Le Démon de la chair (1946) : le test complet du DVD

The Strange Woman

Réalisé par Edgar G. Ulmer
Avec Hedy Lamarr, George Sanders et Louis Hayward

Édité par Artus Films

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Le 11/12/2020
Critique

Film noir psychologique de Ulmer à la mise en scène très soignée, produit par la star Hedy Lamarr.

Le Démon de la chair

Le Démon de la chair (The Strange Woman , USA 1946) de Edgar G. Ulmer (1904-1972) est un film noir psychologique en costumes situé dans le Maine vers 1850. Produit par la star d’origine autrichienne Hedy Lamarr (ici opposée à la non moins belle Hillary Brooke en second rôle), la première séquence (celle montrant l’enfance de Jenny qui s’avère déjà d’une perversité presque meurtrière) fut réalisée par Douglas Sirk (non crédité au générique mais on sait que Sirk et Ulmer avaient travaillé ensemble dès 1943) et tout le reste le fut par Ulmer qui avait été choisi personnellement par Hedy Lamarr pour la diriger. C’est un des rares films signés par Ulmer qui soit doté d’un budget visuellement confortable sinon luxueux : tourné dans les studios de la MGM, la direction artistique comme l’interprétation sont du niveau d’une série A.

Le scénario est adapté d’un livre de l’écrivain sudiste Ben Ames Williams (1889-1953) dont les oeuvres furent souvent portées à l’écran par Hollywood. (*) Ce portrait de femme fatale peut paraître aujourd’hui un peu artificiel mais, replacé dans le contexte biblique d’une petite commune du Maine des années 1850, soigneusement brossée religieusement, sociologiquement et psychologiquement, il prend parfois les accents de La Lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne. Il y a deux natures chez Jenny Hagers : une bonne, l’autre démoniaque, clament les affiches américaines qui ajoutent parfois un verset biblique du Livre des proverbes (V, 3) pour définir l’héroïne : « Des lèvres de l’étrange femme, coule du miel et ses lèvres sont plus douces que la soie mais son destin sera plus amer que celui d’un termite, plus aiguisé que celui d’une épée à double tranchant. » On le voit bien : tout était préparé pour que Hedy Lamarr fût, quelques années plus tard en 1949, la dangereuse et biblique Dalila dans le célèbre péplum de Cecil B. DeMille. On peut pourtant préférer à ces rôles sado-masochistes, certes flamboyants mais qui semblent rétrospectivement un peu trop taillés sur mesure, celui qu’elle tenait dans l’admirable Angoisse (Experiment Perilous, USA 1944) de Jacques Tourneur.

Le Démon de la chair

Sur le plan de la mise en scène, le plan où elle éteint une à une les bougies avant de descendre l’escalier pour rejoindre son beau-fils qu’elle veut décidément séduire, est assez typique de la manière dont Ulmer, ancien assistant de F.W. Murnau durant l’âge d’or muet allemand de 1915-1930, concevait le cinéma pur : un langage pouvant et devant se passer (certes relativement et à la faveur de quelques plans, pas davantage) des dialogues pour signifier l’essentiel. Raison aussi pour laquelle Ulmer admirait aussi les films fantastiques produits par Val Lewton (**). Autre aspect intéressant : la construction du scénario dénote l’intérêt constant de Ulmer pour la figure du triangle, ici non pas géométriquement mais psychologiquement figuré (Jenny est objet simultané du désir de son beau-fils et du père de celui-ci puis elle désire le fiancé de sa meilleure amie). Ce rapport triangulaire psychologique entre des groupes de trois personnages anime ses films fantastiques Le Chat noir (USA 1934) et Daughter of Dr. Jekyll (inédit en France, USA 1957) sans oublier son fondamentalement si insolite et si remarquable film noir policier Détour (USA 1945).

