Salafistes (2016) : le test complet du DVD

Réalisé par François Margolin

Édité par Bonne séance

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Le 31/07/2018
Critique

Salafistes

Deux cinéastes, le Français François Margolin et le Mauritanien Lemine Ould M. Salem, à partir de l’automne 2012, scrutent l’idéologie salafiste, en commençant par Tombouctou, alors placé sous la chape de la charia par Al-Qaïda au Maghreb islamique, quelque temps avant le lancement de l’opération Serval. Leur quête les conduira ensuite, dans un périple de deux ans, en Mauritanie, en Tunisie, en Irak et en Syrie.

Salafistes, produit par Margo Cinéma, France 3 Cinéma, Canal+ et France Télévisions, sorti dans onze salles le 27 janvier 2016, est l’oeuvre commune de Lemine Ould M. Salem, un Mauritanien musulman, dont c’est le premier film, et du producteur, scénariste et réalisateur François Margolin, auteur en 2000 du documentaire tourné en Afghanistan, L’Opium des talibans, un téléfilm en forme de road movie soulignant une contradiction : la culture du pavot qui finançait le régime était rigoureusement proscrite par le Coran.

Les deux cinéastes ont enregistré les déclarations de responsables salafistes et de djihadistes et inséré, en illustration de leurs propos, des vidéos de propagande d’Al-Qaïda, Boko Haram et de l’État islamique. Après un avertissement disant : « Nous avons choisi d’écouter des propos que l’on ne veut pas entendre, de montrer des images que l’on ne veut pas voir », les séquences défilent sans commentaire des réalisateurs, la marque de tout documentaire digne de ce nom.

Pourtant, suivant l’avis majoritaire de la Commission de classification, le ministère de la culture a, le jour de la sortie, frappé Salafistes d’une interdiction aux moins de 18 ans, une sentence de mort du film, suspendue en référé par le tribunal administratif de Paris qui, le 12 juillet 2016, annula cette interdiction pour excès de pouvoir. Le film fut alors provisoirement classé interdit aux moins de 16 ans. C’était la première fois, depuis 1962, qu’un documentaire était interdit aux moins de 18 ans, ce qui l’aurait, de plus, privé de toute diffusion à la télévision. Le feuilleton continua jusqu’au Conseil d’état qui rejeta le recours du producteur par un arrêt en chambres réunies du 7 juin 2017.

Salafistes, dès après le générique, suit deux jeunes hommes sur une moto, kalachnikov en bandoulière, doublant un panneau au bord de la route avec un avertissement, en arabe et dans un français incertain : « Tombouctou, le minaret de l’islam. À l’entrée de l’application de charia vous souhait la bienvenue ». La moto de la « police islamique » s’arrête devant des femmes obligées de se cacher la tête sous un pan de leur vêtement. Plus loin, un panneau proclame, seulement en français « L’application de la charia c’est le bonneheur, c’est la route du paradis ».

« Si les peuples étaient gouvernés par les lois islamiques, ils verraient que ce système est le meilleur et le plus complet : la liberté de l’individu, la protection de l’individu, la dignité de l’individu, les droits de l’homme, tout cela est le fondement et l’objectif de l’islam. », déclare un des responsables salafistes interrogés.

Voyons comment libertés individuelles et droits de l’homme sont protégés par ces hommes, tenants d’une application littérale du Coran, en citant quelques extraits des différents entretiens.

Sur la démocratie : « Si la vraie démocratie, c’est que le peuple soit gouverné par le peuple, c’est complètement contradictoire avec l’islam (…). Nous refusons un système qui est mécréant par essence ! »

Sur les femmes : « La démocratie prône l’égalité, alors qu’une femme ne peut être l’égal d’un homme : l’homme doit avoir l’autorité, car il est plus résistant et plus raisonnable. » « La femme est le joyau de l’islam (…) mais le témoignage d’un homme vaut celui de deux femmes. »

Sur les homosexuels : « Les homosexuels sont plus proches des animaux que des humains (…) Celui qui légitime l’homosexualité s’exclut du genre humain » Là encore, la justice s’impose pourtant : « Il faut tuer celui qui agit et celui qui subit. »

Sur la fidélité conjugale : l’adultère commis par un homme marié est puni de lapidation à mort (celui de la femme aussi, cela va sans dire). La sentence peut toutefois être plus clémente pour le célibataire qui peut s’en tirer, à condition de ne pas récidiver, par une centaine de coups de fouet ou de bâton.

Sur la consommation d’alcool : armés de kalachnikovs, les membres d’un « tribunal » islamique nous confirment la peine pour celui qui boit de la bière : « 40 coups de fouet s’il n’a pas d’antécédent, 80 pour les récidivistes. »

Les voleurs sont, eux, punis, « même s’ils n’ont volé qu’un quart de dinar », par l’amputation de la main droite. Une sanction salutaire, dit un supplicié sur un lit d’hôpital, reconnaissant envers son bourreau de l’avoir ramené dans le droit chemin… et de l’avoir dispensé de régler les frais médicaux !

Les effets bénéfiques de la mise en oeuvre des bons principes ne se font pas attendre. Le chef de la police islamique de Tombouctou le rappelle : il a suffi de répondre à une « obligation divine d’imposer la religion (…) pour qu’il n’y ait plus de péché (…) depuis qu’on a lapidé les femmes et coupé la main des voleurs ».

