Fin août à l'hôtel Ozone (1967) : le test complet du DVD

Konec srpna v Hotelu Ozon

Réalisé par Jan Schmidt
Avec Beta Ponicanová, Vladimír Hlavatý et Jitka Horejsi

Édité par Malavida Films

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Le 17/10/2022
Critique

Les survivantes d’un cataclysme nucléaire errent à la recherche d’hommes. Un film méconnu de la Nouvelle vague tchèque à découvrir.

Fin août à l'Hôtel Ozone

Fracas d’un compte à rebours de fin du monde. Parmi les neuf survivantes d’une catastrophe nucléaire, seule l’une d’entre elles est suffisamment âgée pour avoir connu l’ancien monde. Elles arpentent des terres complètement dépeuplées, se nourrissant de boîtes de conserves et cherchant des hommes pour se reproduire. Elles découvrent un hôtel délabré où vit un vieil homme avec un phonographe…

Fin août à l’hôtel Ozone (Konec srpna v Hotelu Ozon), sorti en 1967, est le premier de la douzaine de longs métrages que réalisa Jan Schmidt (1934-2019), sur un scénario de Pavel Jurácek, coauteur en 1966 de l’histoire du chef-d’oeuvre de Věra Chytilová, Les Petites marguerites (Sedmikrásky).

Plus rien n’a de nom

Fin août à l’hôtel Ozone dépeint un univers dystopique où les seules traces de civilisation sont les ruines d’habitations ou d’ une église, le fusil avec lequel les filles abattent les animaux, les boîtes de conserve qu’elles trouvent pour se nourrir. Elles n’ont encore pas rencontré âme qui vive pendant leurs longues années d’errance. Elles sont ignorantes : l’une d’elles seulement sait lire et réussit péniblement à déchiffrer une lettre d’amour, sans paraître en comprendre le sens. Leur communication est réduite aux nécessités de la survie et elles n’ont ni repère moral, ni la moindre conscience des conventions sociales, dont seule se souvient la plus âgée, qui a connu « le monde d’avant ». Celle que les jeunes appellent « starý » (la vieille) et l’homme âgé de l’Hôtel Ozone, le premier homme qu’elles aient jamais vu ! Si les deux personnages âgés sont interprétés par des acteurs chevronnés, les filles le sont par des débutantes qu’on ne reverra plus sur les écrans, à une ou deux exceptions près.

Fin août à l’hôtel Ozone, inscrit dans la mouvance de la Nouvelle vague tchèque, avec sa représentation d’un monde frustre et déshumanisé dans lequel l’individu est abattu comme un animal s’il n’est plus utile à la collectivité, vise indirectement le totalitarisme, la censure rendant toute allusion directe impossible. Cela n’empêchera pas sa mise au placard après le « printemps de Prague ».

Malavida a complété un catalogue donnant une belle place au cinéma de l’Europe de l’Est au printemps et à l’été 2022, avec l’édition de quatre autres films de la Nouvelle vague tchèque dont nous parlerons : Qui veut tuer Jessie ? (Kdo chce zabít Jessii? , Václav Vorlícek, 1966), L’Incinérateur de cadavres (Spalovac mrtvol, Juraj Herz, 1968), Ecce homo Homolka (Jaroslav Papoušek, 1970) et Happy End (Stastny konec, Oldřich Lipský ,1967) qui viennent enrichir la Collection tchèque de l’éditeur.

Fin août à l'Hôtel Ozone

Présentation - 3,0 / 5

Fin août à l’hôtel Ozone (77 minutes) tient sur un DVD-9 logé dans un fin digipack.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en tchèque, avec sous-titres imposés, incrustés dans l’image, au format audio Linear PCM 2.0 mono.

