La Légende du roi crabe (2021) : le test complet du DVD

L’étrange aventure de Luciano, un vagabond à la recherche d’un trésor sur la Terre de Feu, où il fut exilé. Un film d’auteur à découvrir.

De nos jours, dans la campagne italienne, de vieux chasseurs se remémorent la légende de Luciano. Ivrogne errant dans un village isolé de Tuscia, Luciano s’oppose au prince de la province qui a condamné une porte, ce qui impose un grand détour à un paysan pour conduire ses chèvres à leur pâturage. Contraint à l’exil dans la lointaine Terre de Feu, Luciano, suivi par des aventuriers cupides, recherche un mystérieux trésor, enfoui sur une île après le naufrage d’un navire de la couronne d’Espagne.

La Légende du roi crabe (Re granchio), sorti en 2021, coréalisé par Alessio Rigo de Righi et Matteo Zoppis, amis d’enfance, tous deux nés en 1986, est leur premier long métrage, après quelques courts documentaires, dont deux sont proposés en bonus par cette édition.

Sélectionné à Cannes à La Quinzaine des Réalisateurs pour la Caméra d’or, salué par le Grand prix au Festival du cinéma italien d’Annecy, La Légende du roi crabe est nourri des « racconti popolari », des légendes qui ont inspiré d’autres cinéastes, notamment Pier Paolo Pasolini. Ces contes animent les rencontres des chasseurs qu’Alessio Rigo de Righi et Matteo Zoppis avaient déjà mis en scène dans les deux documentaires précités, La Belva nera et Il Solengo. Un groupe d’amis, duquel se démarque Ercole Colnago pour son amour du bel canto, démontré par son interprétation a capella de la fameuse aria de Tosca de Giacomo Puccini, E lucevan le stelle.

Le premier rôle, celui de Luciano, a été attribué à Gabriele Silli, un artiste plasticien qui apparaît avec une surprenante aisance pour la première fois sur les écrans. Lui donne la réplique, une quasi-débutante, Maria Alexandra Lungu, une jeune Roumaine qu’on avait pu découvrir en tête de distribution de son premier film, Les Merveilles (Le Meraviglie, Alice Rohrwacher, 2014). Les personnages secondaires, à trois exceptions près, sont interprétés par des non-professionnels, des villageois du cru pour la plupart d’entre eux.

La Légende du roi crabe mêle deux genres, la chronique paysanne, située à Vejano, dans la région du Lazio, et, dans sa seconde partie, l’aventure. Une aventure de tous les dangers, à Ushuaia, sous les latitudes hostiles de la Tierra de Fuego, à la recherche d’un trésor convoité par des hommes sans foi ni loi, qui m’a rappelé l’étonnant film de Niles Atallah, Rey : L’histoire du Français qui voulait devenir roi de Patagonie.

L’originalité de son sujet, l’étrange beauté de la photo de Simone D’Arcangelo (il fut l’assistant de Vittorio Storaro pour une douzaine de films, dont deux de Woody Allen, Café Society et Wonder Wheel), l’envoûtante musique de Vittorio Giampietro font de La Légende du roi crabe un des films marquants sortis dans nos salles au premier semestre de 2022.

La Légende du roi crabe (98 minutes) et ses suppléments (98 minutes) tiennent sur deux DVD-9 logés dans un digipack à trois volets, glissé dans un étui.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en italien et en espagnol, avec sous-titres incrustés dans l’image, et le choix entre deux formats audio, Dolby Digital 5.1 ou 2.0 stéréo.

Shellac, concentré sur le cinéma d’auteur, édite La Légende du roi crabe en exclusivité mondiale !

À l’intérieur du digipack, un livret de 16 pages contient un entretien avec les deux réalisateurs, « chasseurs d’histoires », notamment de celles racontées par les chasseurs de Vejano. Parmi les immigrants en Argentine de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, l’un d’eux pourrait être Luciano, mais rien n’est sûr. Ils évoquent le choix des acteurs, le tournage en peu de prises s’imposant avec des non-professionnels, la difficulté des déplacements à Ushuaia, le partage des fonctions dans une « réalisation à quatre mains ». Le livret se referme sur une biographie succincte des réalisateurs, de Gabriele Silli, sur les fiches artistique et technique du film et le synopsis des deux documentaires.

Sur le DVD de bonus, deux documentaires d’Alessio Rigo de Righi et Matteo Zoppis, plusieurs fois primés :

Belva nera (2013, 1.33:1, DD 2.0, italien sous-titré, 33’). Des chasseurs se demandent s’il faut croire l’un d’entre eux qui prétend avoir vu une panthère noire fuir devant lui en sautant par-dessus un mur haut de plus de deux mètres. Pourrait-elle avoir été relâchée après la promulgation d’une loi interdisant la détention d’animaux sauvages par des particuliers ?

Il Solengo (2015, 1.78:1, DD 5.1 ou stéréo, italien sous-titré, 65’). Des chasseurs de Vejano évoquent l’histoire d’un homme bizarre, le Mario de Marcella, que certains ont rencontré, il y a bien longtemps. Né en prison où il resta jusqu’à la mort de sa mère, Marcella, il vécut reclus dans une grotte, ce qui lui valut son surnom, « il solengo » (« le sanglier solitaire »)…

Malgré l’intérêt de ces deux films, on ne peut que regretter l’absence d’une analyse critique du long métrage.

Bande-annonce (1’37”).

L’image (1.66:1), prise sur pellicule 16 mm, est d’une étonnante définition, avec des couleurs agréablement saturées et contrastées assurant une bonne lisibilité de tous les plans, y compris des prises en très basse lumière, avec de beaux clairs-obscurs.

Le son Dolby Digital 5.1 (avec une alternative stéréo) restitue avec clarté les rares dialogues, en italien dans la première partie, puis en espagnol, immerge le spectateur dans l’ambiance et met en valeur l’accompagnement musical de Vittorio Giampietro, dominé par les percussions.

Crédits images : © Shelac