Gilda (1946) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Charles Vidor
Avec Rita Hayworth, Glenn Ford et George Macready

Édité par Sony Pictures

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Le 03/12/2024
Critique

Grand classique du film noir policier américain, par moments assez sternbergien.

Gilda

Buenos Aires (Argentine) et Montevideo (Uruguay), 1946 : Johnny Farrell nous raconte son histoire. Escroc américain aux paris clandestins, il survivait dans les rues mal famées du port de la capitale argentine. Une nuit, sauvé d’une agression par Mundsen, riche propriétaire d’un casino surveillé de près par la police, Farrell devient son homme de confiance. Lorsque Mundsen lui présente sa nouvelle épouse américaine Gilda - ignorant qu’elle et Farrell s’étaient autrefois aimés - le destin réveille leur ancienne passion.

Gilda (USA 1946) de Charles Vidor est un grand classique du film noir policier américain mais ses qualités intrinsèques furent longtemps éclipsées par la mythologie sociologique d’Hollywood dont il fait désormais partie. Il tient en effet, dans la carrière de Rita Hayworth, la place que tiendra Niagara (USA 1953) d’Henry Hathaway dans la carrière de Marilyn Monroe : ces rôles respectifs dans des films de série B les propulsent au rang de super-stars.

Rita Hayworth avait interprété des seconds rôles (crédité sous son propre nom Rita Cansino) sur quelques films B et C dans les années 1930 puis (créditée sous le nom de Rita Hayworth) des seconds rôles dans le film d’aventures Seuls les anges ont des ailes (USA 1939) de Howard Hawks et dans quelques comédies musicales en vedette durant la Seconde guerre mondiale 1939-1945, dontLa reine de Broadway (Cover Girl, USA 1944) de Charles Vidor. Elle était populaire auprès des soldats américains car elle animait, avec d’autres actrices et acteurs de Hollywood, les galas qui leur étaient régulièrement organisés. Gilda en fit une énorme star. La Columbia avait muni l’affiche américaine du slogan : « There NEVER was a woman like Gilda ! ». Le succès fut tel que, quelques mois après la sortie américaine du film en 1946, les soldats inscrivirent le nom de l’actrice sur une des bombes atomiques testées sur l’atoll de Bikinini (fait accompli sans son accord et qu’elle aurait désapprouvé).Gilda avait été présenté au Festival de Cannes 1946 mais l’affiche de sa sortie commerciale française en 1947 n’utilisa nullement cette présentation comme argument publicitaire, préférant mentionner que le film était interprété par « Rita Hayworth, la vedette atomique ! ».

Scénario ambivalent (paraît-il écrit au jour le jour une fois l’argument posé), aux dialogues soignés, très bien interprété et qui fait du personnage joué par Glenn Ford l’objet d’une rivalité entre ceux joués par George McReady (sorte de père maléfique de substitution, tenant un peu le rôle de Vautrin dans certains des meilleurs romans d’Honoré de Balzac) et Rita Hayworth (qui refuse ce rapport paternel et veut restituer à Farrell sa virilité). Les critiques américains et européens ont noté, dès les années 1970, une possible signification homosexuelle de l’intrigue : Charles Vidor et Glenn Ford, interrogés à son sujet, ne portaient pas de jugement de valeur à son encontre mais assuraient qu’ils n’y avaient absolument pas songé durant le tournage. Dans le détail, certaines liaisons de l’intrigue demeurent obscures, voire même défaillantes mais ce n’est pas très grave : ce qui compte, c’est que la continuité narrative relève de la fluidité du rêve, parfois de l’inquiétude du cauchemar. La mise en scène de Charles Vidor (solide artisan d’origine hongroise qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme le cinéaste américain King Vidor) est assez ample, soignée, dynamique ; elle est soutenue par une belle direction photo signée Rudolph Maté, excellent technicien qui deviendra un bon cinéaste de série B (contrairement à ce que pensait l’historien Georges Sadoul qui méprisait, selon moi injustement, cette seconde partie de sa carrière). La séquence de carnaval, longue et baroque, a quelque chose de sternbergien, le personnage de Gilda aussi : références conscientes ?