Dans la couverture, un livret de 12 pages rédigé par Jean-Gaspard Páleníček, écrivain, dramaturge et compositeur. Il remonte aux sources de la science-fiction en Tchécoslovaquie, aux écrits de Karel Čapek et à sa pièce, R.U.R. dans laquelle il inventa le mot « robot », puis rappelle l’impulsion donnée au genre par Karel Zeman, le réalisateur de l’impérissable Le Baron de crac (Baron Prásil, 1962), l’exploitation pour la propagande de la conquête de l’espace. Parce qu’il laisse supposer, dès la première séquence, que l’apocalypse a été déclenchée par toutes les nations, y compris l’URSS, « le film fut mis sous clé après 1968 ». Suit une réflexion sur le statut des femmes dans l’Europe de l’Est, sur sa représentation au cinéma et dans le film de Jan Schmidt. Jean-Gaspard Páleníček fait une fine analyse de Fin août à l’hôtel Ozone qu’il voit comme « une critique humaniste du totalitarisme (…) Mais, au sein d’un régime totalitaire surveillant tous vos faits et gestes, les auteurs ne pouvaient être plus explicites ». Le film est aussi « à prendre comme une parabole universelle alors que la Russie menace d’employer ses armes nucléaires dans le cadre d’une guerre d’invasion d’un pays indépendant. » Le livret se referme sur un entretien de Jan Schmidt avec Antonin J. Liehm, critique et historien du cinéma, en août 1969, juste avant l’occupation russe de la Tchécoslovaquie : le cinéaste évoque la gestation de Josef Kilián, puis de Fin août à l’hôtel Ozone, son accueil et les réactions de certains critiques à la mort d’un chien et d’une vache, filmée sans trucage.

Bonus - 3,0 / 5

Josef Kilián, court métrage de Jan Schmidt et Pavel Jurácek (Postava k podpírání, 1963, 38’). Une ville où marchent au pas des bambins encadrées par deux femmes en uniforme, des soldats et un convoi funéraire. Un homme entre dans un immeuble, traverse de longs couloirs où sont remisés un portrait de Staline, des pancartes avec slogans disant « Le komsomol est notre modèle », « Nous accomplirons le plan biennal en un an »…, arrive dans une sorte de théâtre, demande à voir Josef Kilián. Mais personne ne sait où il est. Le même homme loue un animal pour une journée dans un magasin spécialisé dans la location de chats. Le lendemain, le magasin n’existe plus. Ses démarches infructueuses auprès de l’administration finissent par attirer sur lui la suspicion. Cette critique surréaliste et avant-gardiste de l’absurdité de la bureaucratie, inspirée par les déboires de Josef K, le personnage du Procès de Franz Kafka, sera bannie après la remise au pas de la Tchécoslovaquie qui mit fin à l’éphémère « printemps de Prague ».

Image - 3,5 / 5

L’image (1.37:1) est, dans son ensemble, lumineuse, agréablement contrastée, avec un dégradé de gris bien étalonné et un traitement du grain procurant une fine résolution sans dénaturer la texture du 35 mm. Dommage que la restauration n’ait pas effacé quelques gros défauts, heureusement occasionnels (autour de 25’ et de 39’), ni corrigé l’étalonnage du dernier plan.

Son - 4,0 / 5

Le son Linear PCM 2.0 mono, propre, au souffle très réduit et à l’assez bonne dynamique, restitue clairement les dialogues et avec finesse le bel accompagnement musical de Jan Klusák. Connu des mélomanes pour sa musique de chambre, il composa aussi la musique d’une dizaine de films, dont celle d’un jalon de la Nouvelle vague tchèque, La Fête et les invités (O Slavnosti a hostech, Jan Nemec, 1966).

Fin août à l'Hôtel Ozone

Crédits images : © Malavida NFA

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 18 octobre 2022
Ce film méconnu, inscrit dans la mouvance de la Nouvelle vague tchèque, conte une fable postapocalyptique, avec la représentation d’un monde frustre et déshumanisé dans lequel l’individu est abattu comme un animal s’il n’est plus utile à la collectivité. Ce pavé dans la mare du totalitarisme, sorti quelques mois avant le printemps de Prague, n’allait pas tarder à être interdit.

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Fin août à l'hôtel Ozone
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