Manon (1949) : le test complet du DVD

Réalisé par Henri-Georges Clouzot
Avec Serge Reggiani, Michel Auclair et Cécile Aubry

Édité par Éditions Montparnasse

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Le 30/10/2017
Critique

Manon

Un village normand, en 1944, vient d’être repris aux Allemands. Robert Desgrieux, un résistant, tombe immédiatement amoureux de la jeune Manon que les villageois veulent raser pour la punir d’avoir couché avec des ennemis. Les deux amants s’enfuient à Paris où ils arrivent sans le sou. Manon vend secrètement ses charmes pour pouvoir s’assurer un train de vie suffisamment luxueux, ce que Robert finira par découvrir…

Le scénario de Manon est adapté d’un roman, jugé scandaleux à l’époque, d’Antoine François Prévost, dit « l’Abbé Prévost », Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, faisant partie d’un recueil en sept volumes, publiés de 1728 à 1731, intitulé Mémoires et Aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde.

À la libération, Henri-Georges Clouzot ne peut plus tourner de films, le prix que certains lui firent payer injustement, pendant deux ans, pour avoir tourné, pendant l’occupation, le film Le Corbeau, produit par la compagnie allemande Continental-Films. Il pourra revenir sur les plateaux en 1947 pour réaliser Quai des Orfèvres, avec Louis Jouvet, une seconde adaptation d’un roman policier de Stanislas-André Steeman, après L’Assassin habite… au 21, sorti en 1942, avec Pierre Fresnay en tête de distribution.

Avec Manon, Clouzot abandonne le roman policier pour un drame sur l’amour fou. Le scénario transpose l’histoire originale du XVIIIe siècle dans la France contemporaine, mais garde en commun avec le modèle un regard critique sur les moeurs sociales, le regard glacial que le cinéaste porte sur la société de l’immédiat après-guerre, gangrené par la collaboration, le marché noir, la corruption.

Autre tournant dans la filmographie de Clouzot, Manon est, pour partie, tourné en extérieurs, en Normandie, à Vire, pour la première partie, au Maroc pour les scènes finales. Les intérieurs seront filmés aux Studios de la Victorine à Nice et à Franstudio, à Joinville-le-Pont.

Manon

« J’étais de la pâte à modeler entre ses mains »

Clouzot, alors qu’il s’appuyait sur des acteurs chevronnés, cantonnés dans Manon à des emplois secondaires, attribue les premiers rôles à des acteurs débutants, le rôle-titre à Cécile Aubry qu’il avait remarquée trois ans plus tôt au Cours Simon (elle allait, en 1965 écrire et coréaliser la première saison de la série Belle et Sébastien) et qu’il va longtemps essayer de façonner pour la préparer à son rôle. C’est Michel Auclair, repéré dans La Belle et la Bête de Jean Cocteau et dans Les Maudits de René Clément, qui sera choisi pour incarner Desgrieux, son premier grand rôle.

« On ne peut pas tout avoir, le fric et la romance »

Si Manon n’est pas dans la liste des films les plus connus d’Henri-Georges Clouzot, cette réplique du film souligne la cruelle acuité de son regard, quasi-désespéré, sur la société, sur les femmes, sur l’amour… que ses films précédents n’avaient pas si ouvertement révélée.

Manon illustre aussi le soin maniaque du réalisateur pour la mise en scène. Il a pu s’assurer la collaboration du chef opérateur Armand Thirard qui était derrière la caméra de Quai des Orfèvres et de L’Assassin habite… au 21. Clouzot a prolongé les répétitions, multiplié les prises jusqu’à ce qu’il soit pleinement satisfait du résultat, et a étiré le tournage, éprouvant pour l’équipe et les acteurs, sur sept mois, malgré les protestations de la production.

Ce qui nous vaut, en échange, de superbes cadrages dans les ruines de l’église Notre Dame de Vire et les belles scènes finales dans le désert où se dressent les formes étranges de palmiers morts, filmés en contre-jour, peut-être les gardiens de l’enfer qui obsède tant Robert Desgrieux.

Manon a été salué à Venise par le Lion d’or en 1949.

Manon

Présentation - 3,0 / 5

On retrouvera ce film, édité et restauré par les Éditions Montparnasse, dans le coffret Clouzot - L’essentiel (TF1 Studio - 24 octobre 2017).

Manon (102 minutes) et son supplément (12 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un épais boîtier (14 mm) glissé dans un étui.

Le menu animé et musical propose le film au format audio Dolby Digital 1.0.

Bonus - 3,5 / 5

En complément, Manon, l’amour fou (12’) propose une suite d’entretiens. Chloé Follens, auteur de la biographie Les Métamorphoses d’Henri-Georges Clouzot, voit dans le film une transition dans l’oeuvre du réalisateur, le premier tourné en grande partie en extérieurs, dans lequel l’architecture de la nature influe sur la tension psychologique des personnages. Puis Bertrand Schefer, écrivain et réalisateur, analyse les scènes finales dans lesquelles il discerne l’expression d’une fétichisation du corps de la femme. Ensuite, Frédéric Mercier, critique de cinéma, décortique les deux personnages principaux, formant un couple érotique, dont l’amour est sous-tendu par des transgressions répétées de l’ordre établi. Enfin, Noël Herpe, apparaissant en tant que commissaire de l’exposition Le Mystère Clouzot à la Cinémathèque française, relève notamment dans Manon les vues de Clouzot sur la femme qui ne peut être possédée que lorsqu’elle est sans défense, réduite à l’état d’objet, ce que confirmera avec évidence La Prisonnière, son dernier film.

Quatre regards avertis, parfaitement centrés sur le film, font de ce court et dense document un complément très utile du film, d’une qualité malheureusement beaucoup trop rare.

Manon

Image - 4,0 / 5

L’image (1.33:1) restaurée offre un fin dégradé de gris, avec des blancs lumineux et des noirs denses, bien modelés. Le bruit a été pratiquement éliminé, en évitant un lissage qui aurait pu dénaturer la texture argentique. L’image est toutefois un peu douce : on a vu des films de cette époque avec une meilleure définition des arrière-plans.

Son - 4,0 / 5

Le son Dolby Digital 1.0 bénéficie d’un excellent nettoyage (par les Studios Diapason) des bruits parasites et d’une étonnante réduction du souffle, à peine audible. Les dialogues sont clairement restitués. Quelques distorsions dans l’accompagnement musical, très démonstratif, de Paul Misraki.

Manon

Crédits images : © Éditions Montparnasse

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 30 octobre 2017
Manon, une transposition au XXe siècle du roman de l’Abbé Prévost, fournit à Clouzot l’occasion de jeter un regard glacial sur l’immédiat après-guerre, gangrené par la collaboration, le marché noir et la corruption et de se livrer à un brillant exercice de style, salué à Venise par le Lion d’or en 1949.

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