Deux chansons, assez brèves mais très célèbres, aux numéros de danses réglées par Jack Cole : on n’y entend pas la véritable voix de l’actrice qui fut doublée car le producteur Harry Cohn (le patron de la Columbia) jugeait sa technique vocale insuffisante. On entendrait en revanche sa véritable voix dans la séquence du bar où elle chante guitare à la main. Elles sont bien intégrées à l’action mais éclipsèrent le restant du film. Deux ans plus tard, La Dame de Shanghaï (USA 1948) d’Orson Welles - l’autre grand film noir classique Columbia interprété en vedette par Rita Hayworth - préféra une seule, sobre mais magique chanson filmée en très gros plan, donc exactement l’inverse du style de Charles Vidor qui filmait les siennes en utilisant toute la gamme de plans, du plan d’ensemble au plan rapproché. Gilda entretient d’ailleurs avec La Dame de Shanghaï une assez étroite relation puisque la Columbia lui fit la publicité suivante : « You’ll forget there ever was a woman like Gilda when you meet The Lady from Shanghaï ! » (« Vous oublierez qu’il a jamais existé une femme comme Gilda lorsque vous ferez la connaissance de La Dame de Shanghaï! »). Bien évidemment, ni le public populaire américain ni les producteurs n’oublièrent Gilda : raison pour laquelle deux autres films noirs policiers américains - L’Affaire de Trinidad (USA 1952) de Vincent Sherman et Piège au grisbi (The Money Trap, USA 1965) de Burt Kennedy - réuniront à nouveau Rita Hayworth et Glenn Ford en vedettes.

Gilda

Présentation - 1,0 / 5

1 Blu-ray BD-50 région ABC (c’est très bien et ce devrait être la norme dorénavant pour tous les Blu-rays Full HD puisque leur successeur, le Blu-ray UHD, entérine définitivement le concept de l’universalité d’une copie vidéo) édité par Sony Pictures le 06 novembre 2024. Durée du film : 110 minutes environ. Images N&B Full HD 1080p AVC au format 1.34 compatible 16/9. Son en Dolby Audio DD Mono 2.0 VOSTF + VF + nombreuses autres versions sonores et nombreux sous-titres. Suppléments : présentation par Martin Scorsese et Baz Luhrmann mais… pas sous-titrée !

Bonus - 0,5 / 5

Présentation par Martin Scorsese et Baz Luhrmann (USA 2010, VO sans STF) : elle est reprise du Blu-ray américain Criterion de 2016 mais date, pour son tournage, de 2010. Elle n’est pas sous-titrée : seuls les anglophones en profiteront ! Les deux cinéastes (filmés séparément) discutent des qualités du film et de celles de sa vedette féminine. Scorsese remarque le thème de l’auto-destruction, parmi ceux traités dans le scénario : c’est aussi l’un de ses propres thèmes et il est normal qu’il y soit sensible. En illustrations, des extraits, quelques affiches (mal cadrées) et quelques photos. Maigre édition spéciale ne présentant qu’un seul des bonus qu’on trouvait sur l’édition américaine Criterion : pourquoi n’avoir pas repris les autres ?

Gilda

Image - 4,0 / 5

Transfert numérique Full HD 1080p AVC au format 1.34 (à partir d’un format original 1.37) compatible 16/9, à partir d’un matériel argentique américain remastérisé (avec l’appui de Sony, de la UCLA de Los Angeles, etc.) à partir du négatif scanné 4K et de quelques éléments provenant de copies anglaises. L’image argentique est parfois splendide, parfois inégale : certains fragments de l’émulsion sont, sur certains plans, fugitivement instables, quelques (très) rares et minimes saletés subsistent. Le transfert numérique n’est pas non plus homogène bien que les dégradés noir-gris-blanc soient bien nuancés et bien respectés. On pourrait donc encore faire mieux mais, compte tenu du fait que presque 80 ans ont passé depuis sa sortie en exclusivité, on peut néanmoins considérer que cette édition Full HD de Gilda devient l’édition numérique française de référence, en attendant une future édition UHD. En attendant, ne lâchez pas la proie pour l’ombre et procurez-vous celle-là.

Gilda

Son - 5,0 / 5

Dolby Audio DD 2.0 Mono remastérisé à partir de la piste (soigneusement nettoyée) du négatif. VOSTF+VF d’époque+nombreuses autres langues et sous-titres couvrant les trois Amériques (du Nord, Centrale, du Sud), l’Europe (de l’Ouest, Centrale, de l’Est), l’Orient (Proche, Moyen et Extrême), Chine, Japon, Corée et Thaïlande. Sur la VF d’époque, les chansons de Rita Hayworth sont doublées en français et leur texte est adapté. Les voix françaises d’époque sont dramaturgiquement pertinentes et le doublage était soigné. Sous-titres bien lisibles mais un peu envahissant lors des dialogues à deux lignes, parfois (pas toujours) trop écartées et occupant un peu trop d’espace en bas de l’image. Offre audio et sous-titrage largement nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone.

Crédits images : © Columbia

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
Avis

Moyenne

3,0
5
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4
0
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1
2
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1
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francis moury
Le 6 décembre 2024
Grand classique du film noir policier américain, indispensable à la connaissance du genre ; certes inégal mais, par moments, assez remarquable et sternbergien.

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