachant King of the hill, réalisé en
1993.
L’image est épouvantable, le son à peine acceptable. Les
suppléments sont généreux. Mais il n’y a pas de miracle :
s’efforçant à démontrer les qualités du film, ils ne peuvent
pas être plus passionnants que le film lui-même. Les menus sont
minimalistes, fixes (à l’exception d’un globe terrestre pivotant
sur son axe dans le menu général des suppléments), et d’un
graphisme assez grossier.
Découpage en 15 chapitres (sur 3 pages), repérés par vignettes
et intitulés. Pour le film, choix entre deux versions audio
(version originale en anglais et version doublée en français)
toutes deux au format dolby digital 5.1 (bien qu’il n’y paraisse
pas vraiment pas à la lecture !). On ne peut pas changer de
version audio sans repasser par le menu. Les sous-titres
français sont, fâcheusement, imposés. Les suppléments, en
format 1.33 (ou 1.85, non anamorphique) sont en version
originale sous-titrée.
La quantité ne suffit pas à compenser la qualité.
Commentaires du réalisateur en VOST.
Pas moins de 16 scènes coupées totalisant une vingtaine de
minutes au format 1.85 non anamorphique, commentées par les
acteurs :
1. estomac maltraité (48”)
2. en voiture (55”)
3. rêve de masseuse (1’19”)
4. haleine fraîche (39”)
5. Hitler danse le hip-hop (1’41”)
6. la lettre n’a aucun sens (50”)
7. un slow avec Hitler (33”)
8. Francesca rencontre Sam (38”)
9. Linda au volant (22”)
10. les jeunes m’inspirent (52”)
11. Lee arrive à l’hôtel (54”)
12. énervement (12”)
13. acteurs jouant les acteurs (1’41”)
14. entre sex-shop et chien défoncé (2’36”)
15. quoi de neuf ? (56”)
16. sur le vif (28”)
Bande-annonce en VF (1.85, non anamorphique, 39 ») et lien
internet vers le site de TF1-Vidéo.
Dans son entretien, Steven Soberbergh (1.33, VOST, 7’07”)
s’efforce de justifier ses choix pour Full frontal, qu’il
prétend être une « version actualisée » de Sex, lies and
videotape. Il reconnaît que l’accueil de la critique et du
public n’a pas été à la hauteur de ses espérances, mais rappelle
que le film n’a coûté que deux millions de dollars…
La dernière partie, intitulée « Les 10 règles », contient :
1. un avis aux acteurs (tout juste lisible). En résumé, il
ne profiteront d’aucun des fastes que leur réserve habituellement
Hollywood : pas de maquilleuse, pas de coiffeur, pas de
costumière, pas de roulotte confortable pour se détendre
entre deux scènes… Ils sont même invités à se rendre sur
les lieux du tournage par leurs propres moyens, quoique…
on puisse mettre, exceptionnellement, une voiture avec
chauffeur à leur disposition (ouf !).
2. À propos des 10 règles, ou les commentaires du réalisateur
sur les 10 règles qu’il a imposées aux acteurs (4/3, VOST, 2’07”)
3. une illustration de la règle n° 7 (l’improvisation sera la
bienvenue), par quatre interviews d’acteurs au format 1.33,
VOST :
- Julia Roberts, sympa, mais qui n’a pas grand-chose à dire (9’18”)
- Blair Underwood, sympa lui aussi, mais pas passionnant (9’56”)
- Catherine Keener, un peu moins superficielle que les deux précédents (10’21”)
- David Hyde Pierce, enfin, le propriétaire du chien malade (9’48”)
Tous s’évertuent à tenter de nous persuader des mérites de
Full frontal et à nous dire combien, comme le stipulait l’une
des dix règles, il se sont amusés comme des fous pendant le
tournage. Vraiment dommage qu’on éprouve pas le même amusement
au visionnage !
L’image recule les limites de la laideur. Je n’ai encore rien vu
de pire, si ce n’est celle de The Unknown - Origine inconnue de Michael Hjorth
(2000), également distribué par TF1 Vidéo. Le fourmillement,
incessant, varie en fonction de l’éclairage, jusqu’à évoquer
le grouillement de bactéries filmées en accéléré sous microscope
électronique !
Il faut aussi compter avec l’alternance d’une dominante bleue et
d’une dominante orangée, suivant le type d’éclairage ambiant.
L’encodage n’est certainement pas à blâmer : comment faire
autrement avec un master aussi bâclé ?
Le son est à la limite de l’acceptable, là encore en raison des conditions de tournage : prise directe, dans des lieux naturels, sans souci pour le bruit ambiant. On parierait pour un son mono si l’illustration musicale n’enveloppait pas furtivement l’espace. Les rares fois où les enceintes arrières sont timidement sollicitées par les voix, c’est sans grande cohérence avec l’image. De plus, les voix sont étouffées. Pas mieux avec la VF, sauf un doublage « gnangnan » (je recommande, en particulier, celui de Julia Roberts).