Les clips de Mylène Farmer (1/4)
Vous le savez peut-être maintenant, mais la rédaction de Dvdfr.com
abrite une bête curieuse : un fan de Mylène Farmer !
Chantre de la liberté d’expression, Dvdfr.com se lache et accorde
plusieurs pages pour la présentation et l’interprétation (très personnelle)
des 28 clips composants les 2 DVD sortis récemment. Première partie
Articles suivants :
- le 22 mars
- le 23 mars
- le 26 mars
Avant de commencer, quelques précisions :
- TOUS les clips sont ici traités (même les live)
- les commentaires sont fait dans l’ordre chronologique et pas dans celui des
DVD (« Pourvu qu’elles soient douces » déplacé pour être juste après « Libertine »; et les
live à part en tant que bonus)
C’est là que tout à commencé. Dès la première chanson, dès les premières notes de cette
chanson entêtante. Le succès est déjà là, la controverse également.
Mais qui est cette chanteuse qui se permet en 1984 de raconter des trucs pareils sur les
ondes radio françaises ? Maman à tort ? J’aime l’infirmière ? J’aime ce qu’on m’interdit ?
Et bien ça promet !
Le clip n’est pas des plus significatifs (loin de là). Plus une blague de potache surtout
destiné à jeter de l’huile sur le feu allumé par les premiers détracteurs de l’époque.
Un peu de morbide et d’humour noir et le tour est joué. On a qu’à bien se tenir, Mylène
Farmer et Laurent Boutonnat sont lâchés dans la nature et il semblerait qu’ils ne soient
pas décidés à se laisser impressionner.
Pour l’anecdote, sachez qu’un clip plus « sérieux » était prévu et avait même été storyboardé.
Mais le budget de l’écurie Farmer, ne permettait pas encore de s’offrir du cinéma.
Fort heureusement, le succès de ce premier single a ouvert la voie pour la suite…
Cette fois, ça y est : la chanson est plus sage que la première, mais le clip est un
véritable court métrage. Musique d’intro (le morceau « Cendres de Lune »), générique, format
cinémascope, et re-générique à la fin avec musique composée spécialement pour l’occasion.
La grande période « Boutonnesque » est lancée.
Mais ce sont également les thèmes chers à Mylène Farmer qui s’amorcent ici : le vieillissement,
la mort, les rapports conflictuels et toutes une floppée de paradoxes en tout genre…
Ce texte et le clip qui va avec s’attardent surtout sur le vieillissement inévitable.
Mais ce n’est pas tant le vieillissement physique qui inquiète ici mais bien le fait que
ce vieillissement inéluctable amène aussi son lot de changements dans la vie d’une personne.
Elle ne veut pas grandir parce qu’elle ne veut pas souffrir et encore moins mourir. Et
Histoire d’exorciser cette peur, du conflit avec sa poupée jusqu’à sa mort en passant par le
viol, le clip présente tout ce que le fait de grandir peut amener de négatif : le fait de
changer, de devenir un objet sexuel et bien évidemment de finir ses jours dans une
enveloppe charnel totalement inutile. En clair, Mylène n’est pas pressée de passer au stade
de Femme.
Et pourtant ! Elle a des charmes et sait en user ! Elle va même jusqu’à proclamer (pour la
chanson) qu’elle est offerte à qui veut. Ce nouveau titre va amorcer une série (longue et
ininterrompue à ce jour) de tubes auprès du public français (même les réfractaires connaissent
et ne peuvent s’empêcher de fredonner en l’entendant). La provocation est à son maximum (pour
l’époque) ! Je suis une catin ! Manquait plus que ça !
Mais c’est également l’occasion pour Laurent Boutonnat de faire preuve une bonne fois pour toute
de son talent de réalisateur et de metteur en scène (non, non, ce n’est pas tout à fait la
même chose). On ne parle d’ailleurs plus de clip mais de court métrage ! Il faut dire que
tout y est ! Cinémascope, décors, costumes, ambiance bacchanalesque, duels, intrigue,
sexe… pour un peu, on se croierait dans Barry Lyndon !
L’interprétation n’est pas forcément de mise avec ce « film » étant donné qu’il illustre
parfaitement un texte plutôt léger. Par contre, ce fut là la première occasion pour la
censure de tomber à bras raccourcis sur Mylène Farmer et Laurent Boutonnat. Malgré les
scènes de duels et d’exécution sommaire (dans le dos), c’est surtout la scène (très belle
et très sensuelle d’ailleurs) de « sexe » plantée au beau milieu. Ben oui, la foufoune de
Mylène aux heures de grande écoute, c’est pas bien ! Alors on coupe ! Et à moins d’avoir
eu la chance d’assister à la projection intégrale du film dans un cinéma des Champs-Elysées
(sacré promo pour l’époque), il aura fallu attendre la première cassette de clips (1987)
pour enfin visionner l’intégralité de la chose, qui depuis ne ferait d’ailleurs plus peur
au plus vertueux commité de censure.
On va dire que j’en fait des caisses sur Laurent Boutonnat, mais saluons également avec ce
clip ses premières compositions (hors musique de la chanson) pour accompagner certains
segments du film. Et oui, pour un clip tourné comme un film, il fallait bien une musique
de film (qui fit d’ailleurs l’objet d’une édition en maxi 45 tours).
Dans cette adaptation de Blanche Neige et les sept nains transposées en Russie en pleine
révolution, on passe ici dans un univers de conte poétique mais néanmoins morbide.
