Réalisé par Iñaki Mercero
Avec
Adriana Ugarte, Hannah New et Mari Carmen Sánchez
Édité par Koba Films
1936. Sira Quiroga, 20 ans, quitte Madrid pour suivre l’homme qu’elle aime à Tanger. Vite abandonnée et dépouillée des bijoux que lui avait donnés son père, elle doit utiliser ses talents de couturière pour survivre. Elle ouvre une maison de couture à Tétouan, la capitale du protectorat espagnol du Maroc. Grâce à sa clientèle, faite surtout d’épouses de hauts fonctionnaires allemands, Sira a accès à des informations utiles aux Britanniques…
L’Espionne de Tanger adapte pour l’écran le roman El tiempo entre costuras, vendu à plus d’un million d’exemplaires en Espagne et édité en France par Robert Laffont. C’était le premier roman, publié en 2009, de María Dueñas, professeur à l’université de Murcia, qui a personnellement participé à l’écriture du scénario.
L’Espionne de Tanger, un cocktail moitié romance, moitié thriller, évoque rapidement les faits marquants d’une période trouble, celle de la guerre civile, conclue par la victoire des nationalistes sur les républicains et l’accession au pouvoir du général Franco, puis des tentatives des Allemands pour entraîner l’Espagne à s’engager à leurs côtés dans la seconde guerre mondiale. La série ne brosse qu’un tableau très impressionniste de l’histoire, mais fait toutefois ressortir les dissensions à l’intérieur du gouvernement, partagé entre soutien au Troisième Reich et coopération avec le Royaume Uni, à laquelle participa Juan Beigbeder Atienza, nommé ministre des Affaires étrangères, qui apparaît sous sa véritable identité.
L’Espionne de Tanger a quelques faiblesses. À l’exception de celui de Sira, plus approfondi, les autres personnages ne sont qu’esquissés, comme ceux d’une bande dessinée, et trop lisses. Il faut aussi accepter une certaine naïveté : pas sûr, en effet, que Sira Quiroga, pour revenir incognito à Madrid, ait choisi le meilleur camouflage en se faisant passer, en inversant les lettres de son nom, pour Arish Agoriuq, ! Quelques maladresses, aussi, notamment quand Sira demande qu’on lui achète tous les magazines de mode, parmi lesquels Madame Figaro dont le premier numéro ne sortira que 44 ans plus tard ! De même, on peut être surpris d’entendre deux Britanniques, isolés dans une pièce, discuter en espagnol.
Malgré ces réserves, L’Espionne de Tanger se regarde avec plaisir et peut même sérieusement accrocher l’attention dans les quatre ou cinq derniers épisodes quand le suspense s’installe. Et on apprécie, surtout, le soin apporté à la reconstitution des années 30-40, grâce à un choix judicieux des lieux de tournage, de Madrid à Tétouan, en passant par Tanger et Lisbonne (les derniers épisodes donnent un bon aperçu de cette magnifique ville), mais grâce aussi aux costumes, aux accessoires, en particulier aux voitures, à la sélection des illustrations musicales de cette époque…
Un autre atout de la série est Adriana Ugarte, plusieurs fois primée en Espagne pour ce rôle qu’elle tient avec beaucoup de naturel. L’Espionne de Tanger contribuera à sa notoriété, avec Julieta de Pedro Almodovar et Palmeras en la nieve (Fernando González Molina, 2015) où elle se place en tête d’affiche.
Après Grand Hôtel (2011-2013), L’Espionne de Tanger montre que l’Espagne peut aussi exporter ses séries.
L’Espionne de Tanger (17 x 45 minutes) tient sur cinq DVD-9 joliment sérigraphiés, rangés dans un boîtier de 22 mm glissé dans un étui. Dans un cadre art-déco, le menu animé et musical propose deux langues, la version originale, avec sous-titres optionnels, et un doublage en français, tous deux au format Dolby Digital 2.0 stéréo.
On regrettera, une fois encore, d’avoir été privés de l’édition Blu-ray sortie en Espagne en janvier 2014, même si elle se contente d’un format audio LPCM 2.0.
Alors que l’édition espagnole proposait plus de trois heures de bonus, aucun supplément pour l’édition pour la France. Juste un espace découverte avec quelques extraits de quatre séries récemment éditées en France par Koba Films : La Dynastie Carey-Lewis - L’intégrale, 1998 (une des premières apparitions de Keira Knightley sur les écrans après Innocent Lies de Patrick Dewolf, 1995), Blanche - Les filles de Caleb, une série québécoise de 1993, Pavillons lointains (1984), sur le crépuscule de l’Empire des Indes, et Scarlett (1994), une pâle reprise d’Autant en emporte le vent.
L’image (1.78:1) déploie des couleurs agréablement saturées, soigneusement étalonnées, avec des contrastes affirmés, mais une définition un peu trop douce dans les plans larges.
Le son Dolby Digital 2.0 stéréo procure clarté, une dynamique satisfaisante et un bon équilibre entre ambiance, accompagnement musical et dialogues, un peu trop mats dans le correct doublage en français. Les deux voies pourraient être plus séparées.
Crédits images : © Antena 3 Televisión, Boomerang TV