Le Démon de la chair

(*) J’en profite pour préciser que Péché mortel (Leave Her to Heaven) écrit par Williams en 1945, adapté au cinéma par John M. Stahl la même année avec Gene Tierney en vedette et Le Démon de la chair (The Strange Woman) écrit par Williams en 1946, adapté au cinéma la même année par Edgar G. Ulmer avec Hedy Lamarr en vedette, ont un point commun important : ils dépeignent une redoutable femme fatale mais l’action du livre-film de 1945 est contemporaine alors que celle du livre-film de 1946 se déroule au siècle précédent.

(**) Cf. Entretien de B. Eisenchitz et J.-C. Romer avec Edgar G. Ulmer (accordé en mars 1965 à Paris) in Midi-Minuit Fantastique n°13 (éditions Éric Losfeld / Le Terrain vague, Paris hiver 1965 puis nouvelle édition Rouge Profond, Paris 2018, tome 3, pp. 153-163). Dans la présentation bio-filmographique de l’entretien, ils écrivent que Le Démon de la chair est « un des meilleurs films » de Ulmer mais, durant leur entretien, ne lui posent pas la moindre question à son sujet. Occasion que ne manquera pas, en revanche, Peter Bogdanovitch dans son entretien avec Ulmer de 1970, édité en traduction française dans P. Bogdanovitch, Les Maîtres d’Hollywood, tome 2, éditions Capricci, 2018, p. 150 mais c’est ici, assez curieusement, la situation inverse qui se produit : il demande à Ulmer de raconter ses souvenirs sur le film mais ne lui dit pas s’il le juge bon ou non.

Le Démon de la chair

Présentation - 2,5 / 5

1 DVD-5 zone 2 Artus Films, collection « Les Classiques », édité le 01 décembre 2020. Format 1.37 N&B compatible 4/3, son mono VOSTF uniquement, durée du film sur DVD : 95 min. environ. Bande-annonce générale Artus de la collection Les Classiques et de ses plus récentes parutions. Jaquette illustrée au verso de 3 mignonnes photos N&B de plateau, d’une reproduction en couleurs de l’affiche originale et mentionnant quelques informations intéressantes.

Bonus - 0,0 / 5

Aucun. Dommage car il y avait sûrement une belle galerie affiches et photos à constituer, si j’en juge par le verso de la jaquette en présentant quelques-unes.

Image - 2,0 / 5

Format original 1.37 standard en N.&B. compatible 4/3. Copie argentique en état médiocre : générique et première bobine en mauvais état. La suite est en meilleur état mais on note à l’occasion une instabilité émulsive de certains plans, des poussières négatives et positives, quelques brûlures, griffures et déchirures parfois sévères sur certains autres. Numérisation correcte : le bruit vidéo est très bien contrôlé, les noirs sont bien profonds, le contraste est soigné et la définition est bonne compte tenu des limites inhérentes au support. C’est un film domaine public (comme beaucoup de titres de Ulmer) et les copies argentiques varient d’un éditeur à l’autre : celle éditée par Bach Films en 2007 était en meilleur état argentique mais la mastérisation Artus de 2020 est meilleure sur le plan du transfert numérique.

Son - 4,0 / 5

Dolby Digital Mono d’origine 2.0 VOSTF. : pas de VF d’époque mais le titre avait été distribué en France assez peu de temps après sa réalisation. Durant l’après-guerre, pas mal de films sortirent en VOSTF directement et ce fut peut-être le cas de celui-là ? Dans le doute… je m’abstiens (suivant le précepte des stoïciens) d’abaisser la note. Piste originale mono américaine en bon état, sans défaut manifeste mis à part un peu de souffle et une légère inégalité occasionnelle de niveau entre dialogues et effets sonores. STF bien traduits et très lisibles.

Crédits images : © Hunt Stromberg Productions, Mars Film Corporation

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 12 décembre 2020
Film noir psychologique de Ulmer à la mise en scène très soignée, produit par la star Hedy Lamarr.

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