Madame Fang (2017) : le test complet du DVD

Mrs. Fang

Réalisé par Wang Bing
Avec et Xiuying Fang

Édité par Potemkine Films

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Le 30/06/2020
Critique

Les derniers jours de la vie de Madame Fang donnent au documentariste Wang Bing l’occasion de filmer l’envers du décor de la province de Zhejiang.

Madame Fang

Dans la province de Zhejiang, un petit village au bord du fleuve Yangzi Jiang. C’est là qu’a vécu Xiùyīng Fāng, née en 1948, mère de deux enfants, souffrant de la maladie d’Alzheimer depuis 2007. C’est là qu’elle a été ramenée pour terminer sa vie. Le documentariste Wang Bing a été autorisé par la famille à filmer la dernière semaine de la vie de Madame Fang, morte chez elle en juin 2016, entourée de ses proches.

Madame Fang (Fāng Xiùyīng, titre international : Mrs. Fang) a été réalisé par Wang Bing, un habitué des festivals de cinéma, salué par de nombreux prix, notamment, dans la Sélection Orizzonti à la Mostra de Venise, celui du Meilleur film pour Les Trois soeurs du Yunnan (San zimei), en 2012, et celui du Meilleur scénario pour Argent amer (Ku Qian), en 2016, dénonçant l’exploitation à Huzhou, (là où est née Xiuying Fang) d’une main d’oeuvre précaire, le combustible du miracle économique chinois de la dernière décennie.

À peine reconnaissable à partir d’une séquence filmée huit mois plus tôt, émaciée, allongée sur le dos, le souffle court, la bouche entrouverte d’où ne sort aucun son, pas même un gémissement, Xiùyīng Fāng est entourée, dans une petite pièce, de proches et de voisins qui discutent bruyamment. Les entend-elle ? Reconnait-elle son fils qui tente de la faire réagir ? Elle réussit toutefois à se tourner sur le côté et à bouger les bras. Elle garde les yeux ouverts. Est-elle éveillée ? Dort-elle ? Chacun tente d’interpréter les mouvements de ses mains.

Madame Fang donne à Wang Bing l’idée d’observer la vie du village en volant des conversations, le soir, dans la rue, en suivant, dans un long travelling avant, trois hommes sur une petite route, jusqu’au pont qui enjambe le fleuve d’où ils électrocutent, à l’aide d’une longue perche, des poissons qu’ils ramènent avec une épuisette, des corégones, des carpes et des poissons tête de serpent.

Wang Bing semble avoir réussi à faire oublier la présence de la caméra pour communiquer la spontanéité des réactions, face à la mort, de toutes celles et ceux qui voient mourir Madame Fang après avoir essayé de prolonger un peu sa vie en lui donnant quelques gouttes d’eau. Il n’a pas résisté à l’envie d’enregistrer quelques scènes de vie de la petite communauté, avec ses rituels : les hommes qui pêchent, les femmes qui écaillent et vident le poisson, les moments de repos où les habitants, assis devant leur pas de porte, semblent assister à la mort lente de leur village.

Vu comme un cinéma « dénigrant » par les autorités, parce qu’il montre une réalité éloignée l’imagerie officielle, les films de Wang Bing sont interdits de projection en Chine, comme le remarquable Behemoth (Bei xi mo shou) réalisé par Zhao Ling en 2015 sur l’enfer des mines de charbon à ciel ouvert dans le nord de la Chine.

Madame Fang

Présentation - 4,5 / 5

Madame Fang (86 minutes) et son supplément (15 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans boîtier non fourni pour le test.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, le mandarin, avec sous-titres optionnels en français ou en anglais.

Bonus - 3,5 / 5

Wang Bing, à propos de Madame Fang (15’, aucune indication sur la date d’enregistrement). Il dit avoir été, quand il l’a rencontrée en octobre 2015, attiré par le regard enfantin de Madame Fang, la mère d’une de ses amies. Apprenant qu’elle allait très mal, il est revenu en juin 2016, avec seulement deux assistants et deux caméras, pour filmer, du matin au soir pendant sept jours, les derniers moments de vie de Madame Fang, et capter, d’aussi près que possible, son regard et celui de celles et ceux qui l’entouraient. Il a vite décidé d’élargir le sujet du film à la découverte d’une région en total contraste avec l’aridité du Nord, enrichie par les alluvions du fleuve, très contrôlé par le gouvernement, ce qui pousse les villageois à pratiquer pendant la nuit la pêche électrique, illégale, pour faire bouillir la marmite. Un village à « l’ambiance vide et désolée » n’abritant plus que « les vieux et les inactifs », déserté par les jeunes, partis chercher du travail dans les villes. « En Chine, cette région est vue comme le paradis sur Terre, et moi je la voyais désolée. »

Madame Fang

Image - 4,5 / 5

L’image numérique (1.78:1), en dépit de la légèreté des moyens engagés, sous des éclairages naturels, bénéficie d’une bonne définition. Lumineuse, bien contrastée, avec des noirs denses, elle assure une bonne lisibilité de tous les plans, y compris dans les scènes de nuit.

Son - 3,5 / 5

Le son Dolby Digital 2.0 stéréo, assez propre, restitue avec finesse les bruits de la nature. Mais il aurait pu être plus immersif avec une meilleure séparation des deux canaux.

Crédits images : © Potemkine Films

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

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Philippe Gautreau
Le 2 juillet 2020
Wang Bing a réussi à faire oublier la présence de la caméra pour communiquer la spontanéité des réactions, face à la mort, de toutes celles et ceux qui voient mourir Madame Fang. Il en profite pour montrer la précarité des conditions de vie de son entourage, une réalité éloignée l’imagerie officielle. Son cinéma, « dénigrant », est interdit de projection en Chine.

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Madame Fang
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