Corleone (2019) : le test complet du DVD

Réalisé par Mosco Boucault

Édité par ARTE ÉDITIONS

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Le 10/10/2019
Critique

L’irrésistible ascension et la chute de Totò Riina. Devenu le parrain de Cosa Nostra, il osa défier l’État italien pendant une quinzaine d’années.

Corleone

L’histoire de Salvatore ‘Totò’ Riina, fils d’un paysan miséreux de Corleone, une petite ville à une soixantaine de kilomètres au sud de Palerme, devenu le chef la Cosa Nostra, « il capo dei capi », puis de sa chute, racontée par des témoins directs.

Corleone, diffusé par Arte le 27 août 2019, divisé en deux parties, 1. Le pouvoir par le sang, 2. La chute, est l’oeuvre du réalisateur et scénariste français Mosco Lévi Boucault, auteur, depuis 1977, d’une vingtaine de documentaires. D’une trilogie, en 1991, Mémoires d’ex, sur le Parti communiste français de sa fondation en 1920 jusqu’à la chute du mur de Berlin, en novembre 1989. Mais aussi de nombreux sujets situés à l’extérieur de l’hexagone, au Japon, en 1981 et 1983, avec Un goût de Tokyo et 12 millions de Tokyo, aux USA avec Philadelphia: fusillade de Mole Street (1997), en Afrique avec A Murder in Abidjan (1999), en Italie avec Berlusconi, Affaire Mondadori (2006) et Ils étaient les Brigades Rouges 1969-1978 (2011)…

Totò Riina, surnommé « Totò u curtu » (Toto le petit : il mesurait 1,58 m), devenu à 7 ans le chef de la famille à la mort accidentelle de son père, emprisonné pour meurtre à 19 ans, apprendra les ficelles du métier de délinquant de Luciano Liggio, le lieutenant du docteur Michele Navarra, le parrain de Corleone. Liggio prendra la place de son patron après l’avoir exécuté et ordonné la mort de 50 membres de son clan.

Corleone

Corleone suit le parcours de Totò Riina. D’abord son irrésistible ascension : il deviendra, dès le début des années 80, le chef incontesté de Cosa Nostra, un sanglant « dictateur », probablement l’auteur direct d’une quarantaine d’assassinats et commanditaire de plus d’une centaine d’autres, notamment des attentats visant les juges Falcone et Borsellino. Puis sa chute, dont l’un des responsables sera Tommaso Buscetta, un mafioso « repenti » (pentito) : ses révélations au juge Falcone, tenues secrètes, permettront à la police de lancer 395 mandats d’arrêts qui seront exécutés simultanément avec un total effet de surprise. Cet événement amena Totò Riina à comparaître au « maxi processo » devant ses juges qui, bien qu’il ait prétendu n’être qu’un pauvre paysan inculte, le condamneront à la perpétuité sans possibilité de réduction de peine. Il mourra en prison d’un cancer, en 2017.

Assoiffé de pouvoir (conformément au dicton « Comandare è meglio che fare l’amore », plus précisément « Cummannari è megghiu ‘ca futtiri » en dialecte sicilien), il a imposé sa loi par la terreur, osant défier l’État italien. Sa cruauté dépasse l’entendement comme en témoigne la triste fin d’un fils de Tommaso Buscetta : son bras fut coupé et dévoré sous ses yeux avant qu’il ne meure déchiqueté par des cochons affamés ! Comme le rappelle la confession d’un repenti, citée par Nathalie Bauer dans le livret joint au DVD, « Quand Riina nous conviait à déjeuner, si on s’y rendait, on risquait de ne pas en revenir, si on ne s’y rendait pas, on risquait la mort tout autant. » Des disparitions définitives par strangulation, avant que les cadavres soient dissous dans un bain d’acide.

Corleone, au-delà du rappel des faits et gestes de Totò Riina, éclaire sur la nature et le fonctionnement de Cosa Nostra, une institution devenue facteur d’ordre. Tacitement soutenue par l’église catholique et par certains hommes politiques, elle jouait le rôle d’un « ascenseur social » en assurant le respect de ses membres, en leur ouvrant toutes les portes. Les entretiens avec les sicaires repentis, camouflés sous une nouvelle identité, en disent long sur leur attachement aux « familles », inspiré par un mélange de crainte et de fierté.

