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VIE SAUVAGE - EXCLUSIVE : preview de "Deux Frères"

Par Giuseppe Salza | Publié le
VIE SAUVAGE - EXCLUSIVE : preview de "Deux Frères"

L’humaniste Jean-Jacques Annaud a encore frappé. Son nouveau film « Deux Frères » atomisera t-il le box-office en Avril ? En attendant, voici en exclusivité un premier regard a une oeuvre-choc qui fera rugir le tigre qui est en vous



De temps à autre, notre collaborateur François Chollier vous propose des critiques cinéma de films très frais voire pas encore démoulés, qui se rattrachent à l’actualité DVD (ou vice-versa)…
Aujourd’hui, en exclusivité Dvdfr, voici un premier regard du nouvel film de Jean-Jacques Annaud.

DEUX FRERES
( Sortie le 7 avril 2004 )
Un film événement signé Jean-Jacques Annaud

Deux frères

Le Cambodge. Début des années 1920. Deux bébés tigres, deux frères, naissent loin de tout, parmi les ruines d’un temple oublié, englouti au cœur de la jungle d’Angkor. Entourés de l’affection de leur mère et de l’attention de leur père, ils grandissent et inventent des jeux qui les rapprochent.

Peuplée de dangers, la jungle est pour eux un foyer qu’il leur faut connaître et dans lequel ils apprennent à vivre. Cependant, les jours heureux de cet apprentissage seront rapidement écourtés par l’arrivée d’Aiden (Guy Pearce), pilleur de temples et chasseur de fauves.

Les tigres sont alors pourchassés et les deux frères chacun leur tour capturés, séparés, vendus. L’un à un cirque, l’autre à Monsieur Normandin (Jean-Claude Dreyfus), l’administrateur français du Cambodge. Leurs « propriétaires » leur donnent les noms de Koumal et Sangha. Mais une soif de liberté et le désir de se retrouver obsèdent les deux frères…

Deux frères

16 ans après L’Ours, Jean-Jacques Annaud récidive avec l’histoire de ces deux tigres unis par les liens du sang. Un conte viscéral qui nous transporte à des milliers de kilomètres du quotidien pour nous plonger au cœur de la jungle cambodgienne. Au programme : forêt luxuriante, faune dangereuse et bigarrée, fleuves solitaires et temples ancestraux. Tout cela, Annaud sait faire et bien le faire. Mais son véritable talent de cinéaste ne s’arrête pas là. Bien au contraire ! Loin de figer, d’esthétiser, d’ultra lécher son univers ; le cinéaste humanise, salit, circonscrit la jungle pour mieux la sentir vivre et respirer. Annaud parcourt ainsi de sa caméra indiscrète les courbes naturelles d’une forêt animée en évitant autant que faire se peut le plan panoramique et / ou le plan large. La technique reste simple. Pas la peine de compliquer. Intérêt premier : l’histoire qui n’a nul besoin de mouvements compliqués ou d’angles impossibles. Simple ! Comme ce qui va nous être conté.

Deux frères

Mais simple ne veut pas dire simpliste. Visuellement, le film est très réussi ! A chaque plan son ingéniosité, sa personnalité, sa beauté ! Mais c’est dans la direction « d’acteurs » et dans le rythme impulsé qu’une fois encore, Annaud s’est différencié. D’abord et avant tout, chasser l’ellipse qui laisserait planer une insupportable suspicion sur le sérieux du tournage et de la réalisation. Oui ! Annaud a tourné assez de plans pour rendre le propos en images sans la moindre confusion. Simple et logique ! Le cinéaste prend le temps au moyen d’un montage rigoureux, élaboré, quitte à réutiliser les séquences, pour guider le spectateur dans ce voyage merveilleux. Aucun des rebondissements ne doit échapper, aucune incohérence ne peut être relevée. La logique est l’une des clés de son éclatant succès. Deuxième principe ; fuir toute tendance à l’épilepsie. Pour cela, Annaud oppose à la génération MTV une célébration posée de l’émotion et de la beauté. Ni saccade, ni frénésie. Les plans durent et se prolongent, les séquences aussi. Cependant, les choix du montage n’apportent ni sommeil ni ennui, mais invitent le spectateur à l’imagination et la rêverie.