Plus généralement, sur les « mécréants » : « Il faut maintenant utiliser la force pour que l’homme se soumette à Allah », mais avec une extrême modération : on donne au mécréant trois jours pour se convertir. « Sinon, c’est le sabre qui va trancher ». « Toutes les religions ont échoué : il n’y a pas d’alternative à l’islam. » Avec l’apprentissage obligatoire de l’arabe si l’on se fie aux diatribes d’un chef de Boko Haram au Nigéria qui éructe en anglais : « Je m’en fous de ta langue de porc (…) la langue que je respecte, c’est l’arabe ». Un chef de l’État islamique s’étonne que certains pays « qui se disent islamiques » critiquent les méthodes de Daesh : « Nous disons aux mécréants du monde entier : préparez-vous, nous allons purifier le monde de votre sale race ! »

C’est bien connu, pour échapper à l’accusation d’hypocrisie, il faut accorder ses actes à ses paroles : des vidéos de propagande d’Al-Qaïda et de l’État islamique nous montrent des exécutions publiques de sentences, ici une main coupée, là un adolescent bâtonné, fermement maintenu pas deux hommes armés, et puis la décapitation d’un inconnu et la vidéo de celle du journaliste James Foley, obligé de faire son autocritique et d’insulter son pays. Le défilement des vidéos est, le plus souvent, interrompu avant la mise à mort, mais pas toujours : la chute de deux homosexuels jetés de la terrasse d’un immeuble de dix étages devant la foule (une faveur, la sentence appropriée étant la lapidation), a été entièrement montrée.

Comme il faut bien se détendre après tout ça, nous sommes invités à bord d’une voiture, derrière l’homme à droite du chauffeur qui s’amuse à tirer au fusil mitrailleur sur les passagers de toutes les voitures doublées sur la route, chaque « carton » étant salué par de bruyantes rigolades et des Allahu akbar !

Un film édifiant sur les dérives auxquelles peuvent conduire l’application littérale, sans une once de discernement, des textes religieux quand aucun pouvoir, aucune loi ne viennent limiter les exactions de ceux qui se justifient facilement en disant obéir à des ordres divins.

Le visionnage de Salafistes convainc de l’inanité de la polémique qu’il a soulevée. Les paroles qu’il donne à entendre, les scènes qu’il donne à voir se suffisent à elles-mêmes pour faire ressentir les dangers de l’extrémisme religieux, bien plus fortement que ne l’auraient fait les commentaires des réalisateurs que certains auraient immanquablement traités de menteurs.

Le film a été terminé quelques jours avant le 13 novembre 2015. Il est dédié aux victimes des attentats de Paris et d’ailleurs. », nous dit un carton à la fin de Salafistes, un film éminemment salutaire qui donne, une nouvelle fois, l’occasion de paraphraser la célèbre maxime de Manon Roland : « Ô religion, que de crimes on commet en ton nom ! »

Présentation - 4,0 / 5

Salafistes (71 minutes) et ses suppléments (38 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un fin boîtier de 7 mm.

Le menu fixe et muet propose le film dans sa version originale multilingue (arabe et français) avec, au choix, des sous-titres français ou anglais, au format audio Dolby Digital 3.1.

Bonus - 3,5 / 5

Salafistes, un film à voir : l’édito d’Antoine Nouis (3’) Il nous invite à voir le film parce qu’il montre la perversion qui menace toutes les religions et qu’il faut connaître ses ennemis dans ce qui a pris la tournure d’une guerre. À chaque fois que l’homme a voulu imposer justice et égalité, il en est toujours résulté la tyrannie.

Présentation du film par François Margolin (7’). Après le film qu’il avait réalisé en Afghanistan sur les talibans et le trafic d’opium, l’idée lui est venue de savoir ce que les salafistes ont dans la tête et de montrer comment on vit sous la charia. Lemine Ould M. Salem, qu’il avait rencontré en Libye au moment de la chute de Kadhafi, a permis de rencontrer beaucoup de gens au Mali, où il est parti seul.

Entretien avec François Margolin sur la chaîne LCP (28’), avec Frédéric Haziza, dans la case Entre les lignes, enregistré quelques jours après la sortie en salles du documentaire. L’idée du film est venue à l’automne 2012, deux mois après le début de l’occupation du nord du Mali par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et avant le lancement de l’opération Serval, pour montrer la vie régie par la charia. L’interview de responsables salafistes et de djihadistes a demandé un long travail d’approche, facilité par la présence de Lemine Ould M. Salem, musulman. Plus de dix ans après le tournage de L’opium des talibans, les salafistes utilisent les nouveaux moyens technologiques, téléphones mobiles et réseaux sociaux pour leur propagande et montrent leurs massacres avec fierté. Les deux courants salafistes, quiétiste et djihadiste, s’ils ne prônent pas les mêmes moyens d’action, s’appuient sur les mêmes idées et poursuivent les mêmes finalités. Le film a été l’objet d’une censure par l’ex-ministère de la culture qui l’a frappé d’une interdiction aux moins de 18 ans pour images violentes et pour faire l’apologie du salafisme, une accusation sans fondement.

Revue de presse sur la page Facebook Salafistes Le film. Le lien ne fonctionne pas. Mais il n’est pas difficile de retrouver la page où sont accumulés de nombreux articles sur le film, avec des points de vue souvent radicalement opposés.

Image - 4,5 / 5

L’image 1.78:1 est très stable, précise, bien contrastée, avec des couleurs, soigneusement étalonnées. Bien sûr, la qualité des archives filmées est variable, mais correcte en général.

Son - 4,0 / 5

Le son Dolby Digital 3.1 n’offre qu’une très faible séparation des trois voies, ce qui n’est pas gênant, l’essentiel du métrage étant constitué d’images d’archives mono et de monologues, clairement restitués.

Crédits images : © Margo Films

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 1 août 2018
Un film édifiant sur les dérives auxquelles peuvent conduire l’application littérale, sans une once de discernement, des textes religieux quand aucun pouvoir, aucune loi ne viennent limiter les exactions de ceux qui se justifient facilement en disant obéir à des ordres divins.

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