Théâtre La Fenice : Alceste + Tannhäuser + La Flûte enchantée + L'Africaine : le test complet du DVD

Réalisé par Stéphane Vérité

Édité par Éditions Montparnasse

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Le 27/06/2019
Critique

Invitez-vous aux premières loges de La Fenice, un temple du bel canto, pour y assister à quatre opéras pour le prix de trois carnets de métro.

Théâtre La Fenice : Alceste + Tannhäuser + La Flûte enchantée + L'Africaine

Avec le Teatro alla Scala de Milan, le Teatro La Fenice est un haut-lieu de l’art lyrique en Italie, là où, au printemps de 1866, une représentation d’Il Trovatore de Verdi donna lieu à une protestation contre l’occupation autrichienne, que Luchino Visconti a rappelée dans Senso (1954). Construit en 1792 pour remplacer le théâtre San Benedetto, détruit par un incendie, il brûla à son tour en 1836, puis en 1996, et fut, à chaque fois, reconstruit à l’identique, renaissant de ses cendres comme l’oiseau mythique qui lui a donné son nom.

Le coffret Théâtre La Fenice ne nous autorise qu’un seul coup d’oeil sur la salle à l’italienne à l’impeccable acoustique, un magnifique écrin pour l’orchestre et le choeur du Gran Teatro La Fenice, un des temples du bel canto. C’est au lancement d’un des quatre DVD, celui de l’opéra L’Africaine. Sur les trois autres DVD, Alceste, La Flûte enchantée et Tannhäuser, enregistrés entre 2013 et 2017.

Alceste, opéra en trois actes de Christoph Willibald Gluck, sur un livret de Ranieri de’ Calzabigi. Admeto, roi de Thessalie, se meurt. Son épouse Alceste obtient des dieux qu’elle puisse mourir pour qu’Admeto vive. Ému par ce sacrifice, Apollon renvoie Alceste dans le monde des vivants. La version interprétée ici est celle créée à Vienne, en 1767. Avec Carmela Remigio (Alceste), Marlin Miller (Admeto) et Vincenzo Nizzardo (Apollo), direction : Guillaume Tourniaire.

Tannhäuser, dont le titre complet est Tannhäuser und der Sängerkrieg auf Wartburg, est un opéra en trois actes de Richard Wagner, également auteur du livret, créé le 19 octobre 1845 à Dresde, sous sa direction. Vénus retient prisonnier Tannhäuser, un jeune chanteur, qui réussit par miracle à se libérer et rejoint la cour de Warburg où le retient la nièce du Landgrave, Elisabeth, dont il fut amoureux. À un concours de chant, Tannhäuser révèle l’amour qu’il a éprouvé pour Vénus, ce qui lui vaut d’être condamné à mort. Grâce à l’intercession d’Elisabeth, il sera absous s’il obtient le pardon du pape. Mais son crime est si horrible qu’il ne pourra être pardonné que lorsque son bâton de pèlerin reverdira… Avec Paul McNamara (Tannhäuser), Christoph Pohl (Wolfram), Liene Kinca (Elisabeth), direction : Omer Meir Wellber.

Théâtre La Fenice : Alceste

La Flûte enchantée (Die Zauberflöte), opéra en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart sur un livret d’Emanuel Schikaneder (curieusement rebaptisé Wiedner Schikaneder sur le DVD), créé à Vienne le 30 septembre 1791. Égaré, le prince Tamino, attaqué par un serpent, s’évanouit. Il a été sauvé par les trois dames d’honneur de la Reine de la nuit, qui lui demandent, en échange, avec l’aide de Papageno, de délivrer Pamina, la fille de la Reine de la nuit, enlevée par Monostatos, le serviteur maure de Sarastro. Elles donnent à Pamino une flûte enchantée, à Papageno, un carillon magique… Avec Goran Jurić (Sarastro), Antonio Poli (Tamino), Ekaterina Sadovnikova (Pamina), Alex Esposito (Papageno) et Olga Pudova (La Reine de la nuit), direction : Antonello Manacorda.