Tristana est très belle et cela ne plait guère à la reine du coin qui ordonne la mort et
le dépeçage de la belle… De nouveau, la mort occupe ici une grande place et est
considéré ici comme une éventuelle porte vers la délivrance d’un monde trop instable.
« Laissez-la partir, laissez-la mourir », on peut difficilement être plus clair ! Surtout
quand on apprend que « la » c’est « elle »… De plus la conclusion du clip ne laisse guère
le choix de l’interprétation quand, à la question « es-tu vivante ou morte », Rasoukine
s’entend (mais l’entend-t-il vraiment) répondre « je ne sais pas » par une Tristana qui
célèbre sa renaissance en pleine steppe enneigée et néanmoins ensoleillée, une sorte
de havre de paix immaculé où l’insoucience est de mise. Et pourtant, là où Blanche
Neige revenait à la vie pour qu’ils « vivent heureux en ayant beaucoup d’enfants », Tristana
ne revient pas malgré le retour de son « prince charmant ». Un exemple (et il y en aura d’autres)
d’amour contrarié et de paradoxe entre amour et souffrance chez Mylène.
1987, un nouvel album approche à grands pas. Et pour l’annoncer, voici « Sans contrefaçon ».
Un nouveau chef d’oeuvre d’ambiguïté. Le clip est une merveille. Il s’agit encore d’un
amour contrarié, mais quel traitement ! Est-ce le mythe de Pinocchio appliqué ici à l’objet
de nos digressions ? Est-ce l’étrange pouvoir de cette femme (incarné par la très rare
Zouc) ? Sont-ce les brumes qui habillent à merveilles ces dunes et cette plage interminable ?
Peut-être est-ce tout cela, mais il se dégage de ce clip une émotion rare dans la
filmographie de notre couple infernal. Ce satané paradoxe est invivable ! Cet homme qui
voit sa créature prendre vie et tomber instantanément amoureuse de lui et qui la perd dans
la minute qui suit… Comment ne pas avoir le coeur serré pour lui ?
On comprend encore un peu mieux ici ce qui anime les amours de Mylène. Car sous couvert
du texte qui cultive le thème de l’être androgyne, le clip quant à lui, peut très bien
faire état du paradoxe bien connu de notre fée rousse qui a (avait) tendance à rejeter
les hommes dont elle tombe amoureuse. Cet amour contrarié n’est pas forcément celui du
marionnettiste mais bel et bien celui de Mylène qui choisi le mutisme après avoir
avouer son amour, alors qu’elle sait qu’elle va faire souffrir (volontairement) cet homme.
Pour reprendre une phrase qui reviendra bien plus tard : « c’est pas facile, le plaisir »…
Et ce n’est pas « Ainsi soit je… » qui va arranger les choses.
1988, le nouvel album (du même nom), sort enfin accompagné de ce single.
Cette fois, le clip s’écarte du côté cinéma pour revenir à une illustration plus
métaphorique du texte. Encore une fois, l’amour ne triomphera pas. Il est pourtant bien
présent, palpable dans le texte, il a l’air pur. Mais lui céder, c’est céder sa place à
quelqu’un d’autre dans son propre esprit et pour ça, ce n’est pas encore le moment.
Le clip va encore plus loin. Car au bout de 5 minutes de poésie monochrome (lune, biche,
chouette, neige, balancoire, corps offert) la belle fini tout de même par se noyer
(volontairement ?). Comme une fatalité, elle égrène son « ainsi soit je », déclare que tout
est noir et qu’elle ne voit pas quel espoir il pourrait y avoir…
Tant pis…
Pour la première et unique fois dans l’histoire du clip français, non seulement on
dépasse ici le quart d’heure de film, mais en plus, sous couvert d’un texte qui fait la
part belle à l’indécision sexuelle et donc sans grand rapport avec « Libertine », ce clip
va se positionner comme une suite cinématographique de ce dernier.
On retrouve donc Libertine et son amant où on les avait laissé 2 ans plus tôt, c’est à dire
pour mort, tandis qu’un bataillon d’anglais cherche un raccourci que jamais ils ne trouva.
Mais les records pleuvent sur ce titre : 17 minutes, 13 semaines en tête du Top 50 de l’époque,
un budget sans précédent pour un « clip vidéo »… Mylène avouera à l’époque qu’elle était
prête à manger des nouilles pendant un moment si elle et Laurent Boutonnat pouvaient se
faire plaisir de la sorte. Et le travail est conséquent ! Jugez plutôt : en toile de fond,
le conflit anglais/français, les prostituées engagées pour distraire les anglais tandis
que les français approchent, les vieux comptes à regler entre Libertine et sa rivale, et
on peut au final se poser des questions sur la nature exacte de Libertine. Ne serait-elle
pas un ange mortel venu sur Terre pour y prendre quelques vies ? Car enfin, que de morts
autour d’elle ! Jusqu’à ce tambour qui en la voyant se rappelle des conseils de son père
qui l’avait prévenu sur l’apparence que prendrait la mort au moment où elle viendrait le
chercher. Et pourtant, il n’est pas mort, car devenu vieux, c’est lui qui nous narre cette
histoire. Notre ange a-t-il eu pitié de lui ? Etait-il assez innocent pout mériter de
survivre à ce carnage ?
Mais c’est déjà la fin et le générique se déroule avec la musique qui devint le magnifique
« Puisque… » une fois accompagné de son texte sur la face B du 45 tours.