Réalisé par Pamela B. Green
Avec
Alice Guy-Blaché, Pamela B. Green et Gillian Armstrong
Édité par Elephant Films
L’ingénieur Léon Gaumont et sa secrétaire Alice Guy sont invités le 22 mars 1895 à la Société d’Encouragement de l’Industrie Nationale pour une présentation privée de l’invention des frères Auguste et Louis Lumière, le cinématographe. Il n’en faudra pas plus pour donner à la jeune Alice, 22 ans, l’envie de raconter des histoires en images animées. Léon Gaumont l’y autorise, mais, précise-t-il, « à la condition que votre courrier n’en souffre pas ». La sortie, en mars 1896, de La Fée aux Choux, le premier du millier de films qu’elle réalisera et/ou produira, fait d’elle la première femme cinéaste de l’histoire du cinéma.
Be Natural : l’histoire cachée d’Alice Guy-Blaché (Be Natural: The Untold Story of Alice Guy-Blaché), présenté à Cannes en 2018, où il fut récompensé par L’oeil d’or, et sorti dans nos salles le 22 juin 2020, est un documentaire écrit et réalisé par Pamela B. Green, spécialisée dans la création de génériques de films et de séries.
Be Natural : l’histoire cachée d’Alice Guy-Blaché, narré par Jodie Foster, raconte l’enfance d’Alice Guy, sa collaboration avec Léon Gaumont, en tant que secrétaire, puis « directrice des prises de vues », pendant laquelle elle réalise des fictions (elle est l’une des premières à filmer en gros plans), suggère l’amélioration des caméras et projecteurs, embauche et forme de futurs cinéastes, Ferdinand Zecca et Louis Feuillade, réalise en 1898 La Vie du Christ (le premier péplum, qu’elle complétera en 1906 en 25 tableaux avec 300 figurants)… Elle s’installe aux USA 1907 où elle tente de commercialiser pour Gaumont le Chronophone, un appareil de synchronisation du son et de l’image, avant de fonder, dans le New Jersey en 1910, Solax Film Company, une des grandes sociétés de production avant l’essor de Hollywood. Elle affiche à l’attention des acteurs sur les plateaux où s’enchaînent les tournages de mélodrames, westerns, films de guerre : « Be natural » (un bel exemple de langage paradoxal !). La mauvaise gestion de son mari, Herbert Blaché, l’oblige à vendre les studios. Ruinée, elle revient en France après son divorce, sans pouvoir trouver d’emploi dans l’industrie cinématographique. Elle repartira aux USA où elle écrira des contes pour enfants et mourra en 1968, âgée de 94 ans, après avoir commencé à récupérer certains de ses films et écrit ses mémoires qui seront publiés en 1976.
Alice Guy fut oubliée par les historiens et critiques de cinéma, certains d’entre eux, comme Georges Sadoul, attribuant à d’autres la « paternité » de ses oeuvres. Il faudra attendre 1957 pour que, à l’initiative de Louis Gaumont, le fils de Léon Gaumont, un hommage lui soit rendu à la Cinémathèque Française.
Be Natural : l’histoire cachée d’Alice Guy-Blaché ajoute à un exposé détaillé de la vie d’Alice Guy et de son apport au cinéma naissant, les extraits de plusieurs entretiens avec des réalisateurs, des critiques, des membres de sa famille aux USA, et, surtout, des interviews de la cinéaste recueillis dans des enregistrements audio de 1959, 1963 et 1964 et dans des vidéos de 1957 et 1964.
Be Natural : l’histoire cachée d’Alice Guy-Blaché, édité en France le 22 juin, inaugure la Collection Les Soeurs Lumière, coéditée par Elephant Films, Splendor Films et Extralucid Films, avec quatre autres films annoncés aujourd’hui : Honor Among Lovers et Merrily We Go to Hell, deux longs métrages de Dorothy Arzner de 1931 et 1932, Property (Penny Allen, Eric Alan Edwards, 1979) et Old Joy (Kelly Reichardt, 2006), le seul à avoir été préalablement édité en vidéo en France.
