Réalisé par Niles Atallah
Avec
Rodrigo Lisboa et Claudio Riveros
Édité par Damned Films
Orllie-Antoine de Tounens, un avoué périgourdin, rejoignit le Chili en 1858 et partit en expédition dans le sud à la rencontre des Indiens Mapuches, Puelches et Tehuelches. Il les incita à se fédérer et à le nommer roi, sous le nom d’Orélie-Antoine Ier. La fondation, en 1860, de l’éphémère royaume d’Araucanie et de Patagonie visait à aider les Indiens à mieux résister aux tentatives de conquête de leurs terres par le Chili et l’Argentine…
Rey : l’histoire du Français qui voulait devenir roi de Patagonie (Rey), une coproduction entre la France, le Chili, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Qatar sortie en 2017, est le deuxième long métrage écrit et réalisé par le Chileno-américain Niles Atallah, après Lucia, sorti en 2010, mais pas distribué dans nos salles ni en vidéo. Il avait avant réalisé des courts métrages combinant images réelles et animation.
Exhumer de l’oubli l’histoire vraie d’Antoine de Tounens était un choix inspiré. Le réalisateur a préféré, en fonction de la rareté des témoignages irréfutables, une évocation impressionniste de cette fantasque épopée à une relation fidèle et linéaire de l’histoire.
Rey : l’histoire du Français qui voulait devenir roi de Patagonie morcelle le récit avec des sauts dans le temps, en arrière et en avant, avec l’insertion dans les scènes recréant l’aventure du Français de fausses archives filmées, soit empruntées au cinéma muet, soit à des actualités, notamment de la première guerre mondiale, soit encore, fabriquées par le réalisateur, toutes soigneusement vieillies par des rayures et des taches qui vont jusqu’à faire disparaître l’image et une altération du son par toutes sortes de bruits parasites. Des procédés qui, par leur excès et leur répétition, ont pu susciter quelques critiques, à juste titre.
Pour prendre encore plus de distance avec la réalité, Antoine de Tounens, interprété par l’acteur chilien Rodrigo Lisboa, apparaît souvent le visage recouvert par un masque en papier mâché, comme les autres acteurs, notamment dans les scènes pendant lesquelles il doit répondre de ses actes devant la justice chilienne qui le condamnera à l’exil.
Les scènes de son retour vers le sud le montrent suivi par deux hommes-chevaux, une référence manifeste au film de Jean Cocteau, Le Testament d’Orphée. La photographie, le traitement de l’image, le montage, la bande sonore… rappellent aussi la fantaisie du cinéma de Kenneth Anger, révélée en 2015 par l’édition Potemkine-Agnès B. du coffret Kenneth Anger : The Magick Lantern Cycle. Le chaos du dernier chapitre, intitulé L’apocalypse, est illustré par les actualités de la première guerre mondiale et par un extrait du segment Babylone d’Intolérance de D.W. Griffith.
Tous ces choix confirment l’approche surréaliste, appuyée par les monologues du personnage principal, une suite d’incantations poétiques au bord de la folie, un parti-pris qui fait l’originalité de Rey : l’histoire du Français qui voulait devenir roi de Patagonie auquel le Syndicat Français de la Critique de Cinéma décerna le Prix de la découverte au Cinélatino, le festival de cinéma d’Amérique Latine de Toulouse.
Ceux qui veulent en savoir plus sur l’aventure d’Orllie-Antoine de Tounens auront le choix d’aller fureter sur l’Internet, de lire la relation romancée faite par Jean Raspail dans Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie (Albin Michel, 1981) ou, pour une plus grande fidélité à l’histoire, paraît-il, de lire Le rêve du sorcier : Antoine de Tounens, roi d’Araucanie et de Patagonie de Jean-François Gareyte, Pierre Mollier et Bruno Fuligni (2 tomes, La Lauze Éditions, 2016 et juin 2018). Un buste sur piédestal, érigé en 2016 à Tourtoirac, un village de Dordogne, en face de la maison dans laquelle il est mort, préserve son souvenir.
Rey : l’histoire du Français qui voulait devenir roi de Patagonie (90 minutes) tient sur un DVD-9 logé dans un fin digipack. Le menu fixe et muet permet seulement de lancer le film au format audio Dolby Digital 2.0 stéréo, en espagnol, mapudungun et « patagon inventé », avec sous-titres français, un peu trop haut sur l’image. Un accès au menu contextuel révèle aussi la disponibilité de sous-titres en anglais et en allemand.
Aucun supplément vidéo.
Dommage que n’ait pas été inclus dans l’édition le communiqué de presse de quatre pages dans lequel le réalisateur dit avoir été attiré par l’excentricité et l’obstination du personnage et par le conte de fées qu’il a vécu, avoir souhaité provoquer chez le spectateur « un voyage dans le domaine des rêves oubliés », en renonçant à l’idée d’une « version officielle » de l’histoire. Il explique comment il a vieilli les fausses archives qu’il avait lui-même filmées en 16 mm, notamment en les enterrant, une façon de montrer que les souvenirs eux-mêmes s’altèrent.
La qualité de l’image (1.85:1) ne peut être appréciée que sur les séquences où elle n’a pas été volontairement altérée, voire massacrée. Bien résolue, avec de solides contrastes, elle procure une bonne impression de relief dans les pittoresques paysages de Patagonie. Les couleurs sont délibérément peu saturées jusqu’à donner un camaïeu de bleu dans les scènes de nuit.
Le son Dolby Digital 2.0 stéréo, en laissant de côté les nombreuses séquences où il a été trafiqué, bénéficie d’une large bande passante et d’une bonne dynamique. Une séparation efficace des deux voies donne de l’ampleur à l’accompagnement musical.
Crédits images : © Damned Films