Slalom (2020) : le test complet du DVD

Réalisé par Charlène Favier
Avec Noée Abita, Jérémie Renier et Marie Denarnaud

Édité par Jour2Fête

Voir la fiche technique

Avatar Par
Le 21/09/2021
Critique

Une dénonciation des abus de l’emprise des entraîneurs sur les jeunes sportifs de haut niveau. Un premier film émouvant.

Slalom

Lyz, quinze ans, vient d’intégrer une section sportive scolaire à Bourg-Saint-Maurice où elle suit un entraînement à la descente en slalom. Fred, ex-champion et désormais entraîneur, décide de tout miser sur sa nouvelle recrue. Galvanisée par son soutien, Lyz s’investit à corps perdu, physiquement et émotionnellement. Elle enchaîne les succès mais bascule rapidement sous l’emprise absolue de Fred…

Slalom, sorti dans les salles en mai 2021, six mois après la date initialement prévue, en raison de la crise sanitaire, est le premier long métrage de Charlène Favier. Après une formation à l’art dramatique à Londres, à l’école Jacques Lecoq, School of Physical Theatre, à la direction artistique et à la direction d’acteurs à New York, elle s’est inscrite à l’atelier scénario de la Fémis où elle a ébauché l’écriture de son long métrage. Elle a, parallèlement, réalisé ses premiers courts métrages.

Un film irrigué de mon histoire personnelle

Charlène Favier fait cette déclaration dans le dossier pédagogique accompagnant le film et déclare : « Peu à peu, Lyz perd la propriété de son corps, d’abord outil de performance puis objet de désir. » Une interview à La Voix de l’Ain du 12 juin 2020 : « Je n’ai pas subi d’abus sexuel dans le ski. J’ai connu cela d’une certaine manière. J’ai vécu certaines choses qu’il y a dans le film, mais pas toutes » confirme la dimension autobiographique du scénario qu’elle a écrit avec Marie Talon qui avait également contribué à l’écriture du court métrage Odol gorri, joint en bonus.

Slalom

Slalom, l’affirme Charlène Favier, vise à dénoncer le silence qui couvre les affaires d’abus sexuels commis sur des mineurs par leurs entraîneurs sportifs, exceptionnellement rompu, notamment par la patineuse Sarah Abitbol dans son livre Un si long silence (Plon, 2020). Notre code pénal a été récemment durci : l’article 227-27, modifié par la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 - art. 4, dispose désormais que : « Hors les cas de viol ou d’agression sexuelle prévus à la section 3 du chapitre II du présent titre, les atteintes sexuelles sur un mineur âgé de plus de quinze ans sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende : 1° lorsqu’elles sont commises par toute personne majeure ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; 2° lorsqu’elles sont commises par une personne majeure qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions. »

Slalom ne donne pas de Fred l’image d’un prédateur sexuel. Il semble être troublé par une glissade progressive qui l’amène à confondre les rôles d’entraîneur, de substitut aux parents absents, puis d’amant. Les deux scènes d’abus sexuels sont filmées pudiquement : le désarroi de Liz, qui n’ose ni se débattre, ni protester, ne se lit que dans son regard, ce qui a valu certaines suspicions, infondées, d’une approche complaisante du sujet.

Au-delà d’une condamnation de l’abus sexuel dont Liz est victime, le film peut inciter à s’interroger sur la justification des pressions exercées sur les enfants sélectionnés pour être soumis, sous l’emprise de « fabricants de champions », à un conditionnement physique et moral qui les expose à bien d’autres dangers.

Slalom ajoute à l’intérêt de son thème une réalisation marquée par un souci de réalisme. Filmé en extérieurs ou en décors naturels à Val d’Isère, à Tignes, aux Arcs et à Bourg-Saint-Maurice, surtout en plans fixes, avec des prises de compétitions réelles. Le film doit aussi beaucoup à l’investissement des deux acteurs, Noée Abita, découverte avec Ava, un autre premier long métrage, réalisé en 2017 par Léa Mysius, et Jérémie Renier, révélé, encore adolescent lui aussi, par les frères Dardenne avec La Promesse, en 1996 (édité dans le coffret Jean-Pierre & Luc Dardenne : La promesse + Rosetta), et par François Ozon avec Les Amants criminels, en 1999.

Slalom

Présentation - 3,5 / 5

Slalom (89 minutes) et ses suppléments (38 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un boîtier de 11 mm, glissé dans un fourreau.

