L'Année Tchèque (1947) : le test complet du DVD

En première exclusivité, le premier long métrage du célèbre animateur tchèque Jirí Trnka, dans une édition aux indispensables compléments.

Des marionnettes nous invitent à la découverte des coutumes et légendes populaires de Tchécoslovaquie dans une suite de tableaux : le carnaval, le printemps, la légende de Saint Procope, le pèlerinage, la kermesse, la crèche de Noël.

L’Année tchèque (Špalíček), sorti en 1947, est le premier long métrage du marionnettiste Jirí Trnka, réalisé avec l’assistance de 26 collaborateurs, dans le studio qu’il venait de fonder, le Jirí Trnka Studio. Découpé, au fil des saisons, en plusieurs saynètes inspirées par les comptines populaires d’Aleš, le film est de résultat de l’assemblage de plusieurs courts métrages.

L’Année tchèque, Premier prix du festival d’animation de Paris en 1947, sélectionné à la Mostra de Venise en 1948, premier film d’animation pour marionnettes, il obligeait à relever plusieurs défis : l’animation, cadre après cadre, en stop motion, de groupes entiers de personnages, par exemple dans les scènes de la procession des pèlerins ou de la kermesse, et la délicate synchronisation de l’image et de la composition originale de Václav Trojan, compositeur néo-classique (un des élèves de Josef Suk) qui signa l’accompagnement musical de la plupart des films de Jirí Trnka. La nature musicale du conte est affirmée d’emblée : le générique défile sur fond de partition.

Jirí Trnka, fort de son expérience d’illustrateur, de sculpteur et de marionnettiste, peignait lui-même les têtes en bois des personnages (la cire fondait sous la chaleur des projeteurs) et les paysages sur des plaques de verre disposées sur plusieurs rangées pour donner relief et profondeur de champ.

L’Année tchèque s’ajoute, dans le catalogue d’Artus Films, à un autre chef-d’oeuvre de Jirí Trnka, édité en mai 2019, Les Vieilles légendes tchèques (Staré povesti ceské, 1953), sous la forme d’un magnifique mediabook de 96 pages avec un passionnant documentaire sur les marionnettes. Un bel objet de collection !

On attend toujours l’édition d’autres oeuvres de Jirí Trnka, notamment Le Brave soldat Chvéïk (Dobrý voják Svejk, 1954), édité en Allemagne en 2011, l’adaptation du célèbre roman de Jaroslav Hašek, et Le Songe d’une nuit d’été (Sen noci svatojánské, 1959), inspiré par William Shakespeare.

L’Année tchèque (76 minutes) et ses suppléments (18 minutes) tiennent sur un DVD logé dans un fin digipack.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, en tchèque, avec sous-titres optionnels, au format audio Dolby Digital 2.0 mono.

Un livret de 24 pages, écrit par Pascal Vimenet, chercheur et enseignant, spécialiste de l’animation (aussi l’auteur du livre accompagnant Les Vieilles légendes tchèques), détaille les méthodes de mise en scène et de tournage de Jirí Trnka, l’apport essentiel de la musique de Václav Trojan, « tissu musical sonore guidant tout le film ». L’Année tchèque est « un joyau historique (…) le premier long métrage couleurs de marionnettes animées de toute l’histoire du cinéma » qui influencera Tim Burton, scénariste et producteur de L’Étrange Noël de Mr. Jack (The Nightmare Before Christmas, Henry Selick, 1993). Gros plans sur L’Année tchèque fait ressortir la richesse et la précision du dessin des marionnettes, des décors et des accessoires, composant « une fresque à admirer de mille manières », la mise en abyme du métier de marionnettiste faite par la scène de la fête foraine. Le livret se referme sur une analyse de La Main.

La Main (Ruka, 1965, 18’). Une main humaine, gantée de blanc, s’introduit dans l’atelier d’un potier, exigeant de lui qu’il modèle sa statue. L’artisan résiste mais, sous la contrainte, enfermé dans une cage, il sculpte une main géante. Beaucoup ont vu, dans ce dernier film de Jirí Trnka, une dénonciation du communisme totalitaire, vraisemblablement à juste titre puisque les copies furent saisies et le film fut banni pendant vingt ans en Tchécoslovaquie.

Diaporama (5’) d’une cinquantaine de photos de L’Année tchèque.

Bande-annonce originale (3’). Elle commence, vue par vue, en stop motion, avant de s’accélérer jusqu’à 24 images/seconde.

L’image (1.37:1), après restauration numérique, opérée par Filmlab, à Budapest en 2015, à partir de négatifs originaux pour l’essentiel du métrage, affiche un bon piqué et des couleurs ravivées, dans une palette assez chaude. Les marques de détérioration de la pellicule ont été effacées, avec un contrôle du grain respectueux de la texture du 35 mm.

Le son Dolby Digital 2.0 mono, très propre, lui aussi, pratiquement sans souffle, délivre les chants et l’accompagnement musical, sans saturations ni distorsions.

Crédits images : © Ceskoslovenský Státní Film, Jiri Trnka Studio, Krátký Film Praha