Théâtre La Fenice : La Flûte enchantée

L’Africaine, opéra en cinq actes de Giacomo Meyerbeer, livret d’Eugène Scribe, créé à l’Opéra de Paris (alors rue Le Peletier) le 28 avril 1865, un an après la mort du musicien. Vasco de Gama, un des rares survivants du naufrage de la flotte de l’amiral Diaz, retrouve à Lisbonne Inès, son aimée. Accompagné de deux esclaves, Sélika et Nélusko, il propose au conseil de l’amirauté de partir à la découverte de terres inconnues de la Bible, ce qui lui vaut d’être jeté en prison. Don Pedro dirigera la flotte sous la conduite de Nélusko qui la fera se fracasser sur les rivages d’Indoustan dont Sélika est la reine. Elle sauve Vasco de la mort promise aux étrangers qui foulent le sol d’Indoustan en prétendant qu’il est son époux. Mais Vasco aperçoit Inès qu’il croyait morte. Sélika les laisse prendre la mer tous les deux et meurt dans les bras de Nélusko après s’être empoisonnée en respirant les fleurs d’un mancenillier. Avec Jessica Pratt (Inès), Gregory Kunde (Vasco de Gama), Sélika (Veronica Simeoni), Luca Dall’Amico (Don Pédro), direction : Emmanuel Villaume.

Théâtre La Fenice : L'Africaine

La sélection faite pour cette édition, sortant du répertoire traditionnel de La Fenice, a l’avantage de proposer un éventail largement ouvert d’oeuvres, allant de la fin du baroque avec l’Alceste de Gluck au compositeur de l’opéra le plus joué au XIXème siècle, Giacomo Meyerbeer, aujourd’hui beaucoup moins : il n’a pas été monté au Palais Garnier depuis… 1902 !

Alceste est peu souvent joué, surtout dans sa version de 1767, en italien. La plus connue est celle, dite de Paris, assez différente, que Gluck a composée en 1776. Cette version de Vienne est abrégée : a été escamoté le personnage d’Hercule qui vient au secours d’Alceste en vainquant Thanatos et qu’Apollon rend immortel en récompense de sa bravoure. Carmela Remigio, plutôt familière de Verdi et Puccini, s’acquitte bien du rôle-titre, notamment dans le grand air « Ombre, larve, compagne di morte… ». La direction de Guillaume Tourniaire (encore un chef français !) évite l’emphase qui a souvent alourdi la musique de Gluck et la mise en scène épurée de Pier Luigi Pizzi : un décor géométrique avec colonnes, perron, et carrelage, longues tuniques blanches, (noire pour Alceste pendant son séjour dans le domaine d’Hadès) favorise la concentration sur les solistes et les choeurs.

Théâtre La Fenice : Alceste

Tannhäuser est également servi par la direction du chef israélien Omer Meir Wellber qui donne une interprétation aérée de la magnifique ouverture. Un opéra à regarder les yeux fermés. Pas parce que l’image tend à réduire le champ de l’imagination, surtout dans l’oeuvre de Wagner. Cette version de l’opéra ne restera pas dans les annales, malgré la qualité de sa direction et les honnêtes performances de Paul McNamara et de Christoph Pohl.

La Flûte enchantée bénéficie de la mise en scène plus inspirée de Damiano Michieletto. Le décor principal est celui d’une salle de classe. Pamino est un des élèves, en culottes courtes, Pagageno ouvrier d’entretien et les trois dames d’honneur de la Reine de la nuit sont des bonnes soeurs. Le tableau noir qui occupe presque toute la largeur de la scène sert de support à des animations (la première avec le serpent menaçant) et s’escamote pour découvrir, sur toute la profondeur d’une forêt, une seconde scène en surplomb de la première. Une modernité qui fait bon ménage avec l’intemporalité de cet ultime chef d’oeuvre de Mozart, interprété avec classe. Olga Pudova, une habituée du rôle de la Reine de la nuit, s’acquitte très bien du deuxième air, « Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen », quand elle donne à Pamina un poignard pour tuer Sarastro. La baguette délicate d’Antonello Manacorda opère surtout le charme.

