REPORTAGE - Film Office Distribution arrête tout
Un véritable séisme est en train de bouleverser le paysage de la vidéo : le deuxième distributeur franco-français met la clé sous la porte le 30 juin. Explication et conséquences
Le 30 juin, un géant de la vidéo s’éteint. Hachette Filipacchi a décidé d’arrêter les frais : à la fin du mois, l’activité de Film Office Distribution s’arrête pour toujours.
Ce tremblement de terre concerne bien entendu la dizaine d’éditeurs distribués par Film Office, qui ont été avertis discrètement dans les dernières semaines, et qui se sont lancés dans un forcing furieux pour trouver une nouvelle maison. Un sort incertain pour le personnel à l’heure actuelle : une partie intégrera probablement d’autres filiales, tandis que d’autres quitteront le groupe.
Le label Film Office comprend en réalité deux entités distinctes : la branche
Edition (Harry - Un ami qui vous veut du bien ou Dancer in the Dark, pour ne citer que les plus récents), et une branche Distribution (qui couvrait la vente et la location, à la fois en DVD et VHS). La dissolution concerne cette dernière entité. Autrement dit, à partir du 1er juillet, les titres « maison » de Film Office seront à leur tour distribués par un tiers.
487 titres ! Un détour rapide par notre fiche éditeur, donne l’ampleur de la secousse sismique. Film Office était ni plus ni moins le deuxième éditeur indépendant (*) français, juste après TF1. Le colosse avait investi le monde du DVD assez tôt, le 1er septembre 1998. Parmi ses titres - toutes marques confondues - on trouve Himalaya, l’enfance d’un chef, Scream, Total Western, les classiques RKO d’Editions Montparnasse, mais aussi de nombreux films d’une portée plus limitée.
(*) …à condition de considérer Hachette-Filipacchi comme une entité indépendante, bien sûr…
Pourquoi cette déroute ? Malgré sa taille, Film Office n’a visiblement pas réussi à atteindre les parts de marché demandées par la maison mère. Les chiffres du marché de la vidéo en 2000 publiées par le SEV (DVD + VHS), parlent d’eux-mêmes : Film Office a obtenu une PDM de 3,61% dans la vente, et 3,44% dans la location, ce qui lui a valu une maigrichonne 7ème position, loin derrière le leader absolu, TF1 Vidéo (avec une PDM de 18,75%).
Le « day after » pour le public
Que se passe-t-il au 1er juillet ? Pas grand chose, sauf cas particuliers. Les revendeurs, qui ont de toute façon acheté les stocks (c’est ça la règle du « flux tendu »), continueront à les vendre jusqu’à l’épuisement.
Les choses deviendront plus intéressantes pour les titres « en rupture » (StudioCanal n’a jamais caché son intention de reprendre Scream, pour avoir les trois). Certains DVD pourront donc être rappelés par leurs ayants droit, pour ressortir à des dates ultérieures. Bref, le même cas de figure que pour les « anciens » StudioCanal de la période PFC.
Quant aux titres de fond de catalogue, ils pourront peut-être faire l’objet de promotions-braderies (certains films - dont des bons - ressortent chez « CineDVD » en kiosque).
Le « day after » pour les éditeurs
C’est là où les vrais enjeux ont lieu. Comme Film Office Distribution est légalement dissoute au 30 juin, les éditeurs ont eu juste quelques semaines pour boucler leur quête d’une nouvelle maison… en commençant par Film Office Edition himself !
Certains accords sont en phase de finalisation à l’heure où nous écrivons. Voici une première liste officieuse du PAF post-Film Office au 1er juillet :
- Film Office (Editions) : Paramount
- Editions Montparnasse : le contrat avec un nouveau distributeur est signé ces jours-ci
- Arte : pas encore de distributeur (voir aussi cet article
- La 5ème : Warner Home Video
- France Télévision Distribution : déjà partie chez Warner Home Video
- Elephant : Gaumont Columbia (vente), Imatim et Warner Home Video (location)
- TDK : pas d’information précise, même si l’éditeur avait déjà décidé de quitter le navire
- CTV : pas d’information à l’heure actuelle
- Ruscico : pas d’information et pas de chance pour l’éditeur russe, qui venait à peine d’arriver
- Seven7 : pas d’information, mais seuls 2 DVD sont concernés : Un Géant dans la course et The Race - La course du millénaire
Nous n’avons pas d’information sur les autres (BQHL, Comédie, FFVoile, LCJ, Tandem, UFG, Vidéotel, etc.)
Les conséquences
Un grand gagnant se dessine dans le nouveau paysage : Paramount. Pourquoi lui ? Tout simplement parce que Paramount ne distribuait que… Paramount. L’arrivée de Film Office Edition va lui permettre de diversifier et dynamiser son catalogue.
Mention très bien aussi pour Warner Home Vidéo, qui réussit à constituer un « pôle culture », grâce à l’arrivée d’Arte et surtout France TV (France 2/France 3/La Cinquième), qui se lancera à fond dans le DVD dans les mois à venir. De plus, ces petits bijoux pourront se révéler utiles, si un jour on reparle à nouveau des quotas…
Sur un plan politique, la déroute de Film Office Distribution retire du jeu la deuxième puissance française du secteur, au profit des Majors. TF1, le seul rescapé français avec une PDM à deux chiffres, doit maintenant se sentir très seul.
Toute notre solidarité aux premières victimes de ce tour de table à l’arrière-goût très boursier : le personnel de Film Office Distribution.