Donbass (2018) : le test complet du DVD

Réalisé par Sergeï Loznitsa
Avec Valeriu Andriuta, Natalya Buzko et Evgeny Chistyakov

Édité par Pyramide Vidéo

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Le 07/02/2019
Critique

Donbass

Dans le Donbass, région de l’est de l’Ukraine, une guerre hybride mêle conflit armé ouvert, crimes et saccages perpétrés par des gangs séparatistes. Dans le Donbass, la guerre s’appelle la paix, la propagande est érigée en vérité et la haine prétend être l’amour. Un périple à travers le Donbass, c’est un enchainement d’aventures folles, dans lesquelles le grotesque et le tragique se mêlent comme la vie et la mort. Ce n’est pas un conte sur une région, un pays ou un système politique, mais sur un monde perdu dans l’après vérité et les fausses identités. Cela concerne chacun d’entre nous.

Donbass, du nom de la province de l’Ukraine, majoritairement russophone, partageant sa frontière avec la Russie, a été réalisé en 2018 par Sergei Loznitsa, auteur à ce jour d’une bonne vingtaine de documentaires, courts et longs, mais aussi de trois longs métrages de fiction, My Joy (Schaste moe, 2010), sur les affres d’un routier face à un pouvoir abusif, Dans la brume (V tumane, 2012), sur le drame d’un homme faussement accusé de collaboration avec l’occupant allemand en 1942, et Une femme douce (Krotkaya, 2017)… dont la vie est bouleversée par le retour, sans explications, du colis qu’elle avait envoyé à son mari emprisonné. Trois histoires d’individus entraînés dans les rouages insensibles d’un système, trois films politiques.

Quand la fiction dépasse la réalité

Donbass n’est pas vraiment une fiction, juste une suite de scènes non reliées par le fil d’un récit, avec, dans chacune, des personnages nouveaux dont on ne sait rien, pas même leur nom. Seulement des habitants de quelques petites villes du Donbass, surpris, comme par hasard, par l’objectif de Sergei Loznitsa. Un peu comme tous ceux qu’il a filmés dans de nombreux documentaires, sa spécialité.

Donbass est, en quelque sorte, un documentaire, mais d’un genre particulier, celui du faux documentaire. Les habitants des petites villes sont des acteurs, pas forcément connus chez nous, mais des acteurs quand même. On peut reconnaître parmi eux Valeriu Andriuta, un familier du cinéma de Cristian Mungiu, vu notamment dans Au-delà des collines (Dupa dealuri, 2012) et dans Baccalauréat (2016).

Donbass

La tranquillité d’un salon de coiffure troublée par des bombardements, une femme s’estimant calomniée par la feuille de chou locale qui se venge en déversant un seau d’excréments sur la tête du maire, un mariage grotesque, la visite d’un abri insalubre où s’entassent et crèvent de faim des réfugiés dont la maison a été détruite, une maternité à l’arrêt parce que son directeur a confisqué vivres et médicaments qu’il revend à son profit, un journaliste allemand traité de nazi à un point de contrôle par des miliciens sans foi, ni loi, ni chef… Une succession de scènes disparates, sous le regard goguenard et accusateur que porte le réalisateur sur les séparatistes et les soldats russes. Il épingle à l’occasion la corruption, les spoliations, les intimidations, les chantages, en basculant sans ambages de la grosse farce, celle du mariage ou celle du seau de merde, à l’horreur dans la scène où un loyaliste ukrainien, attaché mains derrière le dos à un réverbère, une pancarte sur le ventre, sous la garde de deux militaires impassibles, est abandonné au lynchage d’une petite foule qui s’est progressivement agglutinée autour de lui. Insoutenable !

Donbass, comme Frost, une autre fiction aux allures de documentaire, projette une image, fabriquée sans aucun doute, mais très vraisemblablement révélatrice du bien réel chaos créé par le conflit qui déchire l’Ukraine orientale depuis 2014.

Le film fut salué en 2018 par le Prix de la mise en scène à Cannes, dans la section Un certain regard.

On peut encore trouver dix des documentaires de Sergei Loznitsa sur deux DVD : Films de Sergeï Loznitsa et Revue + The Event, sortis en 2017 et une fiction, sortie en 2018, Une femme douce, trois éditions de Potemkine Films.

Donbass

Présentation - 4,0 / 5

Donbass (117 minutes) et son supplément (34 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un boîtier, non fourni pour le test, effectué sur check disc.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en russe et ukrainien, avec sous-titres imposés qui auraient pu être placés plus bas sur la bande noire, et le choix entre deux formats audio, Dolby Digital 5.1 ou 2.0 stéréo.

Bonus - 4,0 / 5

La fabrique des sons, masterclass de Sergei Loznitsa (34’, Pyramide Vidéo, 2019). Invité à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou, le cinéaste parle de son rapport au son. Il participe à tout le processus d’élaboration du film, y compris au montage de l’image et du son, la complexe combinaison d’une dizaine de pistes sonores qu’il accomplit avec son ingénieur du son, Vladimir Golovnitskiy, lui-même présent tout au long du tournage. Dans son documentaire Le jour de la victoire, célébrant l’anniversaire de la victoire de l’Armée rouge sur les troupes allemandes, la musique joue un grand rôle, ce que montre la projection de la séquence d’ouverture du film où six soldats s’entraînent à marcher au pas. Le son a été, en partie seulement, capté par le micro fixé sur la caméra, mais on n’aurait presque pas entendu le bruit des pas et le chant des soldats s’ils n’avaient été enregistrés séparément. Le son direct, trop plat, ne suffit pas à attirer l’attention du spectateur sur ce que le réalisateur veut mettre en avant. Dans les documentaires, l’élimination de bruits gênants peut conduire à la sonorisation entière d’une séquence en studio. La démonstration de l’efficacité de la démarche est apportée par la projection de la première scène de Donbass (4 minutes) avec le seul son direct, puis avec le son travaillé en postproduction. L’ajout successif de bruitage, cris de choucas, pas et respiration des personnages, jeux d’enfants, sirènes… modifie l’ambiance de la scène. Passionnant !

Une terrible réverbération rend difficilement compréhensible la traduction des cinq premières minutes, un comble pour une conférence sur le son !

Bandes-annonces de Donbass et de deux remarquables films d’Andreï Zviaguintsev édités par Pyramide Vidéo, Leviathan (Leviafan, 2014) et Faute d’amour (Nelyubov, 2017), également disponibles dans Andreï Zviaguintsev - Coffret : Le Retour + Le Bannissement + Elena + Leviathan + Faute d’amour.

Donbass

Image - 4,5 / 5

L’image (2.35:1), précise, agréablement contrastée, propose une délicate palette de couleurs soigneusement étalonnées, donnant une vision naturaliste de l’hiver dans l’Oblast de Dnipropetrovsk, le lieu de tournage du film, à la frontière du Donbass.

Son - 5,0 / 5

Le Dolby Digital 5.1 (ou 2.0 stéréo pour les installations à deux canaux) bénéficie d’une large bande passante avec des basses fermes et d’une bonne dynamique permettant d’apprécier le travail effectué sur le son, bien décrit dans le bonus qui pourra avantageusement être visionné avant le film. Une répartition cohérente sur les cinq canaux assure une convaincante impression d’immersion dans l’action.

Donbass

Crédits images : © Pyramide

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 8 février 2019
Un faux documentaire sur le vrai chaos dans lequel est plongé depuis cinq ans le Donbass, la province russophone de l’Ukraine, salué en 2018 par le Prix de la mise en scène à Cannes, dans la section Un certain regard.

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