Be Natural : l’histoire cachée d’Alice Guy-Blaché (98 minutes, alors que la jaquette mentionne 80 minutes) et ses suppléments (53 minutes), édités par Elephant Films et Splendor Films, tiennent sur un DVD-9 logé dans un boîtier épais de 14 mm, glissé dans un fourreau.
Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, en anglais et en français, avec sous-titres optionnels, au format Dolby Digital 5.1.
À l’intérieur du boîtier, un livret de 12 pages présente succinctement la Collection Les Soeurs Lumière, avec un court synopsis et la liste des bonus.
Be Natural, entretien avec Véronique Le Bris (25’), fondatrice de ciné-Woman.fr et du Prix Alice Guy. Il a fallu près de dix ans à Pamela Green pour achever un documentaire qui détaille particulièrement la période américaine de la vie d’Alice Guy qui fut la première, en 1896, à « raconter une histoire » avec une caméra. Bien qu’elle fût son éminente collaboratrice pendant dix ans, Léon Gaumont ne cite même pas son nom dans ses mémoires. Son studio américain était techniquement plus avancé que celui de D.W. Griffith. Son cinéma, à la dimension sociale, traite surtout de problèmes de femmes, « avec un regard féminin » : elle a épinglé le sexisme dans The Consequences of Feminism (1906) en inversant les rôles des deux sexes. Pour Véronique Le Bris, une forme de mépris d’Alice Guy subsiste, notamment à la Cinémathèque Française, peut-être parce que l’histoire du cinéma n’a pas été écrite par des historiens, mais par des critiques, avec leurs points de vue subjectifs.
Entretien avec Pamela B. Green (5’, en français). Elle a voulu rétablir la vérité sur l’importance d’Alice Guy-Blaché dans l’histoire du cinéma, une femme entreprenante, surmontant toutes les difficultés. Elle a, en 22 ans, réalisé ou produit, en France et aux USA, un millier de films avec des femmes et aussi contribué à des avancées techniques. Les raisons de son oubli tiennent au désintérêt pour le cinéma à ses débuts et, aussi, au fait qu’elle était dans un environnement vite accaparé par les hommes.
La Jeune femme et la caméra, court métrage d’Élisa Manoha (2019, 11’, noir et blanc et couleurs, 1.66:1, Dolby Digital 2.0). Alice se promène dans les rues de Paris, cadre avec ses mains choses et gens et tombe en arrêt devant un chou qui lui donne l’idée de tourner un film… Sous la forme d’un film muet, avec cartons et accompagnement sautillant au piano, mais transposé à notre époque. Avec Léa Issert, Julia Leblanc, François Mahé…
Entretien avec Élisa Manoha (12’, en français). L’idée de La Jeune femme et la caméra lui est venue de la lecture d’Alice Guy, la première femme cinéaste de l’histoire, roman biographique d’Emmanuelle Gaume (Plon, 2015). Elle a voulu montrer le processus cinématographique, le passage de la réalité à l’imaginaire et a dû produire elle-même son court métrage, à l’âge où Alice Guy réalisa La Fée aux choux.
La collection Soeurs Lumière avec les bandes-annonces de quatre des cinq films (manque celle de Old Joy).
L’image (1.78:1) bien résolue, affiche des couleurs naturelles correctement étalonnées. La qualité des archives est tout à fait acceptable.
Le son Dolby Digital 5.1 (la jaquette indique DD stéréo) garantit une parfaite intelligibilité de la narration par Jodie Foster et des commentaires des nombreux intervenants, avec un cantonnement dans le plan frontal, inhérent à ce type de documentaire essentiellement fait d’une suite de commentaires individuels.
Crédits images : © Wildwood Enterprises, Be Natural Productions, Artemis Rising Foundation, Foothill Productions