Corleone

Gage de la crédibilité des informations données, la qualité des intervenants : le procureur Giuseppe Ayala, le commissaire Francesco Accordino, Giovanni Anania, l’avocat de Riina, le journaliste de la RAI Salvatore Cusimano, sans compter les hommes de main repentis.

Le crime organisé a été, particulièrement pour les réalisateurs italiens ou d’origine italienne, une source d’inspiration d’oeuvres fortes, telles Salvatore Giuliano (Francesco Rosi, 1962), la trilogie du Parrain (The Godfather, 1972, 1974 et 1990), une adaptation par Francis Ford Coppola du roman de Mario Puzo publié en 1969, Il était une fois en Amérique (Once Upon a Time in America, Sergio Leone, 1984, l’adaptation d’un roman de Harry Grey). La télévision n’a pas été de reste, notamment avec deux remarquables séries, Les Soprano (The Sopranos, créée par David Chase en 1999, 6 saisons, 86 épisodes) et Boardwalk Empire, créée par Terence Winter en 2010 (5 saisons, 57 épisodes).

Mais aucune de ces oeuvres n’a égalé l’authenticité de la série Corleone (Il Capo dei capi), créée en 2007 par Stefano Bises, Claudio Fava et Domenico Starnone, une glaçante adaptation du livre d’Attilio Bolzoni et Giuseppe D’Avanzo, Il Capo dei capi. Vita e carriera criminale di Totò Riina, publié en 1993. Il faut aussi rappeler la remarquable série sur la Camorra, la mafia napolitaine, Gomorra - La série, créée en 2014 par Leonardo Fasoli, Stefano Bises, Roberto Saviano, Ludovica Rampoldi et Giovanni Bianconi (48 épisodes à ce jour).

Corleone

Présentation - 3,5 / 5

Corleone (146 minutes) tient sur un DVD-9 logé dans un boîtier épais de 14 mm, glissé dans un étui.

Le menu animé et musical propose le documentaire dans sa version originale, en italien, avec sous-titres optionnels, au format audio Dolby Digital 1.0 et les commentaires en voice over en français de Nathalie Bauer.

Sous-titres anglais disponibles.

À l’intérieur du boîtier, un livret de 16 pages contenant, après un court synopsis, Corleone, une réalité derrière le mythe, un intéressant article de Nathalie Bauer, romancière et traductrice. Résidant alors en Italie, elle garde intact le souvenir des spectaculaires attentats qui coûtèrent la vie aux deux magistrats, Paolo Borsellino et Giovanni Falcone, vus par les Italiens comme « une sanction de l’échec de l’État ». Elle rappelle les circonstances qui ont conduit Totò Riina devant ses juges. Elle n’a pas hésité à accepter d’aider Mosco Lévi Boucault à réaliser son documentaire, « un hommage aux juges assassinés et à tous ceux qui ont perdu leur vie dans la lutte contre la barbarie » et une « exploration quasi-chirurgicale de Cosa Nostra ». Suit Lettre à Mosco, écrite par Franz Pivoňka, détective à Prague, un ami de Jan Zábrana, collaborateur de Mosco Lévi Boucault à l’image et au montage de Corleone. Une lettre sympathique, rappelant sa rencontre avec le réalisateur à Prague, mais qui ajoute peu au visionnage du documentaire, si ce n’est sur les précautions prises pour les entretiens avec les sicaires repentis masqués, dans des lieux tenus secrets. Le livret se referme sur une courte biographie du réalisateur.

Corleone

Bonus - 0,0 / 5

Aucun supplément vidéo.

Image - 4,5 / 5

L’image (1.78:1) est soignée : précise, bien contrastée, avec des noirs denses et des couleurs naturelles. La qualité des nombreuses archives insérées dans le documentaire peut varier mais reste, dans l’ensemble, tout à fait correcte, notamment celles, particulièrement intéressantes, filmées pendant le « Maxi processo ».

Son - 4,5 / 5

Le son Dolby Digital 1.0, très propre, assure une parfaite clarté des entretiens. La qualité du son des archives est variable, mais toujours acceptable.

Crédits images : © Zek Productions

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 10 octobre 2019
La crédibilité des informations fournies par des hommes qui ont traqué Toto Riina et par certains de ses hommes de main repentis permet, non seulement de retracer l’irrésistible ascension d’un petit paysan inculte à la tête de Cosa Nostra, mais aussi de lever le voile qui recouvrait cette institution du crime organisé. Passionnant !

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