Babi Yar. Contexte

Babi Yar. Contexte (2021) : le test complet du DVD

Réalisé par Sergeï Loznitsa
Avec Hans Frank, Dina Pronicheva et Hans Isenmann

Édité par Blaq Out

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Le 20/04/2023
Critique

Des archives brutes, sans commentaire, rappellent les événements qui on précédé et suivi le massacre de 33 771 Juifs de Kiev en deux jours.

Babi Yar. Contexte

Les 29 et 30 septembre 1941, le Sonderkommando 4a du Einsatzgruppe C, avec l’aide de deux bataillons du Régiment de Police Sud et de la Police auxiliaire ukrainienne, a abattu, sans la moindre résistance de la part de la population locale, 33 771 Juifs dans le ravin de Babi Yar, situé au nord-ouest de Kiev. Le film reconstitue le contexte historique de cette tragédie à travers des images d’archives documentant l’occupation allemande et la décennie qui a suivi. Lorsque la mémoire s’efface, lorsque le passé projette son ombre sur le futur, le cinéma est la voix qui peut exprimer la vérité.

Babi Yar. Contexte (Babi Yar. Context), Prix spécial du Jury L’oeil d’or en 2021 à Cannes, est l’oeuvre de Sergey Loznitsa, diplômé du VGIK en I997, réalisateur ukrainien d’une vingtaine de documentaires et de quatre fictions, parmi lesquelles nous avons pu voir Donbass, salué en 2018 par le Prix de la mise en scène à Cannes, dans la section Un Certain Regard, un faux documentaire sur le vrai chaos dans lequel est plongée la province russophone de l’Ukraine orientale depuis 2014. Celles et ceux qui s’intéressent à ce cinéaste pourront mieux le découvrir en lisant l’ouvrage collectif Sergey Loznitsa : Un cinéma à l’épreuve du monde de Céline Gailleurd, Damien Marguet, Eugénie Zvonkine et autres, édité en janvier 2022 par les Presses Universitaires du Septentrion.

Babi Yar. Contexte

Babi Yar. Contexte ne montre aucune archive filmée du massacre, juste quelques plans et photos du ravin. Le propos du montage, comme l’indique son titre, est de rappeler ce qui l’a précédé et ses suites, jusqu’au procès de Kiev, en janvier 1946, sur les « atrocités commises par les envahisseurs fascistes sur le territoire de la République socialiste soviétique d’Ukraine » qui aboutit à la pendaison de treize condamnés à mort devant une foule compacte. D’autres films exposent le massacre, des documentaires, notamment dans le coffret Shoah pour mémoire, réédité en 2019, ou la série fictionnelle Les Orages de la guerre - Partie 1.

Babi Yar. Contexte rappelle le bon accueil réservé par une partie des Ukrainiens aux Allemands, applaudis comme des libérateurs lorsque les portraits de Joseph Staline sont remplacés par ceux d’Adolf Hitler, l’antisémitisme dormant, réveillé par la propagande nazie qui, conjuguée aux menaces de mort, a étouffé toute protestation contre le massacre.

Babi Yar. Contexte

Les atrocités commises, couvertes par une chape de plomb par le régime soviétique, ont été officiellement révélées par le procès de Kiev en 1946, en dépit des tentatives des SS pour en faire disparaître les preuves par l’exhumation et l’incinération des cadavres du ravin par 300 prisonniers ukrainiens ensuite exécutés en tant que témoins gênants, sauf 12 d’entre eux qui ont réussi à s’échapper. Trois témoignages de survivants de Babi Yar glacent le sang, en particulier celui d’une femme qui simula la mort, cachée sous des cadavres. Puis, ce moment passé, le voile de l’oubli recouvrira encore pudiquement le massacre.

Babi Yar. Contexte est, encore aujourd’hui en Ukraine, la cible de certains activistes qui s’acharnent à vouloir en interdire la projection, comme celle de Donbass, ainsi que le dénonce Sergey Loznitsa dans un des deux suppléments.

Babi Yar. Contexte

Présentation - 2,0 / 5

Babi Yar. Contexte (116 minutes) tient, avec ses suppléments (49 minutes), sur un DVD-9 logé dans un boîtier non fourni pour le test, effectué sur check disc.