Deux frères

Annaud prend ainsi le temps de nous raconter et bien nous raconter son histoire. Mais quelle est-elle véritablement ? Beaucoup auront à cœur d’établir un parallèle avec L’Ours, d’autres encore verront en lui la narration inversée (où les tigres prennent la place de Mowgli) du « Livre de la Jungle ». D’autres encore, s’attacheront à y entrapercevoir une farouche diatribe sur la colonisation. Certes, en apparence, ils auront raison, mais Deux Frères va infiniment plus loin. Il s’attache à montrer l’humanité des animaux et souligner l’animalité des hommes, renversant ainsi les rapports de forces et nos réflexes primaires d’identification. Nous voici dans la peau des tigres calquant nos émotions sur leurs réactions. Ils jouent, nous rions, ils pleurent, nous désespérons, ils fuient, nous les accompagnons et palpons à chacune de leurs émotions un étrange sentiment de honte face au spectacle assez terrifiant d’une humanité chasseresse. Une humanité prédatrice qui, au nom de sa sauvegarde et de son bon plaisir, foule au pied les règles de la vie et les droits les plus élémentaires qu’a sur elle la nature. Pointe alors, le thème fort délicat (pour ne pas dire tarte à la crème) du combat contre les préjugés et du respect de la différence.

Deux frères

Qui a dit que l’homme n’était pas un animal comme les autres ? Affirmation cartésienne osée qui a façonné durant des années les sociétés, principalement occidentales, et solidement assis l’idée selon laquelle l’homme serait l’espèce dominante. Deux Frères, on l’aura compris, s’insurge contre cette idée-là. D’ailleurs son titre n’a pas été choisi au hasard. Annaud aurait pu appeler son film Koumal et Sangha, du nom que leur ont donné les hommes, mais il n’en a rien fait ! Sans doute a-t-il préféré aux préjugés qui condamnent le tigre au mépris et à l’extermination le respect et la fascination qu’on doit aux êtres doués de sentiments. Et des sentiments, ces deux tigres en ont. Annaud leur en donne à moins qu’il ait un autre don, 100 fois plus précieux encore, celui de les capter naturellement. A travers une mine, un geste, un regard, l’expressivité dont Koumal et Sangha font preuve nous touche davantage encore que celle bien plus théâtrale des hommes. Naturels, instinctifs, sûrs de leurs textes, les tigres volent littéralement la vedette aux acteurs pourtant fort habiles et doués (Pearce et Dreyfus sont magistraux). Le réalisateur, qui n’est pas la moitié d’un sot en use, sans en abuser. Chaque fois qu’il le peut, il centre sur eux l’histoire, évitant toute émotion facile ou caricature. Les animaux ne surjouent jamais, c’est bien connu !

Exit les justifications lourdes et autres pamphlets rhétoriques contre l’Humanité. La chasse est ouverte. A vous seul de juger ! Le tigre est une menace pour l’homme. L’homme en est une pour le tigre. Annaud se garde bien de trancher pour savoir qui des deux est dans son bon droit. Bien au contraire, il laisse l’opinion publique se forger en se bornant à montrer ce qui est. La traque, la corruption, la vie pénible des cambodgiens. Les sujets tartes à la crème sont au passage soigneusement évités. Oui ! Les animaux ont le droit au respect. Oui ! Leur différence est source de persécution ! Mais ne vous y trompez pas, ce sont des mangeurs d’homme ! Ni morale bêtifiante, ni constats manichéens. Annaud préfère (à raison) s’aventurer plus volontiers sur les sentiers de l’amitié ou plus précisément de la fraternité. Le rapport entre les deux tigres est ainsi longuement étudiés. Puis, évitant de devenir trop long (certains passages de L’Ours le sont), Annaud met à nouveau en scène les hommes, passant du tigre à l’homme avec une désarmante dextérité qu’un scénario solide peu seul justifier, et ce jusqu’à définitivement les rapprocher. L’osmose est alors quasi religieuse. Certains évoqueront le chamanisme au travers et l’esprit du tigre. D’autres y verront une figure biblique à travers la dénomination puis la « domestication ». Qui est l’animal ? Qui est l’homme ? Y a-t-il encore une frontière ? Annaud filme l’un et l’autre sans opérer la moindre différence. Un seul et même dénominateur commun : les sentiments. L’un et l’autre en sont définitivement doués. Inexplicable envoûtement, insaisissable magie de l’instant. Le sorcier Annaud a encore frappé ! Cette fois, c’est avec une œuvre indéniablement maîtrisée qui franchit le cap de l’exploration voir de l’exercice de style(La Guerre du feu, L’Amant) pour embrasser la complexité heureuse et malheureuse de nos existences mystérieuses.

Deux frères

Deux Frères n’est pas seulement un grand film réalisé avec beaucoup d’amour et de soin, c’est avant tout un rêve que Jean-Jacques Annaud poursuit. Celui d’un éternel enfant que le monde sauvage fascine et qui n’a de cesse d’en rapporter de fabuleuses histoires. A la manière d’un conteur africain, le cinéaste donne vie à un univers peuplé de créatures mi-réelles mi-légendaires. Il éveille ainsi en nous cette âme d’enfant bien plus à même de comprendre la vie que les adultes ne le sont. Annaud signe ici un succès à venir planétaire, lègue d’une carrière atypique guidée par une vision. De celles qu’on ne se lasse pas d’aimer et que l’on veut partager…

Deux frères

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