Réalisé par Erik Poppe
Avec
Andrea Berntzen, Aleksander Holmen et Brede Fristad
Édité par Potemkine Films
Le 22 juillet 2011 à 15h26, l’explosion d’une voiture piégée dans le quartier des ministères d’Oslo tue huit personnes et en blesse une quinzaine d’autres. Deux heures plus tard, à 40 kilomètres de là, l’auteur de l’attentat à la bombe, un extrémiste de droite sous un uniforme de la police, aborde l’île d’Utøya où se tient l’université d’été de la Ligue des jeunes travaillistes, tire sur les jeunes qu’il a rassemblés avant de les poursuivre. En 72 minutes, avant que la police ne le neutralise, il tuera 69 participants, dont plus de la moitié étaient encore mineurs, et en blesse près de 150. De nombreux rescapés auront du mal à se remettre du stress post-traumatique.
Utøya, 22 juillet (Utøya 22. juli), réalisé par le cinéaste norvégien Erik Poppe, est le premier film consacré au massacre qui a soulevé une émotion et une condamnation planétaire. Il sera suivi du documentaire Reconstructing Utøya (Rekonstruksjon Utøya, Carl Javér, 2018) et de Un 22 juillet (22 July, Paulo Greengrass, 2018).
Utøya, 22 juillet est le sixième long métrage d’Erik Poppe, dont deux autres ont été édités en vidéo en France, En eaux troubles (De Usynlige, 2008) et L’Epreuve (Tusen ganger god natt, 2013), sur les pas d’une photographe de guerre, un métier qu’il a exercé avant de devenir cinéaste.
La caméra, dans ce qui apparaît comme un unique plan-séquence (les raccords entre les cinq plans sont quasiment indécelables), suit, sans jamais la quitter, Kaja, venue là avec sa jeune soeur Emilia. Rien de spectaculaire dans le traitement du sujet. On n’assiste pas à la fusillade mais on ressent fortement l’incompréhension et la panique des jeunes, ne sachant pas d’où viennent les tirs, ni où s’enfuir pour échapper au tueur. À peine Kaja aperçoit-elle derrière un rideau d’arbres la silhouette indistincte d’un homme marchant tranquillement, celle du tueur, très probablement. La reconstitution des événements, en temps réel, avec des acteurs non professionnels a été étroitement dictée par le témoignage et les conseils de survivants.
Utøya, 22 juillet, avec un tel choix scénaristique, met le spectateur à la place des jeunes, en générant une angoisse d’autant plus grande pendant 72 longues minutes qu’il est impossible de localiser le tireur dans l’obscurité des sous-bois. Le climat anxiogène est encore accentué par l’absence d’accompagnement musical, le silence n’étant rompu que par quelques dialogues, par des cris dans le lointain et, surtout, par les coups de feu méthodiques, entêtés.
Certains ont reproché au film de s’être limité à montrer les faits bruts, sans analyser le tragique de la situation, voire de « jouer la carte du sensationnel ». Ces critiques me paraissent imméritées. À quoi servirait-il, en effet, de gloser sur l’injustifiable atrocité de la tuerie ? L’objectif du film était clair : faire ressentir au spectateur ce qu’ont pu éprouver les jeunes pris dans ce piège mortel. Un objectif atteint, avec la pudeur requise. Et tant mieux si le scénario n’a pas eu recours aux flashbacks sur des moments de vie des protagonistes avant le 22 juillet, un écueil récurrent du genre, sur lequel a sombré Le 15h17 pour Paris (The 15:17 to Paris, 2018), le film que Clint Eastwood n’aurait jamais dû réaliser.
Utøya, 22 juillet (93 minutes) et ses suppléments (24 minutes) tiennent sur un DVD-9, logé dans un boîtier standard non fourni pour le test, effectué sur check disc.
Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres optionnels, au format audio Dolby Digital 5.1.
Utøya, 72 minutes qui nous ont changé pour toujours : un film sur le film (22’). On voit les jeunes figurants débarquer sur l’île le premier jour du tournage. C’est la rage suscité par le massacre qui a poussé Erik Poppe à réaliser le film. Il a voulu coller aux faits, sans chercher à épargner au spectateur l’horreur de la situation dans laquelle se sont trouvés les jeunes. Les deux scénaristes disent qu’elles ont choisi, dans un cadre dessiné par le réalisateur et après la lecture de 500 témoignages, de créer le personnage fictif de Kaja. Le tournage a eu lieu sur une île proche d’Utøya, sur le même lac. On assiste à la préparation des cinq plans-séquences, un par jour pendant les cinq jours qu’a duré le tournage.
Avant Berlin (2’). Erik Poppe, un soir de février, sous la neige, rentre chez lui à pied. Il sort du studio : le montage du son vient d’être terminé, marquant la fin d’un an de travail ininterrompu, juste à temps pour la présentation du film sélectionné à la Berlinale pour l’Ours d’or.
L’image (1.78:1), avec une définition donnant une belle profondeur de champ dans les scènes tournées en extérieur (toutes, sauf une), agréablement contrastée, offre des couleurs naturelles, soigneusement étalonnées.
Le son Dolby Digital 5.1, clair, avec une dynamique qui accentue l’impact des coups de feu, réussit à immerger le spectateur dans l’action par une répartition cohérente sur les cinq canaux.
Crédits images : Agnete Brun © Paradox