Le menu propose le film avec le choix entre deux formats audio, Dolby Digital 5.1 ou 2.0 stéréo. Le réalisateur ayant exclu tout commentaire, les films, muets pour la plupart, ont seulement été bruités au moment du montage. Les quelques extraits parlés en différentes langues, ukrainien, russe, allemand, polonais, avec sous-titres optionnels, sont clairement restitués.

Bonus - 3,0 / 5

Une caméra contre l’oubli (32’, en russe et français), un entretien avec Sergey Loznitsa, animé par Olivia Gesbert dans la case de La Grande table de France culture, avec, comme traducteur, Joël Chapron, spécialiste du cinéma soviétique et russe. À un moment où il pensait à réaliser une fiction sur Babi Yar, le directeur artistique du mémorial lui a commandé un film pour le 80ème anniversaire du massacre, tu pendant cinquante années de l’ère soviétique. Il a fallu un an pour rassembler une trentaine d’heures d’archives. La Galicie, la partie occidentale de l’Ukraine, était, entre les deux guerres mondiales, essentiellement habitée par une population de citadins d’origine polonaise ou allemande à laquelle s’étaient mêlés des Juifs alors autorisés à quitter leur ghetto. Le massacre suit l’explosion, radiocommandée par les services spéciaux soviétiques, de bombes qui ont détruit 956 immeubles du centre de Kiev dont les Allemands ont imputé la responsabilité aux Juifs, auprès d’une population si éprouvée qu’elle était prête à se soumettre à n’importe quel ordre. Il a choisi de presque tout montrer, à l’exception de quelques images insoutenables, en s’attachant, par le montage, à éviter de trop choquer le spectateur « qui doit pouvoir décider de lui-même quel rapport avoir à ces images », sans chercher à le conditionner par un commentaire. Le film a été vu en Ukraine par cinq millions de téléspectateurs. L’invasion récente du pays par la Russie, que personne ne menaçait, n’est pas le problème de l’Ukraine seule, mais aussi celui de l’Europe : l’affrontement de deux civilisations.

Comment peut-on confondre le régime russe avec les oeuvres des auteurs russes ? (17’, en russe, avec traduction par Joël Chapron), enregistré à Cannes en 2021 après la remise du Prix Cinéma Consécration de France Culture. Sergey Loznitsa s’élève contre le boycott de la littérature et du cinéma russes prôné, après l’invasion de l’Ukraine, par des « activistes culturels » ukrainiens qui ont même voulu interdire ses films, comme ils le furent en Russie où la liberté d’expression est dénoncée comme une « propagande ennemie », une attitude rappelant celle de l’Allemagne nazie. La culture russe, une richesse de l’Ukraine, à 30% russophone, doit être respectée.

Babi Yar. Contexte

Image - 4,0 / 5

La qualité de l’image, faite d’archives filmées, parfois par des amateurs, la plupart en noir et blanc, certaines colorisées, varie d’une source à l’autre. L’impression d’ensemble est satisfaisante : il semble qu’une restauration des documents les plus importants, certains déjà utilisés dans d’autres montages, ait été effectuée, la rareté des autres compensant leur imperfection technique.

Babi Yar. Contexte

Son - 4,0 / 5

Le son Dolby Digital 5.1 (avec une alternative 2.0 stéréo) délivre avec clarté l’ambiance, c’est-à-dire le bruitage effectué en contrepoint des films muets, ainsi que les paroles, enregistrées en son direct, particulièrement pendant le procès de Kiev.

Pas de grandes différences entre les deux formats proposés : les canaux latéraux sont peu sollicités, mais une bonne séparation des deux voies frontales soutient le réalisme du bruitage des foules, des colonnes marchant au pas, du déplacement des chars, des explosions…

Crédits images : © Atoms & Void

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
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Philippe Gautreau
Le 20 avril 2023
Des images, sans aucun commentaire, rappellent les événements qui ont précédé et suivi le massacre de plus de 33 000 Juifs de Kiev par les Allemands et la police ukrainienne, fin septembre 1941.

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