Le menu animé et musical propose le choix entre deux formats audio, Dolby Digital 5.1 ou 2.0 stéréo.

Piste d’audiodescription DD 2.0.

Sous-titres pour malentendants et sous-titres anglais disponibles.

Une édition Blu-ray est sortie simultanément, proposée au même prix, avec le même contenu.

Bonus - 3,5 / 5

Entretien avec Charlène Favier (25’). Elle avait envie d’un film sur un personnage lui ressemblant, dans le cadre de son enfance, la montagne. La recherche du financement et ses propres hésitations ayant retardé la réalisation, elle a tourné en 2018 le court métrage Odol gorri. Le portrait nuancé « d’un homme ambivalent » qu’elle a voulu donner de Jérémie, a probablement refroidi les producteurs, mais correspond à la vraie vie. Elle a tenu à assurer l’authenticité du film en invitant les deux acteurs à une immersion dans la montagne avant le tournage. Un ancien skieur professionnel a filmé les descentes à ski de la doublure de Noée Abita, dont le réalisme est renforcé par l’ajout sur la bande-son du crissement des skis et du souffle de la skieuse. « La caméra est sans arrêt collée à Liz » pour qu’on puisse ressentir ses émotions. Dans les deux scènes d’abus sexuel, les corps sont très peu montrés, toute la détresse de Liz se lit sur les gros plans de son visage. Le dernier plan, le « renoncement libérateur de Liz », a fini par s’imposer.

Entretien avec Noée Abita (9’). Charlène Favier l’a appelée après avoir vu Ava pour lui proposer le rôle d’une jeune fille « en manque d’amour avec l’envie de briller pour quelqu’un ». Elle s’est soumise à une préparation physique, un mois avant le début du tournage.

Entretien avec Jérémie Rénier (7’). Il a été immédiatement intéressé par le personnage de Fred, un homme torturé par son incapacité à contrôler ses pulsions. Il a passé une semaine en compagnie d’un entraîneur de ski pour être crédible dans son rôle.

Odol gorri, court métrage de Charlène Favier (26’, 2018, 2.35:1). Eva (interprétée par Noée Abita), placée dans centre éducatif pour délinquants mineurs saisit l’occasion d’une sortie en plein air pour s’échapper. Elle se cache sous la bâche d’un bateau de pêche. Découverte, elle demande au chef d’équipage de lui donner asile pour la nuit… Odol gorri (« sang rouge » en basque) est un autre récit de perte de virginité.

Slalom

Image - 4,0 / 5

L’image numérique (2.35:1), bien définie, propose des couleurs lumineuses, fermement contrastées et naturelles quand la réalisatrice ne choisit pas, dans quelques scènes d’intérieur, un éclairage rouge, une option qu’elle a justifiée : « Je voyais la couleur rouge se glissant progressivement dans l’image, à travers la lumière, des éléments de décors et de costumes, comme un des marqueurs du morcellement identitaire de Lyz. » Les noirs, bien denses, ont une légère tendance à se boucher dans les scènes les moins éclairées.

Son - 4,0 / 5

Le son Dolby Digital 5.1 (ou, en alternative, DD 2.0 stéréo), propre, avec une ouverture de la bande passante et une dynamique satisfaisantes, rend l’ambiance présente, dans les intérieurs comme dans les extérieurs. Mais une faible sollicitation des canaux latéraux limite l’impression d’immersion dans l’action et les différences entre les deux formats proposés.

Les dialogues sont occasionnellement difficiles à suivre, sérieux bémol dû à la combinaison de quelques faiblesses dans la prise de son et d’une articulation mollassonne, un défaut trop fréquent dans certains films français contemporains.

Crédits images : © Mille et Une Productions

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

3,0
5
0
4
0
3
1
2
0
1
0

Je donne mon avis !

Avatar
Philippe Gautreau
Le 22 septembre 2021
Cette vision réaliste, quasi-autobiographique, de la fabrique de sportifs de haut niveau, dénonce les risques d’abus sexuels auxquels l’emprise des entraîneurs expose les adolescents. Elle peut aussi inciter à s’interroger sur la justification des excès d’un conditionnement physique et moral qui les soumet à bien d’autres dangers.

Lire les avis »

Multimédia
Slalom
Bande-annonce VF

Proposer une bande-annonce

Du même auteur
(publicité)

(publicité)