Orlando, ma biographie politique (2023) : le test complet du DVD

Le philosophe transgenre Paul B. Preciado a troqué plume contre caméra pour défendre la contra-sexualité.

En 1928, Virginia Woolf écrit Orlando: A Biography, le premier roman dans lequel le personnage principal change de sexe au milieu de l’histoire. Un siècle plus tard, l’écrivain et activiste trans Paul B. Preciado décide d’envoyer une lettre cinématographique à Virginia Woolf : son Orlando est sorti de sa fiction et vit une vie qu’elle n’aurait jamais pu imaginer.

Orlando, ma biographie politique, sorti dans nos salles en juin 2024, se présente comme « librement adapté du roman Orlando: A Biography de Virginia Woolf » (publié en 1928) par le philosophe Paul B. Preciado, né à Burgos en 1970 sous le nom de Beatriz Preciado, militant pour la contra-sexualité qu’il définit comme « une théorie du corps, qui se trouve en dehors de l’opposition entre masculin et féminin, entre mâle et femelle, entre hétérosexuel et homosexuel ».

Dans le roman de Virginia Woolf, la reine d’Angleterre Elizabeth I, fille de Henry VIII et d’Anne Boleyn, dite « la reine vierge », fait du jeune Orlando sa « mascotte ». Elle lui offre titre et domaine sous une stricte condition : « Do not fade, do not wither, do not grow old » (Ne te flétris pas, ne te fane pas, ne vieillis pas !). Impensable de désobéir à une reine : Orlando va traverser le temps sans prendre une ride. Un siècle plus tard, nommé par Charles II ambassadeur à Constantinople à l’âge de 30 ans, Orlando devient une femme… L’oeuvre analyse en filigrane les rapports entre les sexes de la société anglaise de la fin du XVIe siècle au début du XXe. Ce roman avait inspiré à Sally Potter son flamboyant film Orlando, sorti en 1992.

Orlando, ma biographie politique prend la forme d’une lettre à Virginia Woolf, lue en voice over par Paul B. Preciado : « Je voulais t’écrire pour te dire que je suis un de tes Orlando. (…) Le monde contemporain est plein d’Orlando (…) réduits à partir du XIXe siècle à être les patients de la psychiatrie ».

Le film hybride, entre documentaire et fiction, avec quelques archives, (notamment d’un ex-G.I. transformé en 1952 en une femme, descendant d’un avion, « comme venue d’un monde parallèle ») fait défiler une vingtaine d’Orlando, des personnages réels qui disent s’être retrouvés adolescents dans un corps qui ne leur correspondait pas et, le cou orné d’une fraise, évoquent leur transition et citent quelques lignes du roman.

Face à eux, des personnages fictifs, le docteur E. Reine, « psychiatre diplômé de l’École Patriarco-Coloniale », incarné par l’acteur Frédéric Pierrot, pour rappeler qu’un psychiatre est seul habilité à prescrire des hormones, oestrogènes ou testostérone, et Virginie Despentes, en juge, qui, à la fin du film, remet à treize Orlando des passeports attestant « leur citoyenneté planétaire et non binaire ».

Orlando, ma biographie politique, avec une mise en scène inventive, des commentaires bien écrits, donne une touche poétique à un intelligent questionnement des idées reçues sur le genre, à une ferme dénonciation des anathèmes et des difficultés administratives auxquels sont exposés celles et ceux « qui n’entrent pas dans le décor collectivement construit ».

Orlando, ma biographie politique fut sélectionné dans une quinzaine de festivals et reçut à la Berlinale 2023 le Prix spécial du jury dans la section Encounters et le Teddy Award du meilleur documentaire, avant d’être projeté au Centre Pompidou le 2 avril 2023.

Orlando, ma biographie politique (98 minutes) tient sur un DVD-9, logé dans un Digipack à deux volets, glissé dans un étui.

Le film est proposé dans sa langue originale, le français, avec le choix entre deux formats audio, Dolby Digital 5.1 ou 2.0 stéréo.

Sous-titres pour malentendants.

Sous-titres anglais disponibles.

Un livret de 48 pages contient un article de Claire Allouche paru dans les Cahiers du cinéma de décembre 2023 analysant ce premier film sur « la joie de l’émancipation trans, sur les violences subies (…) dont l’une des réussites tient à son parti pris de transposition littéraire ». Suit son entretien avec Paul B. Preciado paru dans les Cahiers du cinéma de juin 2024. Après une évocation du cinéma de Pedro Almodóvar et de Barbara Hammer, il dit ce qui l’a poussé à réaliser ce film-essai, ses vues sur la force de la caméra face à « une position binaire, patriarcale, coloniale et validiste »… « Le cinéma a la puissance d’un pharmakon qui traverse le corps et modifie notre conscience. (…) J’ai envie de continuer à faire de la philosophie au cinéma à ma manière ». Le livret se referme sur Voix off, le texte des commentaires dits par le réalisateur, un making of sans texte, résumé en seize photos de tournage et la liste artistique et technique.

Aucun supplément vidéo.

L’image numérique, au ratio de 1.78:1, finement définie, lumineuse et agréablement contrastée, avec des noirs denses, déploie des couleurs naturelles, étalonnées avec soin.

Le son Dolby Digital 5.1 (et une alternative 2.0 stéréo), avec une bonne dynamique, assure une parfaite clarté des dialogues et du commentaire. Une faible sollicitation des canaux latéraux limite l’effet immersif.

Crédits images : © 24 Images, ARTE, Les Films du Poisson