L’Africaine a longtemps créé l’événement : sa représentation s’étalait sur six heures, avec quatre entractes et un ballet à l’acte IV, des décors fastueux et une débauche de costumes. Aujourd’hui on ressent les faiblesses du livret d’Eugène Scribe, bourré de clichés. Pourtant, cette dernière oeuvre de Meyerbeer permet d’apprécier la richesse et l’inventivité d’une orchestration que louera Hector Berlioz, particulièrement mise en valeur, dans cette édition, par le chef français Emmanuel Villaume. Une rareté, donc, dans un bel écrin. À noter la belle prestation des chanteurs, en particulier du ténor Gregory Kunde dans le rôle de Vasco de Gama, et aussi l’élégante mise en scène de Leo Muscato, avec costumes d’époque.

Le coffret Théâtre La Fenice contient des enregistrements réalisés de 2013 à 2017 par notre compatriote Stéphane Vérité, spécialisé dans la captation d’opéras (et de Nicolas Foulon pour La Flûte enchantée). Elles évitent le pire des tics du genre, un montage avec gros plans sur les instruments de l’orchestre en cadence avec la musique, en proposant une alternance opportune, à un rythme mesuré, de plans larges et de gros plans.

Théâtre La Fenice : Alceste

Édition - 3,5 / 10

Le coffret Théâtre La Fenice, d’une durée totale de 666 minutes (diabolique !), contient quatre DVD-9 logés dans un digipack à quatre volets, un par opéra : Alceste (151’, en italien), Tannhäuser (190’, en allemand), La Flûte enchantée (145’, en allemand) et L’Africaine (180’, en français), tous au format audio Dolby Digital 2.0 stéréo.

Des sous-titres sont imposés et même incrustés dans l’image, sauf pour La Flûte enchantée, et placés trop haut pour L’Africaine.

Aucune interactivité, mais un problème : l’absence de chapitrage. Si vous avez envie de réécouter le fameux deuxième air de la Reine de la nuit, il vous faudra aller en avance rapide jusqu’à 89’20” !

Aucun supplément, donc, alors que quelques lignes sur l’argument de chaque opéra n’auraient pas pesé sur le prix de revient du coffret proposé, il est vrai, à un prix très abordable.

L’image 1.78:1, en dépit de la durée des opéras stockés sur chaque disque (3h10 pour Tannhäuser), ne souffre d’aucun défaut de compression. Elle est cependant un peu douce, mais agréablement contrastée, avec des noirs assez fermes qui peuvent avoir tendance à se boucher occasionnellement, notamment dans une des scènes finales de Tannhäuser, celle du duo entre Tannhäuser et Wolfram, où Elisatbeth disparaît dans l’obscurité.

Le son Dolby Digital 2.0 stéréo, allie une belle ouverture du spectre, par exemple dans La Flûte enchantée des notes cristallines du Glockenspiel de Papageno à la basse profonde de Sarastro, une bonne dynamique à une finesse qui ne fait rien perdre de la musique à laquelle la séparation des deux voies donne une belle ampleur. Le seul bémol tient à un souffle qui aurait dû pouvoir être réduit lors de l’enregistrement. On l’oublie le plus souvent, mais il s’impose un peu trop dans les passages pianissimo et dans les récitatifs.

Crédits images : © Éditions Montparnasse

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 27 juin 2019
Les Éditions Montparnasse vous proposent, réunis en un seul coffret, quatre opéras élégamment captés dans un des temples du bel canto, le Théâtre La Fenice de Venise, dont deux assez rares, la version en italien de l’Alceste de Gluck et L’Africaine de Meyerbeer, un opéra-culte à la fin du XIXème siècle, délaissé depuis.

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Théâtre La Fenice : Alceste + Tannhäuser + La Flûte enchantée + L'Africaine
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