Le Père de Nafi (2019) : le test complet du DVD

Un imam défend le paisible équilibre d’un village du Sénégal, menacé par une tentative d’imposition à tous d’un strict respect de la charia.

Ousmane, après s’être enrichi à Dakar, revient dans son village natal où est resté son frère, Tierno, devenu imam. Ousmane annonce à la communauté le proche mariage de son fils Tokara avec Nafi, la fille unique de Tierno. Surpris, ce dernier s’oppose au mariage auquel, pourtant, consentent les deux cousins. Ousmane projette d’évincer Tierno, gravement malade, de le remplacer par un imam intégriste venu de Mauritanie et de briguer la mairie du village pour y faire régner « ordre et prospérité ».

Le Père de Nafi (Baamum Nafi), sorti dans nos salles en juin 2021, est le premier long métrage de Mamadou Dia, sélectionné dans de nombreux festivals et plusieurs fois récompensé, notamment par le Prix du meilleur premier film à Locarno en 2019. Son film précédent, le court métrage Samedi Cinéma, avait été sélectionné en 2016 à Venise et à Toronto.

Mamadou Dia, après qu’une première expérience de vidéo-journaliste lui ait donné l’opportunité de parcourir le continent africain, obtint en 2017 un master d’écriture et réalisation à la Tisch School of the Arts, New York University, là où lui vint l’idée de son premier film.

Le Père de Nafi, coproduit par Mamadou Dia et Maba Ba, un compatriote rencontré à NYU, fut tourné à Natam, le village natal du réalisateur, dont le père et le grand-père furent les imams. Il a confié le rôle principal, celui de Tierno, à Alassane Sy, un acteur confirmé qu’on a pu voir dans deux films sortis dans nos salles, Mediterranea (Jonas Carpignano, 2015) et Amin (Philippe Faucon, 2018). Les autres sont des gens du village. Tous s’expriment en fulah (ou pulaar), parlé par les Peuls au Sénégal et par 50 millions de locuteurs en Afrique occidentale.

Le Père de Nafi, avec une mise en scène conventionnelle, photographié sous une belle lumière par Sheldon Chau, chef opérateur américain expérimenté, dévoile les us et coutumes locaux ; l’appel à la prière, les mariages soumis à une décision communautaire, un rituel de sortie de l’enfance, des funérailles, les déambulations dans les rues en terre battue, les palabres sur la place, les festivités d’un mariage… À cet intérêt documentaire, s’ajoute la dénonciation d’un islam sectaire dans une nation où, jusqu’à ce jour, les religions monothéistes ont cohabité pacifiquement, mais voisin du Sahel où les islamistes ont semé la terreur, au Mali et en Mauritanie.

Souhaitons que ce premier film, pour le financement duquel Mamadou Dia a dû s’endetter, lui permette d’attirer l’attention des producteurs.

Le Père de Nafi (105 minutes) et ses suppléments (13 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un fin digipack.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en fulah (ou pulaar, la langue des Peuls), avec sous-titres incrustés dans l’image, au format audio Dolby Digital 2.0 stéréo.

Dans la couverture du digipack, un livret de 12 pages, illustré de photos du film, contient un entretien avec Mamadou Dia sur ce qui l’a conduit à devenir cinéaste, sur la genèse du film, sur le terrorisme islamique, sur les personnages principaux, sur le tournage avec des acteurs non professionnels, sur le bon accueil du film au Sénégal…

Bande-annonce (1’37”).

Photos de tournage (1’) : dix photos.

Rencontres avec Mamadou Dia (11’, Groupement National des Cinémas de Recherche, juin 2021). À Dakar, le réalisateur souligne que le premier plan du film révèle la vulnérabilité de Tierno, le dos nu, dans un cabinet de consultation. L’idée du film lui a été suscitée, pendant son Master à NYU, par les questions soulevées quand il disait être le descendant de plusieurs générations d’imams, auxquelles il répondait qu’au Sénégal, la religion n’est pas la première chose qui définit un individu ; d’autre part, les « piliers » des religions sont tous les mêmes. L’acteur principal a été délibérément choisi, les autres, natifs de sa ville, Matam, ne s’étaient jamais trouvés face à une caméra. Le cas d’Abda, l’enfant errant, n’est pas rare au Sénégal, ainsi que les mariages arrangés qui assurent le soutien de toute la famille aux jeunes époux. Mamadou Dia dit être inspiré par L’Aventure ambiguë, un roman de Cheikh Amidou Kane, par les films d’Abderrahmane Sissako, notamment Timbuktu (2014) et En attendant le bonheur (Heremakono, 2002), et par ceux d’Alain Gomis, Félicité (2017) et Aujourd’hui (2012), qui racontent des histoires simples. « Pour moi, la salle de cinéma est un lieu magique et sacré : je dois beaucoup de respect au spectateur. »

L’image numérique (Blackmagic URSA Mini Pro 12K) au ratio 1.78:1, offre d’agréables contrastes, allant de blancs lumineux à des noirs denses, et des couleurs naturelles, allant de l’ocre pâle des façades à l’éclat des teintes vives des vêtements des femmes. Les prises sous éclairage naturel renforcent le réalisme documentaire de l’oeuvre.

Le son Dolby Digital 2.0 stéréo, très propre, restitue clairement les dialogues. En dépit d’une assez faible séparation des deux voies, une bonne dynamique met en valeur l’accompagnement musical et les percussions de la scène du mariage.

Crédits images : © Joyedidi