Réalisé par Alice Rohrwacher
Avec
Adriano Tardiolo, Agnese Graziani et Luca Chikovani
Édité par Ad Vitam
Lazzaro, un jeune paysan d’une bonté exceptionnelle, vit à l’Inviolata, une exploitation agricole restée à l’écart du monde sur laquelle règne la marquise Alfonsina de Luna. La vie des paysans est inchangée depuis toujours : ils sont exploités et, à leur tour, abusent de la bonté de Lazzaro. Un été, il se lie d’amitié avec Tancredi, le fils de la marquise. Une amitié si précieuse qu’elle lui fera traverser le temps et mènera Lazzaro au monde moderne.
Heureux comme Lazzaro (Lazzaro felice) est le troisième long métrage écrit et réalisé par Alice Rohrwacher, après Corpo celeste, sorti dans nos salles fin 2011 (disponible en vidéo en Italie et aux USA) et Les Merveilles (Le Meraviglie), distingué par le Grand prix du jury à Cannes en 2014.
Heureux comme Lazzaro, inscrit dans la sélection pour la Palme d’or, a été récompensé à Cannes par le Prix du meilleur scénario, écrit par la réalisatrice. Un scénario qui trouble la perception du temps en semblant nous ramener à un passé où les métayers, en état de quasi servage, étaient débiteurs envers le propriétaire de la moitié de la production des terres qu’ils cultivaient, jusqu’à ce que le téléphone mobile du marchesino Tancredi, le fils de la propriétaire nous confirme que l’action se déroule bien vers la fin des années 90.
« Les libérer serait leur faire prendre conscience de leur condition d’esclaves »
Lazzaro montre les paysans, entassés à vingt-six dans une petite maison, tenus par la marquise à l’écart du reste du monde, dans l’illusion que leur situation est normale, au point que lorsqu’un gendarme s’étonne que les enfants n’aillent pas à l’école, on lui rétorque, comme une évidence : « L’école, c’est pour les gens riches ! »
C’est dans un cadre fantastique, celui de la Valle dei Calanchi qui, dans la province de Viterbe, entoure Bagnoregio, un village mourant que le tourisme a ramené à la vie. Un sol aride, argileux, sculpté par le ruissellement des eaux, un endroit perdu où l’on n’entend que le sifflement du vent, le crépitement de la pluie et, la nuit, le hurlement des loups qui, en mangeant deux chapons revenant à la marquise, ont encore alourdi la dette des métayers.
En total contraste, les abords d’une grande ville, bruyants et impersonnels seront l’environnement de la deuxième moitié du film, tournée à Milan et à Turin, sous le regard étonné du naïf et bienveillant Lazzaro auquel Adriano Tardiolo, ici dans son premier rôle, donne une présence inoubliable. Il est entouré d’autres débutants, mais aussi d’acteurs professionnels en tête desquels on remarque la soeur aînée de la réalisatrice, Alba Rohrwacher, qu’avaient révélée deux films de Saverio Csotanzo, La Solitude des nombres premiers en 2011 et Hungry Hearts en 2014. Elle avait ému dans Vierge sous serment (Vergine giurata, Laura Bispuri, 2015) et on l’a récemment revue dans la minisérie Il Miracolo, créée en 2018 par Niccolò Ammaniti, dans laquelle jouait aussi Tommaso Ragno, ici dans le rôle de Tancredi adulte. On retrouve également Sergi López et David Bennent, celui qui n’avait que 13 ans en 1979 quand il interprétait Oskar dans Le Tambour (Die Blechtrommel) de Volker Schlöndorff.
La photographie en Super 16, principalement en lumière naturelle, donne à l’image une très agréable texture et le discret accompagnement musical avec des réductions de Casta Diva pour une boîte à musique et de La Traviata, une pièce pour orgue de Karol Mossakowski et une curieuse interprétation d’un prélude de Bach au pianoforte soulignent le réalisme poétique de ce film si original.
Heureux comme Lazzaro (122 minutes) et son supplément (10 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un boîtier épais de 14 mm, glissé dans un étui.
Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres imposés, sous deux formats audio, Dolby Digital 5.1 et 2.0 stéréo, et dans un doublage en français DD 5.1.
Piste d’audiodescription DD 2.0 et sous-titres pour malentendants.
Entretien avec la réalisatrice Alice Rohrwacher (10’, en italien, sous-titré). L’idée du scénario lui est venue quand elle était encore à l’école, de la lecture dans un journal d’un article intitulé « Étrange et amusant, mais vrai ! » sur l’exploitation de paysans au mépris des lois. Pour évoquer l’évolution de l’Italie, elle a imaginé de faire faire un saut dans le temps à Lazzaro, un personnage qui tient à la fois de l’idiot du village et de l’ange, une image de l’innocence originelle de l’homme, fondamentalement altruiste, spectateur bienveillant du bonheur des autres. Elle a voulu faire du film une parabole politique sur l’exclusion.
Bande-annonce.
L’image (1.66:1), lumineuse, bien contrastée, avec des noirs denses, propose des couleurs naturelles, soigneusement étalonnées. La finesse du grain de la pellicule Super 16 lui donne une texture particulièrement délicate.
Le son Dolby Digital 5.1 de la version originale (ou DD 2.0 stéréo, au choix) restitue les dialogues avec clarté et l’accompagnement musical avec finesse. L’utilisation modérée des voies latérales réussit cependant à créer une discrète sensation d’immersion dans les bruits de la campagne et de la ville.
Ces remarques s’appliquent aussi au doublage qui manque toutefois un peu de naturel.
Crédits images : © Tempesta 2018